Chaleureux Paraguay (9)

Publié le par Jérôme Voyageur

Mardi 14 Mai, Bella Vista

Les arrivées au petit-déjeuner se font de manière plus ou moins échelonnée ce matin. Néanmoins, nous partons avec presque quelques minutes d’avance sur le programme. La pluie semble vouloir cesser, laissant place à la grisaille et à la fraicheur. Une liaison significative nous attend aujourd’hui pour relier Bella Vista à la grande ville de l’Est, Ciudad del Este, dans la province d’Alto Parana via la route numéro 6.

Dès la sortie du village, je remarque que nous traversons une région presque entièrement dédiée à l’agriculture. Ce paysage, aux larges vallons, toujours de terre rouge sombre, fortement chargée en fer, est recouvert de plantations de toutes sortes, maïs, soja, plus rarement du sorgho ou de la canne à sucre. Très régulièrement, de grands silos se dressent non loin de la route. Les commerces d’engins agricoles fleurissent eux-aussi. Quant à l’élevage, si on ne l’aperçoit pas, on le soupçonne à la lecture des panneaux à l’entrée de certaines propriétés. Ce trajet me donne aussi l’occasion de remarquer que toutes les maisons sans exception disposent d’une imposante réserve d’eau juchée au sommet d’une tour, très majoritairement une citerne de couleur bleue, qui permet d’avoir de l’eau quand l’électricité est coupée. Cette pratique me laisse imaginer que les pannes doivent être fréquentes.

En fin de matinée, nous débarquons au sud de notre destination finale. Devant le Parque Aventura Monday. Après un premier aperçu de l’imposante cascade aux teintes très « alluvionnaires » depuis le plus proche belvédère, le mirador de los Vencejos, nous rebroussons chemin pour rejoindre le « restaurant » pour prendre notre déjeuner. Si l’établissement ne paie pas de mine, les portions sont tout bonnement impressionnantes. Une fois le ventre plein, nous récupérons notre accompagnateur local qui nous guide sans équivoque à travers les différents sentiers du parc. Mais avant de nous lancer vraiment dans l’exploration, nous refaisons une halte photos près du premier parapet qui offre déjà un point de vue exceptionnel sur cette large et haute cataracte dont les dimensions lui valent le titre de chutes. En revanche, cette tour de béton, élevée sur la rive gauche dans le parc voisin, est carrément une hérésie (simplement pour y loger un ascenseur qui descend au pied de la falaise). Bref ! Il faut faire avec et cadrer au mieux les clichés pour éviter de l’avoir dans le champ. Pour ce qui nous concerne, c’est un escalier abrupt et vertigineux qui descend à travers une végétation luxuriante. A deux reprises, des plateformes intermédiaires sont aménagées : la première pour une vue à mi-hauteur des chutes, et la seconde pour profiter d’une petite cascade secondaire baptisée salto del Arroyo Angiru.

Finalement, nous atteignons la toute dernière, baptisée mirador del Rio et relativement préservée des embruns. Etant donné sa proximité avec le mur d’eau, cela aurait pu être bien pire, du genre pluie tropicale (ou hivernale). En revanche, elle me fait une impression perturbante. Sa structure grillagée installée juste au-dessus des flots tumultueux fait qu’on a le sentiment de bouger alors qu’il n’en est rien. Mon cerveau semble avoir du mal à gérer ces signaux contradictoires. De là, nous sommes aux premières loges pour profiter de cet imposant mur aquatique et du fracas qui l’accompagne. Nous nous attardons histoire d’en prendre plein les yeux et les oreilles autant que possible. Le spectacle change à chaque instant, les masses d’eau évoluant sans jamais se reproduire, créant toujours des formes différentes. La remontée, bien qu’aménagée, est tout aussi escarpée que la descente. Chacun monte à son rythme, accompagné par les citations de mère Teresa qui ont été plantées presque à chaque virage.

Cataratas del MondayCataratas del MondayCataratas del Monday
Cataratas del MondayCataratas del MondayCataratas del Monday
Cataratas del MondayCataratas del MondayCataratas del Monday

Cataratas del Monday

De retour sur les hauteurs, il faut quelques minutes pour reprendre son souffle. Ceci étant, le chemin suivant, le sendero del Mirador, est plus clément à tous points de vue, commençant par un sentier à travers bois, où je n’aperçois pas le moindre signe de vie sauvage, puis un plan incliné en pente douce qui mène jusqu’à une assez vaste terrasse, le mirador Cataratas del Paraguay. Celle-ci propose un nouveau point de vue, plus en aval des chutes et à peu près à mi-hauteur. Avec ce recul supplémentaire et cette situation plus axiale, le panorama sur le site est parfait. Il serait dommage de ne pas en profiter. Si seulement un peu de bleu voulait s’incruster dans le ciel. C’est peine perdue, limite une fine bruine s’inviterait. Nous restons là un bon moment à profiter du paysage … ou à humer les fleurs blanches du bosquet de gingembre sauvage derrière nous. Je ne me lasse jamais des beautés de la nature. Notre accompagnateur nous abandonne à notre contemplation, non sans nous avoir indiqué comment poursuivre.

