Chaleureux Paraguay (3)

Publié le par Jérôme Voyageur

Escalinata de San Bernadino

Mardi 7 Mai, San Bernardino

Même programme qu’hier mais plus tôt. Le petit-déjeuner est aussi copieux qu’hier et la table est donc toujours aussi encombrée. Néanmoins, nous ne trainons pas plus de vingt cinq minutes avant de rejoindre le minibus devant Casa del Val. Alfredo nous y attend en compagnie d’Aldo. Aujourd’hui, nous allons visiter une série de villages et villes installés tout autour du lac Ypacarai.

Notre première halte a lieu à Aregua, à la fois la capitale de la fraise et de la céramique. Pour les fruits, il faudra revenir à la bonne saison. En revanche, quelques rues du centre sont une succession quasi ininterrompue de boutiques d’artisanat tournées vers la céramique, avec plus ou moins de bon goût. Les animaux de toutes sortes voisinent avec les représentations religieuses (saints, vierges, crèches et autres). Le Paraguay n’est pas un pays catholique pour rien. Bizarrement, nous pouvons même apercevoir des bouddhas. Peut-être se sont ils perdus ? Dans certaines échoppes, les objets sont réalisés sur place comme chez Hortensia, affairée à réaliser des coccinelles miniatures, pour l’instant au stade de la sculpture. Après de longues minutes passées devant ou dans chaque commerce de la route de la Candelaria de los Artesanos, nous reprenons notre progression en passant devant la mairie déjà pavoisée aux couleurs tricolores en prévision de la fête nationale. Au milieu de l’allée qui passe devant elle, nous pouvons approcher un kapokier de taille réduite mais aux épines particulièrement acérées et épaisses. Qui s’y frotte, s’y lacère ! Nous rejoignons ainsi l’église Virgen de la Candelaria, impossible à manquer, installée qu’elle est au point culminant de la ville, au bout d’une vaste pelouse verte où sont plantées de grosses lettres blanches rappelant le nom des lieux ainsi qu’une énorme fraise, clin d’œil à la spécialité locale. Quelques efforts de plus sont nécessaires pour rejoindre le parvis d’un édifice finalement très sobre, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Après avoir profité un petit moment de la vue panoramique, nous remontons à bord du bus qu’Aldo vient de stationner à proximité.

Aregua, candelaria de los ArtesanosAregua, candelaria de los ArtesanosAregua, candelaria de los Artesanos
Aregua, candelaria de los ArtesanosAregua, candelaria de los Artesanos
Aregua, candelaria de los ArtesanosAregua, candelaria de los ArtesanosAregua, candelaria de los Artesanos

Aregua, candelaria de los Artesanos

Aregua, égliseAregua, égliseAregua, église
Aregua, égliseAregua, égliseAregua, église

Aregua, église

Suite à cette longue halte dans la cité fraisière, nous reprenons la route en direction d’Itaugua. Ici, nous rendons visite au centre artisanal « Katupyry », un groupe tenu par des femmes qui réalisent des broderies traditionnelles appelées Ñanduti, dont la caractéristique est d’être inspirées des toiles d’araignée. A défaut de les voir travailler, elles nous donnent quelques explications, en particulier sur la façon de fabriquer un grand drapeau pour la fête qui approche en assemblant différent rectangles colorées, tandis que nous admirons leurs nombreuses et jolies réalisations. Tout cet ouvrage et ce talent mérite quelques emplettes pour faire des cadeaux originaux et typiques. Contrairement à notre précédente étape, nous ne restons sur place qu’une grosse vingtaine de minutes avant de poursuivre vers Yaguaron.

