Nord Tanzanie - Festival animalier (5)
Depuis le passage de la « gate » du Serengeti, les masaïs et leurs troupeaux refont progressivement leur apparition. Ce sont aussi de menus arbustes qui reviennent dans le décor. Néanmoins, le paysage et l’environnement restent austères. C’est pourtant là que des masaïs vivent. De part et d’autre de la piste s’égrènent des villages tous agencés de la même manière et destinés au même but. Notre progression nous conduit devant une monumentale reproduction de deux crânes qui rappelle la proximité de la gorge d’Olduvaï, qui s’étire sur une cinquantaine de kilomètres entre Serengeti et Ngorongoro, considérée comme le berceau de l’humanité suite aux découvertes de l’Australopithèque Boisei puis d’Homo Habilis. Le vent n’a toujours pas faibli ce qui ne nous incite pas à nous attarder.
Un quart d’heure plus tard, nous quittons la piste principale pour rejoindre un des ces villages, sans bien comprendre par quelle indication il est possible de savoir qu’il fallait tourner. Une fois acquitté le droit d’accès, nous assistons d’abord à une longue et lancinante danse d’accueil effectuée à la fois par des hommes et des femmes de tous âges, parés de leurs plus belles tenues colorées et d’imposants bijoux. Il semblerait que le vent soutenu les dérange bien moins que nous ; ils sont sûrement habitués en vivant ici. Notre hôte, a priori le fils du chef du village, nous sert de guide et d’intermédiaire. J’oscille entre photos et vidéos, en prenant soin d’éviter d’avoir les quelques touristes qui se joignent au groupe. A la fin de la sérénade, nous avançons lentement vers l’enceinte installé sur le somment d’une petite colline caillouteuse. Celle-ci est peu ou prou circulaire : elle est constituée d’un entrelacs impénétrable de branches d’acacias aux piquants acérés sur au moins un mètre d’épaisseur. Les cases familiales, au plan en forme d’escargot, avec un toit pointu et particulièrement basses, sont installées sur toute la circonférence. Mais pour l’instant, nous continuons à avancer vers le centre, dans ce qui devrait être en théorie le boma (le nom donné à l’enclos pour le bétail). Néanmoins, quand je regarde le sol, il y a peu de chances qu’il soit encore utilisé pour cela. Une nouvelle danse et son chant nous y sont présentés : il s’agirait d’une cérémonie traditionnelle pour les mariages. Une modeste compétition de saut vertical est organisée pour illustrer un type de confrontation qui fait partie de la culture masaï, puis une démonstration d’allumage de feu. Seulement quelques secondes suffisent à deux personnes avec une tige d’acacia, pour le bois « mou », et un bout d’ébène, le bois « dur », pour amorcer un point chaud qui commence à dégager de la fumée. Il faut alors vite transvaser cette matière échauffée dans une bouse pour déclencher et entretenir une flamme. Nous sommes ensuite répartis par paires, si possible avec un anglophone, avec un masaï, que des hommes a priori. Chaque « couple » est alors conduit vers une case différente. C’est seulement à ce moment-là que je constate qu’il s’agit bien d’un village habité quand bien même il est dédié au tourisme. Mieux vaut être mince et petit pour franchir la porte, autant dire qu’il faut que je réfléchisse à plusieurs fois pour passer sans m’accrocher. Et pourtant, je n’avais aucun sac sur le dos, juste mon appareil dans les mains. Comme je le pressentais de l’extérieur, on semble tourner pour parvenir au cœur de la case dans une certaine pénombre. La seule lumière est dispensée par le trou percé au-dessus du foyer pour essayer d’assurer l’évacuation des fumées. En fait, il faut attendre quelques minutes pour que nos yeux s’habituent à cette relative obscurité et ainsi mieux voir notre guide assis juste en face de nous. Quant à nous, nous sommes invités à nous installer en bordure d’un des couchages. Un simple semblant de cloison délimite deux « lits ». Mais de manière générale, ces cases disposent d’un seul et unique volume, chaque « recoin » étant alloué à une fonction particulière. Nous profitons de ces quelques minutes pour questionner notre hôte et obtenir quelques explications sur la vie quotidienne des masaïs, leur famille, la polygamie (un sujet qui revient régulièrement). Il nous raconte qu’il est propriétaire des lieux, qu’il est père de six enfants et qu’il est marié à deux épouses. Evidemment, en ressortant à la lumière, un poil aveuglante pendant les premières secondes, on nous propose divers souvenirs, qui, au moins, sont locaux. J’ai du mal à comprendre comment cela fonctionne. Dans un premier temps, on nous empêche d’aller voir le présentoir des voisins … avant de nous laisser faire. Il ne semble pas exister de prix unitaire : on choisit ce qu’on voudrait et après on négocie un prix pour le tout, sachant que les masaïs sont naturellement durs en affaires. Une fois nos emplettes réalisées, nous ressortons du village pour rejoindre les véhicules restés à l’écart avec leurs conducteurs. Déjà le groupe chargé de l’accueil se remet en place pour une nouvelle danse.