Quand une cité portuaire se retire dans les terres

Publié le par Jérôme Voyageur

Saint-Laurent-de-la-Prée, Avril 2022

Aujourd'hui, nous avons fait le choix de découvrir la rive sud de la Charente, jusqu'à l'île d'Oléron tant qu'à faire. Si notre première étape de la journée parait très proche, tant sur la carte que visuellement (après tout il y a juste l'embouchure du fleuve...), elle se fait désirer. Faute de ponts en nombre, il faut revenir jusqu'à Rochefort, emprunter le "périphérique ouest" et franchir l'imposant viaduc, jetant un oeil au passage au pont transbordeur en contrebas. Quelques centaines de mètres plus loin, nous bifurquons sur la droite pour rapidement retrouver des routes plus "bucoliques". Direction le village de Port-des-Barques, au bout de la presqu'île, juste en face du fort Lapointe où nous étions la veille. En lui-même, le village ne présente qu'un intérêt limité . Nous sommes venus jusque là pour rejoindre l'île Madame. Son côté original, c'est qu'on peut la rejoindre à pied sec en empruntant la Passe aux Boeufs. Cela tombe bien, ce matin, c'est marée basse et il fait toujours aussi peu chaud. Nous hésitons un moment à traverser en voiture, ayant quelques doutes sur le côté carrossable du passage.

Nous optons pour la sécurité en partant à pied. Il faut compter une petite demi-heure pour couvrir la distance à un rythme tranquille jusqu'à la terre ferme, d'autant plus que le sol est tout sauf régulier, tantôt du sable dur, tantôt des cailloux ... voir des amas de coquilles. Il faut souvent louvoyer pour tenter de trouver le passage le plus stable sous les semelles. Tant bien que mal, malgré les bourrasques, nous rallions la petite île Madame. Un coup d'oeil panoramique ne laisse apparaître qu'une seule construction, encore un fort. Nous découvrirons plus tard qu'il y a aussi une ferme sur la côté opposée, ainsi qu'une petite chapelle. Les lieux ne semblent pas très fréquentés: heure trop matinale? Météo inadaptée? Mystère. Au hasard d'un pré au centre duquel est constitué une grande croix au sol, faite de multiples cailloux, nous découvrons que ce bout de terre à été le théâtre d'un évènement qui semble avoir marqué le coin : plus de 800 prêtres réfractaires y ont été déportés pendant la Révolution Française. Un peu las, nous ne poussons pas notre exploration plus loin que la chapelle, à quelque centaines de mètres du fort. Il est temps de faire demi-tour. Sur la passe nous croisons quelques cyclistes qui semblent particulièrement peiner à la fois à cause du vent et du sol bien peu adapter à leurs roues. Tout compte fait, il était préférable de laisser la voiture sur le parking : la sortie en pente dans du sable mou aurait pu constituer un piège ...

Une fois les semelles désablées, nous remontons en voiture pour quelques kilomètres en terre et mer pour rejoindre un joyau architectural de la région. Via Saint-Froult et Moëze, l'étroite départementale sinue entre parcs ostréicoles, zones humides malheureusement bien peu fréquentées par l'avifaune et terres agricoles.

L'île MadameL'île MadameL'île Madame
L'île MadameL'île MadameL'île Madame

L'île Madame

Comme lors de ma précédente visite, il y a déjà vingt ans, notre prochaine étape surgit de terre au dernier moment, au dernier virage. Comment la citadelle de Brouage réussit ce miracle de rester invisible malgré son architecture tout de même imposante. Cette fois, nous l'abordons par le Nord. Inutile de vouloir aller plus loin en véhicule, autant profiter du stationnement disponible au pied des fortifications. Nous pénétrons dans l'enceinte à pied par la porte Royale, du moins par son emplacement. En effet, pour laisser passer la route qui traverse le bourg, un pan du bastion nord a été complètement démoli. En empruntant le passage derrière l'ancienne forge, on peut se figurer ce que devait être la porte Royale grâce à ce second accès.

Pour mieux profiter et appréhender les lieux dans toute leur grandeur, nous montons directement sur les remparts où un chemin de ronde permet de progresser en toute sécurité. Sur la droite les champs, les marécages, les marais salants, sur la gauche les habitations lovés bien à l'abri des épaisses fortifications, respectant un plan en damier classique de ce genre de villes fortifiées. Dans ce paysage désormais terrestre, il est difficile d'imaginer que la cité fut dans le passé un port pour la marine royale. Notre promenade est ponctuée de nombreuse échauguettes qui s'avancent dans le vide, rarement au-dessus d'une ancienne douve, le plus souvent à l'aplomb d'une végétation de plus en plus envahissante. Si nous avions un drone ou si nous nous muions en oiseaux, nous pourrions admirer un carré quasi parfait avec ses huit pointes défensives. La perfection architecturale de l'armée royale française. Sacré Vauban ....

Après environ un quart de tour, nous redescendons à hauteur des anciennes latrines pour continuer à l'abri du vent. Dans l'angle sud-ouest, on retrouve une des deux poudrières, celle dite Saint-Luc. Leur architecture ne trompe pas : une double enceinte, de massifs contreforts, pas de fenêtres. Tout avait été imaginé pour limiter les conséquences d'une éventuelle explosion dans un lieu si stratégique.

Nous rebroussons chemin pour retourner au coeur du village, qui finalement se révèle moins "riche" que les bâtiments qui l'enserre. Néanmoins, le passage près de la placette centrale, face à l'église, me rappelle que ces lieux ont vu naître un illustre explorateur : Samuel de Champlain qui partit fonder la ville de Québec outre-atlantique. De là, nous rejoignons la deuxième poudrière édifiée à peu près au centre du mur oriental, bien éloignée de l'autre : on est jamais trop prudent. En faisant un détour vers l'angle sud-est, on peut observer une étrange structure conique en bois: en approchant, on comprend qu'il s'agit de la couverture de la glacière.

Retour sur nos pas pour repasser devant la poudrière avant que je remarque une petit porte au milieu des herbes dans le bastion est. Sur le coup, je n'ai aucun souvenir de cette partie. La curiosité m'incite à aller voir de plus près. Bien m'en a pris, et la mémoire revient immédiatement. Quelques marches permettent de descendre sous le fameux bastion dans ce qui était un port souterrain. Si, si, malgré sa taille des plus lilliputiennes et sa situation à sec, c'en était un. Comment arriver à imaginer que le havre de Brouage, aujourd'hui un simple ru a pu être un fleuve permettant aux navires de la Royale d'approcher?

De retour à l'intérieur des fortifications, nous rejoignons un secteur muré, la seule surface d'importance quasiment pas construite. D'après les panneaux explicatifs, cette zone constituait l'arsenal. Désormais, il n'en subsiste qu'un seul bâtiment au milieu du carré de verdure. Sur deux niveaux, la bâtisse servait de halle aux vivres. Désormais, c'est devenu une salle d'exposition artistique. Après avoir nourri les corps, elle nourrit désormais les esprits.

Faute de trouver une table pour déjeuner, nous finissons le tour de la cité avant de reprendre la route en direction de Marennes, distante de quelques kilomètres à peine. Pour se faire, il faut d'abord traverser Brouage et  "subir" les cahots générés par les pavés.

 

BrouageBrouageBrouage
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Brouage

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Publié dans Carnet de voyage, Europe, France

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