Nord Tanzanie - Festival animalier (1)
Vendredi 29 Septembre, Paris
Ca y est, je repars en Afrique. Que l’interlude fut long. Satané virus ! Mais au bilan, cette année 2023 de reprise complète des voyages pour ce qui me concerne sera sûrement un bon cru. Après une escapade « technologico-naturaliste » en outremer au mois d’avril, ce nouveau départ hors du territoire français va se faire en Tanzanie. Ce sera déjà la troisième incursion dans ce pays d’Afrique de l’Est, après le diptyque du Sud entre Ruaha et Selous, puis celui de l’Est, entre Katavi et Mahale. Désormais, il est temps d’aller explorer les grands parcs du Nord, tout près de la frontière kenyane, ceux dont j’ai entendu parler depuis longtemps, à longueur de documentaires animaliers, en deux mots des lieux cultes.
Ce départ en douceur avec une journée et demie de repos se révèle un bon plan pour terminer les bagages sereinement. Quoi que les dernières heures se révèlent un peu longues, à la limite de tourner en rond en regardant l’heure s’écouler … trop lentement. Malgré le retour de la chaleur, la journée est restée couverte et plutôt douce. Cela m’évite à la fois d’avoir à me couvrir de trop et de prendre une suée pour rejoindre la station de RER la plus proche : pour l’instant je snobe encore le tramway récemment mis en service. Parvenu sur le quai, j’ai la mauvaise surprise de constater sur les panneaux lumineux que le prochain train desservant l’aéroport de Roissy n’est prévu que dans une vingtaine de minutes. Très bizarre ce délai aussi long à cet endroit ! Après quelques instants de réflexion, plutôt que d’attendre en vain, je préfère tenter le coup en montant dans le premier train qui se présente quelques minutes après. Mon idée est d’aller jusqu’à la station Denfert-Rochereau et d’aviser à ce moment-là. La première bonne nouvelle est que le RER est un express, ce qui me permet d’arriver rapidement dans Paris. La seconde vient confirmer mon option : à peine deux minutes après être descendu sur le quai, je vois se présenter un train qui dessert la partie nord de la ligne ; je parviens même à y trouver une place assise et de quoi caser mes deux sacs. En revanche, ce sera un omnibus jusqu’au terminus. Autant dire qu’il faut compter une grosse heure et quart pour réaliser tout le trajet du Sud au Nord.
Je retrouve vite mes marques dans l’aéroport de Roissy après quasi quatre années de pause forcée. Etonnamment, il y a relativement moins d’affluence que j’aurais pu imaginer, du moins dans le secteur d’enregistrement alloué à Kenya Airways. Malgré tout, le processus semble excessivement long : heureusement que nous ne sommes pas trop nombreux à attendre pour déposer les bagages. A croire que certains passagers se plaisent à faire durer cette corvée ! Bonne surprise en regardant le cadran de la balance : mon bagage soute est plus léger que je ne le pensais (sûrement la durée limitée du séjour) ; cela me laisse de la marge pour le retour … Inutile de flâner dans la zone d’enregistrement, je n’ai plus rien à y faire ni personne à attendre. Je me dirige directement vers l’extrémité orientale du hall 2E où se déroule le contrôle de police. Si le cheminement est particulièrement biscornu au regard de l’affluence réduite, il se parcourt rapidement. Qui plus est, à quelques mètres des guérites, un agent d’accueil nous ouvre le passage vers les cabines Parafe. Passage encore plus rapide. Il ne me reste qu’une dernière formalité à accomplir, en l’occurrence le contrôle de sécurité. Ici encore, le circuit est si long en l’absence de foule que je passe presque plus de temps en allers et venues que le contrôle lui-même. Encore une boulette devant moi : ce n’est pourtant pas compliqué de récupérer un bac, y vider ses poches et avancer. Bref. Zen, ce sont les vacances. De plus, l’agent de sécurité est avenant et blagueur, ce qui ne gâche en rien cette corvée incontournable. Jour de chance : mon sac à dos bien chargé n’a suscité aucune vérification supplémentaire. Quelques dizaines de mètres plus loin, j’aperçois l’accès au salon. Vais-je y avoir accès avec mon billet, improbablement pris en classe « Business » ? Réponse positive d’un des employés Air France qui en assure l’accueil. Je ne vais pas manquer cette occasion sûrement unique de profiter de ce genre de services.
