Chaleureux Paraguay (4)

Publié le par Jérôme Voyageur

Eco Reserva Mbatovi

Mercredi 8 Mai, San Bernardino

Ce matin, le petit-déjeuner est venu à nous. Il n’est pas nécessaire de rejoindre la Casa Lilia comme nous en avions pris l’habitude. Dès l’arrivée d’Aldo, nous lui confions nos gros sacs avant de prendre place à table juste au-dessus de la piscine, avec les pépiements des oiseaux en fond sonore. Ceux-ci n’attendent pas que je m’équipe de mon super téléobjectif avant de s’envoler : pas de cliché du cardinal ni du colibri. Plaisir fugace des yeux, rien de plus.

Nous quittons définitivement cet agréable hébergement vers huit heures pour rejoindre la réserve naturelle privée de Mbatovi distante d’une heure, juste à l’entrée de la province de Paraguari, bye bye celle dite Central. Les soixante dix hectares sont le cadre d’activités 100% nature. Depuis la terrasse de l’accueil, nous apercevons de la végétation partout aux alentours, seulement ponctuée de quelques « mesas », formations rocheuses tronc-coniques, et surtout une impression de pente vertigineuse dissimulée sous l’épais manteau végétal juste en contrebas. Après un briefing sur les lieux, le staff composé de Ricardo, Juan et Nympha, nous équipe pour l’aventure : baudrier, casque, une paire de gants et un petit sac garni d’une bouteille d’eau. Par chance, nous pouvons conserver les appareils photos. A l’issue d’une première centaine de mètres à découvert, nous nous engageons dans un escalier abrupt aux marches très inégales sous le couvert des arbres. Puis le chemin s’aplanit avant de nous faire rejoindre un petit ruisseau qui nous sert de fil rouge jusqu’aux premières acrobaties. Autant le petit vent qui balayait l’esplanade de départ était bénéfique, autant l’atmosphère moite à mesure que nous nous enfonçons dans ces vallons encaissés se fait pesante. Nous remontons légèrement pour atteindre une première plateforme. Là, le mousqueton destiné à assurer ma sécurité est fixé sur la ligne de vie afin que je m’engage sur un premier pont constitué de barres de bois espacées d’environ une cinquantaine de centimètres. Ainsi, on voit tout ce qui se passe en dessous (pour les sujets au vertige, il est préférable de regarder droit devant) et en particulier la canopée. Mieux vaut mettre ses pieds au milieu des axes sous peine de rapidement balancer de droite et de gauche. La plateforme d’arrivée où m’attend un autre membre du staff, sert de relais pour changer de ligne de vie et s’engager sur un deuxième tronçon. Celui-ci est simplement constitué d’un gros câble d’acier tendu. Ici, il faut trouver la bonne technique de pieds et conserver l’équilibre à l’aide des deux mains courantes. C’est déjà moins évident que le premier passage mais ça passe. Un troisième tronçon, du même acabit que le premier, clôture cette mise en bouche dans les airs, au détail près d’une instabilité un peu plus grande. Nous retrouvons la terre ferme pour quelques centaines de mètres, toujours en suivant le ruisseau. C’est alors que nous l’abandonnons pour prendre un peu de hauteur. Et pour cause ! La prochaine épreuve qui nous attend est une tyrolienne d’environ cent trente mètres de long pour une trentaine d’altitude. Mais avant de s’élancer, il faut des chariots qui sont pour l’instant à l’autre bout du câble. Deux membres du staff font le nécessaire pour les remonter à la force des bras, en tirant sur une cordelette. Ricardo me transmet les dernières consignes spécifiques pour évier d’y laisser les doigts : je me lance en tête à hauteur des cimes. C’est vraiment planant mais trop court, un énorme goût de « reviens-y ». A la fois, j’ai le sentiment de ne pas maitriser grand-chose : parti de face, je pivote sur moi-même avant de me retrouver enfin de face sans trop savoir comment. Le pylône d’arrivée se fait de plus en plus gros tandis que je doute de la capacité de Juan à me freiner. Et pourtant si, mes pieds atteignent la plateforme sans encombre. Une fois libéré du câble, je reste à proximité pour immortaliser tous les passages de mes coéquipiers.

Nous franchissons un quatrième et dernier pont à barreaux avant d’atteindre une colline rocheuse particulièrement érodée. C’est le lieu choisi pour le départ de la seconde tyrolienne. Cette fois, je fais tout le parcours en marche arrière sans jamais réussir à me réorienter, mon postérieur effleurant la cime d’un arbre à mi-parcours. Cent dix mètres plus loin, c’en est déjà fini de ces parcours suspendus dans les airs. Limite un goût de trop peu ou bien un léger début d’addiction ! Mais il reste une dernière épreuve, celle que j’appréhende le plus, surtout par méconnaissance, ne l’ayant jamais pratiquée auparavant. Nous voici donc au sommet d’une falaise sans apercevoir le sol en contrebas du fait d’un surplomb de la paroi. Une corde pend dans le vide pour nous permettre de descendre en rappel. Quand il faut y aller, faut y aller ! Je m’avance donc en premier vers le rebord. Ricardo me sécurise précautionneusement avant de me demander de me présenter de dos vers le vide, jambes écartées, main gauche sur le harnais, main droite sur la corde derrière la hanche. Malgré des consignes claires, ce n’est pas évident de tout enchainer. Surtout, il ne faut pas regarder en bas, plutôt la paroi. Quand il me dit de sauter, mon cerveau commande un blocage ! Passé le surplomb, je commence enfin à prendre le coup et à saisir le bon geste pour faire des bonds. Ainsi le dernier tiers de la descente se révèle être le plus plaisant car j’en profite totalement sans retenue, mais déjà le sol se rapproche. Finalement, j’aurais bien apprécié une corde deux fois plus longue, ou bien une répétition avant de commencer . C’est Nympha qui nous assure en bas tandis que Juan se charge de nous déséquiper, cette activité étant la dernière du parcours nécessitant du matériel de sécurité. Je ne perds pas de temps pour me positionner de côté afin d’immortaliser tous les passages dont certains, bien acrobatiques, sont source de fous rires difficiles à réprimer.

