Chaleureux Paraguay (8)
Lundi 13 Mai, Bella Vista
La nuit n’a pas vraiment changé la météo. Toujours gris, pluvieux et frais. Ce n’est pas encore ce matin que je vais ressortir le bermuda ! Dès le retour de Nathalia avec sa valise « d’hiver », nous partons pour la visite de la matinée. Nous allons enfin tout savoir sur la yerba maté, depuis le temps que nous en voyons dans les mains de quasi chaque paraguayen : guampa, bombilla, thermos d’eau chaude et bien sûr un sachet de maté. Pour ce faire, nous rejoignons l’exploitation de la marque Selecta, au nord du village. De prime abord, l’étendue des installations m’impressionne. Dès la descente du bus, nous nous dirigeons rapidement vers le bâtiment d’accueil, a priori l’ancienne habitation des propriétaires fondateurs, pour nous mettre à l’abri pour une courte durée. On nous y présente l’employé de l’entreprise qui va nous servir de guide pour toute la visite. Il est déjà temps de retourner dehors. Le long d’un chemin piétonnier ont été reconstitués ou rassemblés les différentes étapes du processus de transformation des branches de yerba maté fraichement cueillies en feuilles séchées prêtes à consommer pour le maté ou le téréré (la version froide), depuis la méthode originelle des guaranis, en passant par la technique des colons qui apportèrent un certain niveau de mécanisation jusqu’aux méthodes actuelles. Mais, étonnamment, en plus de cinq cents ans, le procédé lui-même n’a strictement pas changé. A l’issue de cette balade à travers les âges, nous devons mettre un casque de sécurité avant d’aller plus loin. Je profite de cette placette pour jeter un œil au jardin non pas médicinal mais « paraguayen », où sont plantées les diverses plantes dont nous entendons parler depuis notre arrivée, l’occasion de les visualiser enfin dans leur version fraiche et vivante.
Nous nous dirigeons alors vers de grands hangars qui abritent toutes les étapes du processus dans sa version la plus moderne qui existe. Une immense grille roulante permet d’acheminer les branches vers le premier séchage express au cœur d’un immense tambour chauffé au bois d’eucalyptus avant que la matière résiduelle ne soit acheminée vers la deuxième phase de séchage doux, à seulement quatre vingt dix degrés pendant vingt quatre à quarante huit heures : ces zones-là nous apparaissent comme de sombres tunnels dont nous distinguons à peine l’extrémité opposé où des moulins réduisent en miettes branches et feuilles. Nous ne verrons pas le stockage qui s’étire entre dix-huit et vingt-quatre mois. S’en suit un débat très occidental sur l’empreinte carbone de cette production, insoluble à ce jour dans son intégralité. A cet instant, nous ne savons toujours pas à quoi peut ressembler la fameuse plante à l’origine de tout et de cette « passion » nationale ». Notre guide va enfin pouvoir dissiper ce mystère en nous conduisant jusqu’à la pépinière à quelques centaines de mètres de là. Dans cette partie de l’exploitation, il peut nous présenter les techniques de germination et de semis avant de nous rapprocher des « champs » ou plutôt devrais-je dire des plantations. En effet, nous avons devant nous des alignements d’arbustes d’environ deux mètres cinquante, trois mètres de haut. La ressemblance que nous imaginions avec le thé tombe à l’eau ; c’est raccord avec la météo exécrable qui déverse des trombes d’eau sur nos têtes à cet instant. Devant ces pieds, il nous décrit comment se déroule la coupe. Ainsi éclairés, nous pouvons passer à la dernière partie industrielle dans le bâtiment voisin où se déroule l’emballage après séchage. Nous constatons ici l’écart de préoccupations concernant le droit du travail et la sécurité afférente (pas de masque pour se protéger des poussières, pas de protection auditive).
Désormais, nous pouvons rejoindre le point de départ de la visite dans la maison d’accueil pour préparer et déguster nos premiers matés. Malgré la démonstration, il y a quelques accrocs mais nous finissons par prendre le coup et commençons à siroter nos breuvages typiques. Je garde le mien pendant la vidéo fort instructive sur l’histoire, parfois tragique, de l’or vert du Paraguay, la yerba maté, depuis les guaranis jusqu’à nos jours, avec tout de même deux journées nationales officielles qui sont associées à cette production. Nous serions presque devenus incollables sur le sujet. Enfin, surtout mouillés.
De ce fait, le programme de l’après-midi qui devait consister en une marche dans la réserve naturelle est annulé, faute de pouvoir y accéder sur place à cause des pluies. Nous maintenons seulement le repas sur une terrasse, bien couverte et bien bâchée en surplomb du fleuve Parana, au cœur du centre nautique de Bella Vista. A cette période de l’année et avec une telle météo, nous y sommes quasi seuls. Bizarrement, depuis notre arrivée sur place, il ne pleut plus. En attendant de passer à table, je vais flâner le long des berges gardant toujours un œil vers les nuages sombres. C’est ainsi que je découvre une statue de la sirène locale au bout d’un promontoire.
C’est repus que nous rejoignons l’hôtel bien plus tôt que prévu. Un noyau dur s’agrège petit à petit sur les canapés du hall, d’abord Nathalia et moi, puis trois autres. C’en est fini de mes projets d’écriture à très court terme. Après inventaire du contenu des placards, nous optons pour le jeu de Unu (l’appellation locale du Uno) qui nous occupe une bonne partie de l’après-midi avant que notre patriarche nous fasse découvrir Undercover, un jeu de société sur téléphone qui consiste à découvrir qui a quel mot secret. Le temps passe ainsi beaucoup plus vite et dans une humeur joyeuse. Ce soir, pas de mousse au chocolat sur le buffet de desserts. A défaut, je dois me rabattre sur celle aux fruits de la passion, qui se laisse déguster avec plaisir aussi. Avant de partir nous coucher, nous réglons nos dettes à la réception histoire de ne pas perdre de temps demain au moment de quitter les lieux.