Ambiance calme au rez-de-chaussée du lounge pour grignoter un bout en attendant que le temps passe. Novice de ce genre de lieux, je m’accorde quelques minutes pour prendre mes repères et comprendre le fonctionnement. Ceci fait, je me dirige vers le buffet. Autant je n’ai pas d’hésitation sur le choix du salé froid, autant je réfléchis sur celui des desserts. Dur, dur. Après tout, c’est gratuit et les parts ne sont pas énormes : ça sera un de chaque, en gardant la mousse au chocolat pour la fin. Slurp ! Une petite heure avant l’embarquement, je quitte ce cocon privilégié, bien accueillant, pour rejoindre les salles au niveau supérieur et me rapprocher de la porte d’embarquement. Les espaces d’attente aux alentours sont assez peu fréquentés, à se demander si le vol sera complet. J’aperçois quelques étiquettes jaunes à l’effigie de Nomade mais pour l’instant, aucune certitude qu’il s’agisse de membres du groupe ou d’un autre : je verrai bien à l’arrivée. Une fois n’est pas coutume, l’embarquement est ouvert vingt minutes avant l’heure. Grâce à mon billet « magique », je suis placé dans la file prioritaire … où je me retrouve seul. Du coup, pour la toute première fois depuis que je voyage en avion, j’ai l’occasion d’être le premier à monter à bord, direction le premier rang.
La différence de confort avec la classe économique est incroyable : un vrai coussin, une couverture, un édredon et que dire du « gouffre » pour les jambes, en attendant de tester le fauteuil en mode nuit. Quelques minutes plus tard, une hôtesse vient me proposer un verre : ce sera champagne, soyons fou ! Puis, elle vient prendre commande pour le dîner. Je ne suis pas très habitué à toutes ces attentions à bord. Business ou pas, cela ne change rien à la ponctualité du décollage, d’autant plus que depuis mon hublot je vois le panneau lumineux fixé sur l’aérogare. De décompte négatif, il finit par devenir largement positif. Prévu à 20h45, nous finissons par décoller à 21h30. Heureusement, nous avons un peu de marge pour le transit. Il le faudra bien pour récupérer la carte d’embarquement du second tronçon. Etonnamment, le plan de vol affiché sur nos écrans individuels semble être totalement théorique tant notre pilote s’évertue à s’en écarter. Ainsi, nous nous dirigeons jusqu’à la Suisse avant de bifurquer pour suivre la côte occidentale des Balkans. Nous nous écartons même jusqu’aux environs de Djeddah en Arabie Saoudite pendant la nuit avant de filer quasi plein Sud vers notre destination. Pendant ce temps, j’essaie de profiter tant que je peux du service « supérieur ». L’hôtesse nous installe une nappe avant de déposer plateau, couverts en métal, serviette en tissu et les plats servis à l’assiette. Quel contraste ! En plus, le menu proposé a du goût. Côté technologique, je tâtonne. La tablette ? Facile, elle vient toute seule. L’écran ? Un défi : visible mais verrouillé. Il me faut de longues minutes avant de dénicher un bouton pour le libérer. Et que dire du fauteuil ? Pleins de boutons, mais parvenir en mode lit n’est pas une sinécure. Non sans mal et après plusieurs tests, je finis par m’installer sur l’édredon installé sur le « lit » et me glisser sous la couverture. Il faut reconnaitre que c’est carrément confortable de pouvoir passer une nuit, même courte, allongé et au large relatif. Courte à cause de la durée du vol, mais aussi à cause d’une gaffe monumentale de ma part. Je n’aurais pas dû laisser mon téléphone sur la télécommande TV pendant qu’il se rechargeait. Lorsque j’ai actionné le siège, il a dû glisser dans ses entrailles … sauf que je m’en suis rendu compte lorsque toute la cabine était éteinte. Montée d’adrénaline immédiate le temps, très long, de localiser l’appareil puis de le récupérer du bout des doigts. Autant dire que je ne me suis pas endormi de suite.