Monday, sendero del MiradorMonday, sendero del MiradorMonday, sendero del Mirador
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Monday, sendero del Mirador

Il faut contourner un petit étang artificiel avant d’entamer une seconde remontée. Le passage devant la grande cage censée abriter des aras n’en révèle pas la moindre présence. En revanche, de retour au sommet, je profite que tout le monde ne soit pas encore revenu pour descendre prestement jusqu’à la « estacion de colibries ». Quelques mangeoires d’eau sucrée sont suspendues là sur quelques mètres. Une dizaine de secondes suffit avant de voir le premier voleter dans les environs. Désormais, la difficulté consiste à les mettre dans le cadre et à déclencher assez rapidement. Plus facile à dire qu’à faire. Leur vitesse d’exécution n’est pas qu’un mythe, loin de là. Malgré tout, avec un peu de patience, je parviens à en photographier trois espèces différentes et en observer une quatrième. Je serais bien resté plus longuement mais je devine que le groupe doit m’attendre près de l’entrée. J’abandonne donc ces petits athlètes pour rejoindre la troupe.

Colibris à MondayColibris à MondayColibris à Monday
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Colibris à Monday

Nous rembarquons pour traverser Ciudad del Este et rejoindre notre hôtel à Hernanderias, un quartier « huppé » au nord de la ville. Les lieux nous apparaissent classieux avec cette profusion de tableaux et de décoration d’inspiration asiatique. Limite nous ferions taches avec nos tenues de touristes. Vu l’heure, après un rapide conciliabule avec les derniers coéquipiers restés dans le hall, nous optons pour une balade dans les environs après avoir jeté les sacs dans nos chambres. Armé du plan du quartier fourni par la réception, nous partons avec Patrice, Christine, Nathalia, Philippe, Irène et moi, espérant approcher et voir le fleuve Parana dont les eaux baignent la ville. Dans un premier temps, nous constatons que les terrains avec vue semblent tous être des propriétés privées, donc inaccessibles pour nous. Alors nous continuons à avancer jusqu’à tomber nez à nez avec une haute barrière dont le poste de garde est abandonné. Inutile d’espérer voir le portail s’ouvrir. Le quartier semble sécurisé à l’extrême. Qu’à cela ne tienne ! A une centaine de mètres sur notre gauche, la clôture semble se terminer au bord d’une allée. Et en effet, sur une largeur de rue, le passage reste libre. Tandis que j’essaie en vain d’approcher l’eau, la bande m’abandonne sur ma place sans que je m’en rende compte. J’opte alors pour ce que je pensais être le bon chemin, celui qu’ils avaient probablement emprunté. Loupé ! Quelques minutes plus tard, je me rends à l’évidence que je fais fausse route et je rebrousse chemin.

 C’est ainsi que nous nous retrouvons au cœur de ce quartier résidentiel richement pourvu, au moins à en croire les façades et les jardins. Soudain, un moteur se fait entendre derrière nous, avant qu’un pickup de la société de sécurité vienne à notre hauteur. Son conducteur en descend, véritable cowboy triste, pistolet à la ceinture, nous expliquant que nous n’avons rien à faire là, que nous n’aurions pas dû franchir la barrière (absente !). Il ne rigole pas du tout et va même jusqu’à demander les papiers de Nathalia. L’abus de pouvoir dans toute sa splendeur. Bien évidemment, il nous suit jusqu’à ce que nous repassions du bon côté, dans la zone autorisée qu’il appelle la zone commerciale. Comme cela ne suffisait pas, il continue à nous suivre de l’autre côté du grillage. Mais cela ne suffisait pas non plus : il a appelé un de ses collègues à la radio pour qu’il vienne nous serrer de près juché sur sa moto. Celui-ci, malgré son sourire, ose nous affirmer qu’en raison de la fête nationale, nous aurions dû rester enfermés à l’hôtel. Tout bonnement ubuesque ! Après quelques minutes d’escorte, il part devant pour nous attendre à l’accueil où il va recommencer son sketch avec le réceptionniste et Nathalia. Dehors le pickup surveille ! Après s’être fait préciser par le personnel de l’hôtel ce qui était faisable ou pas dans ce quartier protégé, nous repartons en quête d’un endroit pour boire un coup et nous remettre de nos émotions. En entendant le ronronnement significatif des moteurs, notre guide comprend immédiatement que l’électricité vient de sauter ce qui a déclenché les groupes électrogènes. Nous voilà bien ! Décidément, les premières heures dans la grande ville de l’est du pays sont erratiques. A l’adresse indiquée, nous découvrons un sushi bar, juste à côté du poste de garde principal du quartier. Il n’y a point de lumière mais le propriétaire accepte de nous accueillir même pour un simple apéritif aux chandelles. C’est un libanais avec qui nous échangeons tantôt en français, tantôt en anglais, tantôt en espagnol. Malgré la relative pénombre l’ambiance va bon train. Qui plus est, depuis l’établissement, nous avons une vue directe sur les réparations entreprises pour réalimenter le coin. A ce rythme, cela pourrait durer longtemps. Heureusement que notre hôtel est toujours pourvu en électricité. L’heure a tourné et il nous faut remonter vers notre hébergement pour y être à l’heure convenue. Un second gin fatal nécessite un soutien particulier à certaine pour rentrer à bon port en état. Fin de journée agitée ! Le dîner la conclut paisiblement quoique la musique (fête nationale oblige ?) va retentir dans une bonne partie du bâtiment jusqu’à minuit et demi.

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J
Et bien dis moi que d'émotions! D'abord ces chutes d'eau assourdissantes et l'intervention des vigiles bien peu accueillants pour des touristes! La note de poésie, tes photos des colibris!!!
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