Toutes les bonnes choses ayant une fin, il faut désormais remonter, chacun à son rythme, en raison du dénivelé et de l’atmosphère lourde. D’ailleurs je suis rapidement pris d’une suée à grosses gouttes. Quelques pauses sont les bienvenues tantôt pour souffler, tantôt pour photographier quelques petites bêtes comme ces fourmis traversant le chemin, lourdement chargées de feuilles vertes. Un peu moins de deux heures après l’avoir quittée, nous retrouvons la grande terrasse. Rafraichi dans les sanitaires, je m’équipe de mon super téléobjectif en espérant la venue de quelques volatiles dans la dense végétation qui nous entoure. Sans ces geais acahé, j’aurais été bredouille mais ils valaient le coup d’œil. Grâce à mon optique, je peux apercevoir malgré le feuillage leurs élégants sourcils bleutés sur plumage noir et poitrine jaune. Il ne reste plus qu’à attendre l’heure du repas paisiblement : succulent risotto aux crevettes préparé par Magali.

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Eco Reserva Mbatovi

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Eco Reserva Mbatovi (2)

En début d’après-midi, nous reprenons la route en direction de Paraguari pour une halte à sa Fruteria, une institution de bientôt quarante ans, l’occasion d’acheter quelques produits locaux : je craque sur des petits biscuits qui se laisseront manger trop vite. Puis nous montons avec le bus au sommet du Cerro Perõ, la colline qui domine la ville. De là, nous avons un large panorama sur toute la région, de vastes plaines piquées de quelques mesas hautes de quelques centaines de mètres. Au sommet, nous tombons sur un vieux bus argentin entièrement bariolé qui sert d’atelier et de maison ambulante à un couple d’artistes. Nous discutons un peu avec eux et nous découvrons qu’ils sont les auteurs de la peinture murale de la sirène à San Bernardino ainsi que de la sculpture de la créature sur le tronc voisin. Qui l’aurait cru ? En flânant, je remarque qu’ici aussi on a un goût particulier pour les grosses lettres fichées pour écrire le nom de la ville. Décidément, serait ce une spécialité du pays ? Mystère ! Je m’éloigne du groupe pour rejoindre le sommet du monticule portant une grande croix mais le panorama n’y est pas spécialement meilleur que depuis la terrasse. Inutile d’y rester plus longtemps.

ParaguariParaguariParaguari
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Paraguari

D’ailleurs, à peine descendu, nous reprenons la route afin de rejoindre notre nouvel hébergement près du village de La Colmena au sein d’une vaste hacienda. On dirait presque une arche de Noé tant il y a d’animaux en liberté un peu partout, à peine franchi le portail d’entrée. Bien au-delà des espèces qu’on pourrait s’attendre à trouver dans une ferme comme tous les volatiles de la basse-cour, nous apercevons rapidement quelques poneys, les mêmes qui ont picoré les fruits prévus pour notre arrivée, des vaches, des paons à profusion, dont quelques spécimens entièrement blancs, des nandous, cousins sud-américains des autruches, et aussi des oiseaux sauvages autour des étangs, essentiellement des vanneaux téro, des jacanas, des gallinules poule-d’eau et une unique aigrette. Mario, propriétaire des lieux, et accessoirement médecin de profession, nous accueille dans ce lieu paradisiaque, en nous remettant à chacun un pot de miel de sa production, personnalisé à notre prénom et un parchemin nous souhaitant la bienvenue. Tout le monde est aux petits soins avec nous. Après avoir jeté mon sac dans la chambre, je me hâte de ressortir pour profiter des lieux dès cette fin d’après-midi. Le cadre est des plus agréables. Me voyant avec ma « mitraillette » comme il l’appelle, Mario me prête immédiatement son livre consacré aux oiseaux du Paraguay. J’apprécie cette délicate attention au plus haut point. Lorsque la luminosité devient trop faible, je me replie sur l’immense terrasse couverte qui fait office de lieu de vie où nous entamons un apéro, confortablement installés dans les canapés à refaire le monde tandis que Rico, l’homme à tout faire de la propriété prépare notre repas avant d’en assurer le service. Et il faut reconnaitre qu’il réussit pleinement dans son rôle de cuisinier.

Hacienda L&M - vanneau tero

 

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