Là, nous descendons devant l’enceinte d’une imposante mais sobre église, parée de blanc, et édifiée au cœur d’un parc aéré et herbagé qui lui offre un parfait écrin pour la mettre en valeur. Le temple de San Buenaventura témoigne de la tradition franciscaine, qui fit suite aux implantations jésuites des débuts de l’évangélisation. Au premier coup d’œil, un détail m’intrigue : aucun clocher ne surplombe l’édifice. A la place, je ne vois qu’une tour en bois qui me fait penser à un mirador, élevée à quelques mètres sur la gauche. Et encore, à bien y regarder, il semblerait qu’aucune cloche n’y soit suspendue. Cet endroit est une des rares églises à ne pas avoir été brûlée pendant la guerre de la Triple Alliance au dix-neuvième siècle. Elle a depuis été classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Plus nous approchons, plus la porte en bois parait immense, imposante, écrasante même : au moins trois mètres de haut voire plus. En plus de ses dimensions, elle propose une apparence très esthétique, un patchwork de carrés sculptés et savamment organisés. Nous profitons de l’art des menuisiers mais pour l’instant, l’accès reste fermé. Mais contrairement à celle d’Aregua, je n’ai pas l’opportunité d’en faire le tour pour dénicher un accès. Alors que nos « sésame, ouvre-toi » n’ont aucun effet, un léger grincement se fait entendre et les deux lourds battants commencent à s’ouvrir, laissant apparaitre un petit homme âgé, passant de l’obscurité à la lumière. Celui-ci nous souhaite la bienvenue et nous invite à le suivre. La sobriété externe contraste nettement avec la décoration interne. En passant le seuil, je remarque l’impressionnante épaisseur des murs (au moins un mètre à cet endroit-là). Tout l’intérieur est fait de bois, que ce soit les piliers, le plafond peint et, bien sûr, l’autel au style très très chargé (du baroque assumé mais avec une touche guarani singulière), à tel point qu’il occupe toute la hauteur de l’édifice. Et notre « ancien » nous décrit out ce que nous pouvons voir en termes de statues et la symbolique associée. Ne sachant signer, les indigènes ayant participé à la construction au dix-huitième siècle ont peint leurs visages ce qui donne au plafond cette apparence d’album photos. De retour dehors, après l’éblouissement initial tant la différence de luminosité est importante, nous ressentons à nouveau l’emprise de la chaleur. L’ombre est la bienvenue quand je ne suis pas en train de traverser les pelouses de part et d’autre de l’allée pour réaliser quelques clichés d’ensemble ou de tenter de mettre en boite les touis à ailes jaunes, petits perroquets verts, qui picorent dans les palmiers près du portail d’entrée. Au moment de quitter les lieux, nous croisons des français, un couple de néo-calédoniens, qui sillonnent l’Amérique du Sud.

Yaguaron, temple de San BuenaventuraYaguaron, temple de San BuenaventuraYaguaron, temple de San Buenaventura
Yaguaron, temple de San BuenaventuraYaguaron, temple de San BuenaventuraYaguaron, temple de San Buenaventura
Yaguaron, temple de San BuenaventuraYaguaron, temple de San BuenaventuraYaguaron, temple de San Buenaventura

Yaguaron, temple de San Buenaventura

Quelques kilomètres plus loin, nous faisons halte pour déjeuner à Pirayu dans le restaurant Eduvigis, du nom d’un héros local de la guerre de la Triple Alliance, vainqueur malgré un sous-nombre de un contre trois d’une des batailles s’étant déroulée non loin du village. Au-delà d’être un lieu de restauration, nous sommes dans un quasi musée. L’essentiel de la décoration (peintures murales, cartes, photos, …) rappelle ce douloureux moment de l’histoire du Paraguay malgré la fierté de cette victoire particulière. Ici on se nourrit essentiellement de viande et un peu de légumes autour (mais pas trop non plus !). Les assiettes se révèlent bien copieuses. Nous avons aussi la surprise dès le début du repas de voir arriver une bouteille de vin offerte par la table voisine. Cet avocat, agréablement surpris par la présence dans son pays de touristes venus de si loin, souhaite ainsi nous remercier. Etonnamment sympa, et surtout rare et surprenant ! Avant de quitter les lieux, le ventre bien rempli, Alfredo profite d’une des peintures au fond de la salle pour nous raconter l’histoire de la bataille.

Sur ce, nous reprenons la route vers Caacupé. C’est la « pastille religieuse » de l’après-midi. Son imposante cathédrale Notre Dame des Miracles, de style moderne, dont les coupoles auraient presque pu faire penser à une mosquée, s’il n’y avait eu une croix au sommet de la principale, abrite une des deux vierges vénérées autour du lac Ypacarai. Sa vaste esplanade et son grand édifice me font penser immédiatement au sanctuaire de Lourdes. Et, a priori, tout comme au pied des Pyrénées, on organise aussi des pèlerinages d’ampleur. Ici aussi, comme dans le temple de fin de matinée, les contrastes sont présents : grandiloquence de l’architecture pour une décoration intérieure particulièrement dépouillée. Il faut déambuler derrière l’autel pour approcher la fameuse petite vierge déposée au sommet d’une stèle ressemblant à un bloc de pierre creusé d’empreintes de mains de toutes tailles. La coutume veut que le pèlerin sollicite l’intercession de la vierge en approchant la main les yeux fermés, laissant une force supérieure choisir la bonne marque. Encore un contraste entre la simplicité de la décoration globale et la parure de la vierge, lourdement vêtue et parée d’or.

