Dans la famille des îles, je demande le Ré
Ile de Ré, Avril 2022
En ce mercredi, nous ne changeons pas de fil rouge: ce sera encore une île. Nous allons finir par frôler l'overdose si nous n'y prenons pas garde. Néanmoins, depuis le début du séjour, c'est la première que je ne connaissais pas encore si ce n'est de réputation. Aujourd'hui, je me laisse guider par mes parents déjà venus il y a quelques années. La météo ne semble pas des plus prometteuses en début de matinée. Direction la voie rapide pour rejoindre dans un premier temps La Rochelle et ses bouchons périphériques. Pas d'autre alternative pour rejoindre le pont qui débute au nord-ouest de la ville. Ici, contrairement à la grande voisine, Oléron, il faut s'acquitter d'un péage avant d’emprunter le viaduc.
Dès les premiers tours de roue sur l'île, je constate de suite une différence notable avec la grande O: pistes cyclables partout, et déjà un nombre conséquent de vélos qui les empruntent alors même que la pleine saison n'a pas encore commencé. Je n'ose imaginer comment cela doit être en plein été : embouteillages cyclistes? Rivedoux derrière nous, Sainte-Marie-de-Ré aussi, nous bifurquons vers la côte en direction de La Flotte. Si les maisons basses parées de blanc donnent un cachet certain, on est vite refroidi par l'étroitesse des rues, sans parler des sens uniques qui déconcertent l'automobiliste. Non sans difficulté, nous dénichons un parking, évidemment payant. Il faudra finir à pied pour rejoindre le port. Les éléments semblent alors vouloir se déchainer : il fait froid et le vent forcit tellement que lorsque nous débouchons sur le port, nous avons l'impression que nous pourrions être repoussés par une prochaine rafale. Je n'imaginais pas mon premier contact rétais aussi "hostile". Nous ne trainons pas, d'autant plus que le village émerge à peine. Il fait bien meilleur à l'abri dans la voiture. Quitter la Flotte se révèle bien plus simple que d'y arriver.
Saint-Martin-en-Ré se présente déjà. Ici tout est proche, l'île est vraiment plus petite. Saint-Martin est à Ré ce que Château est à Oléron : une cité fortifiée par Vauban. Et c'est une fortification qu'on aperçoit en premier. Une fois le mur franchi, je découvre même qu'il y a une citadelle. Mais celle-ci est inaccessible au grand public étant donné qu'elle abrite un établissement pénitentiaire. On peut seulement s'en approcher côté océan depuis le parking Vauban pour en admirer sa porte et son "port privatif". Ici, toute la ville ou presque est blottie à l'intérieur de l'enceinte; seul le quartier de villégiature du "Parc" fait bande à part.
La météo s'est légèrement améliorée; le vent est toujours là mais le soleil commence à prendre le dessus. Nous avançons vers le centre-ville en marchant sur le rempart qui surplombe les flots (enfin quand la marée y met du sien), tout en luttant contre les bourrasques. Nous longeons ainsi ce qui ressemble à un parc arboré de front de mer jusqu'à la balise qui marque l'entrée du port. Nous n'irons pas plus loin. Tranquillement nous suivons le chenal qui nous fait pénétrer dans le port et donc dans le centre-ville. Quand bien même la foule n'est pas encore trop dense, on sent bien que la cité est un lieu d'attraction incontournable. Par certains aspects, les lieux me rappellent un peu le port de Honfleur. Plutôt que d'arpenter directement le vieux centre, nous empruntons le quai de Bernonville qui fait office de pont pour rejoindre l'îlot qui a été aménagé en plein centre du port. En fait, les pontons se répartissent tout autour de lui. De là, une passerelle permet de rejoindre la seconde jetée qui offre, à mes yeux, la vue la plus sympa sur le port.
Prendre ainsi son temps a fini par laisser le temps aux cieux de virer à l'agréable: Eole se calme et le soleil darde de plus en plus ses rayons chauds. Nous pouvons alors nous engager dans les ruelles encore à l'ombre sans risquer le moindre choc thermique, jusqu'à rejoindre l'église. Ce n'est pas tant son intérieur qui mérite le détour, ni même son architecture d'ensemble qui a largement souffert du temps mais sans aucun doute son clocher.
De là-haut, la vue panoramique sur la cité est imprenable. Mais pour y parvenir, il faut s'armer de patience. La première étape est la plus simple: acheter un billet. C'est ensuite que les choses se corsent. Impossible de se croiser dans les escaliers et paliers. En théorie, un système de feux lumineux doit indiquer quand s'engager ou pas. Sauf que c'est tout sauf fiable. Autant dire qu'il faut s'armer de patience, régulièrement faire machine arrière, de temps en temps se serrer dans un coin, pour enfin parvenir au sommet (gare néanmoins à toute précipitation, le dernier linteau est très bas!). De là-haut, on peut profiter d'un superbe panorama sur la ville en contrebas et ses environs. A couper le souffle!
De retour au sol, nous redescendons doucement vers le port, traversant une série de ruelles presque uniquement commerçantes. Il faut bien vivre, certes, mais cela gâche parfois l'authenticité. Tous ces efforts ont fini par nous creuser l'appétit: une des terrasses sur le quai fera idéalement l'affaire, d'autant plus si elle est abritée.
Avant de quitter les lieux, nous faisons un dernier détour par une bâtisse de style, l'hôtel de Clerjotte dont la construction a commencé au quinzième siècle.
La prochaine étape requiert de rouler un peu plus, point trop non plus au regard des dimensions de l'île. En chemin, nous passons aussi par ce qui est l'endroit le plus étroit. On pourrait presque penser à un isthme s'il n'y avait ces dizaines de marais salants sur notre droite. Un gros kilomètre plus loin, nous atteignons un village qu'on voit de loin. Et pour cause... son clocher a été converti en balise. Afin de le rendre bien visible, sa pointe a été peinte en noir et blanc. Impossible de ne pas voir une telle originalité. En revanche, l'église a conservé son intégrité architecturale: pas de lanterne ajoutée à la pointe. Quant à la visite du village, il faut bien tomber pour pouvoir s'y arrêter: les places sont rares. Ici la priorité est clairement laissée aux cyclistes.
Après cette mise en bouche concernant la navigation maritime, nous ne pouvions pas poursuivre autrement qu'avec le phare des Baleines. Il a été érigé à la pointe de l'île. Très sobre, il affiche une livrée en pierres de tailles, seule la lanterne sommitale tranche avec sa peinture rouge. Mais pour l'approcher, il n'y a pas d'autre choix que de stationner sur le parking payant établi à bonne distance. Pour être précis, c'est un ancien phare, de dimensions plus modestes qui surplombe les flots face à l'océan. De là, on peut se promener en sous-bois ou flâner sur la plage, à moins que vous ne préfériez "butiner" dans les commerces situés en amont du phare.
Après une dernière flânerie du côté des Portes-en-Ré, nous quittons définitivement l'île pour pour rentrer au bercail, l'occasion de goûter aux embouteillages, à la fois sur l'île avant de rejoindre le pont, et pour contourner La Rochelle.
Je ne regrette pas cette découverte. Ré et Oléron sont très différentes, chacune avec ses particularités. Sans hésitation, les deux méritent d'être découvertes