Vers quatre heures du matin, le réveil est brutal alors que j’avais enfin réussi à sombrer sous ma couverture. Pas le choix, le petit-déjeuner arrive. Je reste néanmoins encore une bonne heure en position semi-allongée, histoire de finir de comater alors que le soleil commence à embraser l’horizon de l’autre côté de la cabine. Il faut se faire violence pour repasser en position normale ; l’atterrissage n’a jamais été aussi proche. Dernier avantage de la Business : nous sommes invités à débarquer parmi les premiers à l’aéroport de Nairobi au Kenya. Ma priorité est désormais de récupérer la carte d’embarquement suivante. Plus facile à dire qu’à faire. Après quelques escaliers et couloirs, je me retrouve bloqué pour un contrôle de sécurité, pas le plus rapide que j’ai connu, et encore, j’ai profité de mon statut prioritaire pour utiliser la file dédiée. Même les chaussures doivent être retirées. Malgré tout je sonne quand même. Qu’à cela ne tienne, l’agent me laisse passer … Inutile de chercher à comprendre.
Au hasard des couloirs du hall de transit, je finis par apercevoir un guichet de la compagnie qui, après plusieurs minutes d’attente, me répond qu’il faut s’adresser à la porte d’embarquement. Original ! Pour couronner le tout, celle-ci est située à l’autre bout de l’aérogare. Grâce à une marche « active », j’y parviens parmi les premiers, ce qui me permet de l’obtenir rapidement. Enfin un peu de répit ! Mais nous n’avons pas à attendre longtemps avant que l’embarquement ne s’ouvre largement en avance. Direction la passerelle puis un autobus où nous attendons longuement tout en apercevant notre ATR72 à cinquante mètres à peine de là. A quoi bon ? Mystère ! Le bon côté de ces petits avions, c’est qu’on aperçoit parfaitement les bagages à charger au moment de monter à bord. Me voilà rassuré : le mien est bien dans le chariot. Chose rare, nous quittons la piste à l’heure exacte. Moins d’une heure au-dessus des nuages est nécessaire pour franchir la frontière et atteindre la Tanzanie. Seuls deux géants percent cet océan ouaté : le plus grand d’entre eux, le Kilimandjaro, à notre gauche, et le Mont Meru, plus modeste à notre droite. Quelques minutes à peine permettent de faire des photos du toit de l’Afrique dépassant des nuages. Mais le résultat est plutôt surprenant : un effet d’optique fait que les hélices de l’appareil apparaissent détachées sur les clichés. Puis c’est la descente vers l’aéroport international du Kilimandjaro. Nous avons la surprise de constater qu’il a plu peu de temps avant notre arrivée. En amont des portes de l’aérogare, nous sommes contrôlés pour la vaccination contre la fièvre jaune. A l’intérieur, il faut s’affranchir des formalités d’immigration : le e-visa se révèle d’une efficacité rare et permet de réduire le passage à quelques minutes à peine. Le service-bagages est aussi à la hauteur : à peine arrivé dans le hall, le tapis se met en branle et mon sac est livré parmi les premiers. Tout allait trop bien, trop vite. Le réceptif Nomade que j’aperçois sur le parking des arrivées finit par me dire que je ne suis pas sur sa liste avant d’aller trouver un de ses collègues, lui aussi réceptif pour l’agence qui n’a pas de liste dans un premier temps … avant de finir par en sortir une. Miracle ! J’y apparais. Il ne reste plus qu’à faire le tri entre les deux groupes, ce qui est fait dix minutes plus tard. C’eut été ballot d’envoyer les alpinistes faire un safari et les naturalistes faire une ascension ! Je fais donc connaissance avec Adrien et Mendy, les calaisiens, et Marie-Thé et Jacqueline les bretonnes. Nous pouvons prendre la direction de notre lodge près d’Arusha : à peine une heure dix de route … à l’africaine. Je retrouve cette activité trépidante de tous côtés ainsi qu’une circulation parfois curieuse, sans parler des raccourcis par des pistes de terre un poil défoncées. Néanmoins, nous avons tendance à piquer du nez régulièrement malgré les secousses engendrées par les portions non bitumées.