Caacupé, Nuestra Senora de los MilagrosCaacupé, Nuestra Senora de los MilagrosCaacupé, Nuestra Senora de los Milagros
Caacupé, Nuestra Senora de los MilagrosCaacupé, Nuestra Senora de los MilagrosCaacupé, Nuestra Senora de los Milagros

Caacupé, Nuestra Senora de los Milagros

Nous ne nous attardons pas plus et repartons en direction de Tobati, le village d’Alfredo. Après avoir longé plusieurs tuileries qui se succèdent le long de la piste rouge, nous finissons par mettre pied à terre devant un modeste atelier posé au bord du chemin. Nous sommes chez un artisan facteur de masques en bois, nommé Nestor Portillo, et visiblement connu à en croire les coupures de presse. La petite boutique laisse deviner une grande variété de thèmes, animalier, religieux ou humain. L’artiste nous offre une démonstration de sa dextérité dans la cour voisine. A voir son couteau aller et venir, les copeaux voleter, tout semble facile. Pourtant lorsque certains répondent positivement à sa proposition d’essayer, je constate que le geste devient immédiatement compliqué. En une grosse vingtaine de minutes il transforme le bloc de bois brut en un masque figurant un visage d’homme. Il n’y manque plus que le séchage et la peinture mais ceci aurait pris trop de temps. Réellement impressionnant ! Nous apprenons aussi qu’en plus de sa production, il partage son art avec des enfants pour perpétuer la tradition auprès des nouvelles générations.

Tobati, atelier de Nestor PortilloTobati, atelier de Nestor PortilloTobati, atelier de Nestor Portillo
Tobati, atelier de Nestor PortilloTobati, atelier de Nestor PortilloTobati, atelier de Nestor Portillo

Tobati, atelier de Nestor Portillo

Toutes ces découvertes aussi variées les unes que les autres ont fini par avoir raison de l’agenda initial de Nathalia. Aldo, notre chauffeur, a beau pousser le bus au maximum de ce qui est autorisé, le soleil décline dangereusement sans nous attendre. En effet, nous parvenons au ponton de San Bernardino quinze à vingt minutes trop tard. L’option du tour en bateau pour observer le coucher de l’astre solaire n’a pas plus de sens ; mieux vaut l’abandonner. Il reste toujours possible de la reporter au dernier jour du séjour lorsque nous reviendrons dans la région, moyennant que la météo s’y prête. Néanmoins, malgré notre retard, les cieux et le lac Ypacarai nous offrent quand même un bien joli spectacle. Bien que déjà passé sous l’horizon, le soleil nous gratifie encore de chaudes couleurs qui embrasent les nuages et la surface de l’eau.

San Bernadino, couchant sur l'YpacaraiSan Bernadino, couchant sur l'Ypacarai
San Bernadino, couchant sur l'YpacaraiSan Bernadino, couchant sur l'YpacaraiSan Bernadino, couchant sur l'Ypacarai
San Bernadino, couchant sur l'YpacaraiSan Bernadino, couchant sur l'YpacaraiSan Bernadino, couchant sur l'Ypacarai

San Bernadino, couchant sur l'Ypacarai

En rentrant à l’hôtel une baignade nocturne s’impose : seule Christine m’accompagne, mais nous en profitons bien. Une fois délassés, nous pouvons songer à nous faire propre pour la soirée. En effet, Nathalia nous a concocté un concert privé sur la grande terrasse, par Claudia Delvalle, une guitariste classique du conservatoire d’Asuncion. Elle semble toute timide ce qui peut s’expliquer par le fait que c’est la première fois qu’elle se produit ainsi toute seule, même si le public est de taille réduite, mais un poil dissipé par moments. Quel moment de délice et de quiétude, sous les étoiles, que ces six morceaux du répertoire traditionnel qu’elle nous interprète, dont le « Recuerdos de Ypacarai » en version instrumentale après la version chantée hier matin par Cynthia. A tel point que nous abusons de sa gentillesse en lui demandant un bis … qu’elle accepte volontiers.

Le temps de diner et d’anticiper le départ matinal de demain en réglant nos dettes, nous rejoignons nos pénates bien tardivement, une fois n’est pas coutume.

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
D'après ce que tu écris les céramiques ne sont pas chinoises....comme ici!! Magnifique l'intérieur de l'église tout en bois . On comprend que les affres de la guerre aient brulé les autres édifices. Et tes couchers de soleil sont de toute beauté. Le drapeau du Paraguay est l'inverse du notre!
Répondre