Enfin, nous débarquons au Spa Safari Lodge où nous sommes chaleureusement accueillis en chanson par une bonne partie des employés, un air qui va rester dans nos têtes tout au long du séjour. Après un briefing un tantinet long, nous récupérons nos clés, juste le temps pour moi de me changer et d’ouvrir le sac. Nous aurions presque faim : c’est l’heure de passer à table et nous prenons notre temps. Encore plus au moment de la digestion : personne ne résiste à l’appel de la sieste. Vers seize heures, je me force à passer sous la douche dans l’espoir de me réveiller sous peine d’entamer définitivement ma nuit. Mission réussie. Je sors flâner et flemmarder, d’abord au bord de la piscine puis sur la terrasse principale. Je pousse même jusqu’à faire un tour sur la propriété du lodge : pas grand-chose à y dénicher en terme de faune, tout juste un point de vue sur le Meru.Petit à petit, nous nous retrouvons tous les cinq, tous aussi vifs que moi, avant que trois autres membres du groupe, déjà aperçus plus tôt, ne rentrent de leur balade dans Arusha. C’est donc à huit que nous prenons notre dîner et que nous procédons à une nouvelle présentation. Désormais, nous avons parmi nous Joséphine, Marie-Pierre et Serge, tous des Bouches du Rhône. Mais une urgence nous presse : dormir. Les coupures de courant qui avaient déjà perturbé la fin du repas vont se poursuivre une partie de la soirée.
Accueil musical au lodge
Et des fois que l'air vous resterez dans la tête (si, si cela arrive!), voici les paroles:
Jambo, Jambo bwana,
Habari gani,
Mzuri sana.
Wageni, Wakaribishwa,
Tanzania yetu Hakuna Matata.
Tanzania nchi nzuri,
Hakuna Matata.
Nchi ya maajabu
Hakuna Matata.
Nchi yenye amani,
Hakuna Matata.
Hakuna Matata,
Hakuna Matata.
Dimanche 1 Octobre, Arusha
Cette première nuit tanzanienne fut plus que fractionnée. Du coup, le réveil n’a pas été utile. Un petit rafraichissement et je me sens d’attaque pour le petit-déjeuner. Dès la porte de la « villa » ouverte, je constate que le temps est particulièrement couvert : il tombe même une petite bruine qui finit par mouiller tout ce qui reste dehors. J’ai bien fait de me présenter dès l’ouverture ; cela m’a permis d’éviter la ruée devant le buffet une dizaine de minutes plus tard. A croire que certains n’ont pas mangé depuis des jours. C’en est limite affligeant vu de l’extérieur. Il ne me reste qu’à boucler mes sacs avant de revenir à l’accueil. En chemin, un employé me propose d’aller chercher mon gros bagage. Que ces gens sont bienveillants et serviables ! Entre temps, Manuel, notre guide, est arrivé et nous commençons à faire connaissance en attendant le reste du groupe. Cette terrasse ressemble peu à peu à un quai de métro aux heures de pointe quand tous les groupes rappliquent : sacs de nœuds en vue avec les bagages qui sont déposés comme ils arrivent par les employés. Si on ne fait rien, certains vont se retrouver dans les mauvais véhicules. Ca serait ballot d’avoir évité la perte de bagage dans les aéroports et de les perdre sur place. Manu nous explique autour d’une carte comment va se dérouler notre circuit en Tanzanie.
Peu ou prou, à l’heure prévue, nous nous mettons en route avec nos deux derniers courageux qui ont réalisé avec succès l’ascension du Kilimandjaro avant de nous rejoindre. Avec Juliette et Robert, nous sommes désormais au complet, dix et pas un de plus. Pendant une bonne heure, nous nous éloignons d’Arusha dans une ambiance automnale, toujours humide sous un couvert nuageux particulièrement épais. La pause a lieu dans un lieu certes propre mais beaucoup trop touristique à mon goût : des dizaines de véhicules tout-terrain sur le parking, un masaï en basket Nike dernier cri et deux enfilades de boutiques de souvenirs. Pourvu que cette densité de touristes ne dure pas. Chemin faisant, chaque groupe de véhicules semble suivre son propre itinéraire et c’est aussi bien ainsi. Plus les kilomètres passent, plus l’environnement semble austère : plus sec, plus désert, plus chaud. Progressivement nous entrons en territoire masaï : les troupeaux de bétail (surtout des vaches mais aussi des chèvres ou des moutons) gardés par des hommes en tenue traditionnelle se multiplient autour de nous. L’habitat laisse apparaitre quelques huttes rondes à proximité de constructions modernes. Le contraste est détonant. Notre route plein ouest nous rapproche aussi du fameux grand Rift. Il se révèle d’abord par l’apparition du lac Manyara qui déploie ses eaux en son cœur, lui-même bordé par une longue et abrupte falaise rocheuse que nous apercevons au loin, bien au-delà de la ville que nous approchons. L’environnement vient de changer subitement et radicalement sur les tous derniers kilomètres avant l’arrivée à Mto Wa Mbu. Déjà, nous apercevons les premiers éléphants en bord de route. Puis c’est une végétation presque luxuriante qui succède à ce long intermède sec et caillouteux que nous parcourons depuis la banlieue d’Arusha. Ce cadre me fait immédiatement penser à une oasis. Ici, tout ou presque semble pouvoir pousser, et en particulier le riz et les bananes.
Et c’est justement devant une bananeraie que Manuel nous dépose et nous abandonne à deux guides locaux, Philippe et Anastase. Alors que nous mettons pied à terre, un groupe de babouins traverse la route pour passer du parc national de Manyara à la plantation. Chapardage en vue ? Grâce à nos accompagnateurs, nous apprenons des tas de choses sur la culture des bananiers au fur et à mesure que nous progressons dans les allées, voire même parfois dans les parcelles pour voir de plus près certains détails, observer les nuances des différentes variétés. Nous avançons ainsi entre plantations, habitat authentique ou plus moderne, papillonnant un bon moment dans l’atelier boutique de sculpteurs sur bois Makondés, d’origine mozambicaine, avant de rejoindre une des écoles primaires, totalement déserte en ce dimanche. Néanmoins, nous avons l’opportunité de jeter un œil aux classes : quel contraste avec nos établissements ! En quittant les lieux par le portail d’entrée, nous reconnaissons la route où nous avons été déposés précédemment. Quelques dizaines de mètres plus loin, nous bifurquons à nouveau dans les ruelles de la ville pour rejoindre ce qu’on pourrait assimiler à un bar. Mais celui-ci n’a rien de commun avec l’image que nous pouvons en avoir. Une fois installé sur des chaises en plastiques installées dans une courette, nos guides nous expliquent tous les secrets de la bière de banane. La description qui nous en est faite ne laisse qu’une lointaine ressemblance avec les bières « habituelles ». La dégustation incontournable qui vient conclure cette halte confirme mon impression : c’est vraiment très particulier ; un seul petit verre suffira ! Nous nous dirigeons ensuite vers le marché où nous flânons un moment l’œil à l’affût des fruits, légumes ou épices peu ordinaires pour nous, profitant des couleurs variées des productions locales pour l’essentiel. Au final, je retrouve beaucoup de produits identiques à ceux qu’on peut trouver chez nous. L’allée des boucheries fait toujours son effet avec des quartiers de viande suspendus au grand air, de quoi rebuter nos estomacs d’occidentaux. A la sortie du marché, nous tombons sur une file de tuk-tuks bleus. Ceux-ci nous attendent pour notre dernier trajet. Par paires, nous embarquons pour une petite virée à vitesse réduite et en file indienne jusqu’à un restaurant traditionnel situé à l’entrée de la ville, juste en face de la rizière que nous avions aperçue en arrivant. C’est là que nous retrouvons notre guide et notre chauffeur. Cette matinée immersive se termine par un repas constitué de plats locaux traditionnels, essentiellement des légumes et végétaux produits dans le coin.
Une fois le ventre plein, nous faisons un détour par la rizière pour la voir de près en essayant de ne pas chuter des petits murets de terre qui séparent les bassins, sous peine de finir les pieds dans la boue. Vers quinze heures, il est temps de nous remettre en route. Nous avons environ trois heures de route à parcourir pour rejoindre les abords du lac Natron au nord. De route, il n’est question que quelques kilomètres, les premiers. Très vite, elle laisse place à une piste façon tôle ondulée, poussiéreuse, et régulièrement ravinée par d’anciennes pluies : vive le tout-terrain. De nouveau, le paysage change radicalement. Nous évoluons dans une large vallée bordée de montagnes ou collines, dont certaines sont assurément d’anciens volcans, tandis que le fond de celle-ci est tapie d’une végétation jaune-or, a priori bien desséchée. Désormais, nous n’apercevons que des masaïs et leurs troupeaux, tantôt de zébus, tantôt de chèvres, plus rarement quelques ânes qui leur servent pour transporter de l’eau par exemple. Exceptionnellement, quelques espèces sauvages se hasardent dans cet environnement presque désertique et austère, essentiellement des zèbres, quelques gazelles de Thomson et une outarde Kori. La progression est lente sur une telle piste, d’autant plus que la poussière levée par le véhicule qui précède n’aide en rien. Par moments, nous apercevons au loin quelques étroites mais puissantes petites tornades qui générent des colonnes de poussière. Sur le dernier tiers du parcours, la végétation évolue un peu avec l’apparition d’acacias qui viennent piqueter cette étendue dorée, exceptionnellement un rare baobab s’inscrit dans le paysage. Nous commençons aussi à contourner celle qui est appelée ici la montagne de dieux, un volcan toujours actif, que les géographes appellent Ol Doinyo Lengai. Pendant un peu moins de quarante huit heures, nous allons l’apercevoir à chaque instant, telle une vigie veillant sur le lac et ses abords. Enfin, une barrière bloquant la piste nous indique que nous approchons du but, tout du moins d’un peu de civilisation. Les lieux sont gérés par une communauté et il faut procéder à quelques formalités pour aller plus loin. La courte pause que nous y faisons permet, grâce aux jumelles, d’apercevoir de nombreux flamants roses qui font la célébrité du lac Natron. Quinze à vingt minutes plus tard, nous atteignons le Natron River Camp où les tentes ont déjà été montées par l’équipe logistique de Manu que nous rencontrons à cette occasion. A peine le sac posé et ouvert, j’opte pour une douche plus que bienvenue pour se dépoussiérer, même si elle est à température ambiante. Une fois propre, ou à peu près, une bière s’impose pour se désaltérer, d’autant plus que le bar du camp est installé sur une terrasse à l’étage, offrant une vue unique sur le Lengai. Alors, nous commençons à vaquer à nos occupations jusqu’au service du dîner dans la salle de restauration. Le soir venu, le premier tous ensembles, les langues commencent à se délier pendant le repas et après, rares étant ceux décidés à dormir dès vingt heures trente. Nous papotons avant que tout ce petit monde finisse par réintégrer les tentes respectives. Malgré le vent, il n’y fait pas froid, loin de là. Le sac de couchage va rester dans le sac, quant au sac à viande, il servira seulement de drap sur le matelas du lit picot. Je reconnais que c’est du camping tout confort.