Rendez-vous en terre inconnue ... sur la terre de nos aïeux (1)

Publié le par Jérôme Voyageur

La baie de Menton

Toulouse, 18 Septembre 2024

Le jour J est enfin arrivé. Ce moment aurait dû se produire en mars 2020. Sauf qu'une pandémie mondiale en a décidé autrement. Alors que j'avais tous les billets et réservations en poche, les frontières de la région où je souhaitais me rendre ont été fermées. Contraint d'annuler à quelques jours à peine du départ. Puis, ce fut notre tour d'être confinés. Malgré tout ce projet était tellement important qu'il ne pouvait pas tomber aux oubliettes. Deux ans et demi totalement "effacés" suite à ce satané virus .... puis quelques envies de voyages au long cours pour reprendre une vie normale ont fait que quatre années se sont écoulées.

Néanmoins en ce début d'été 2024, l'idée est revenue avec insistance, comme une évidence: inutile d'attendre, de procrastiner, allons-y. Contrairement à l'idée initiale, j'opte pour un parcours en voiture, ce qui simplifie grandement les démarches. Il suffit de réserver les chambres d'hôtel et le tour est joué. Et donc en ce mercredi matin, je me lance enfin. Depuis quatre jours, j'ai annoncé à mon père que je l'emmenais en voyage sans lui dire où, seulement le strict nécessaire pour qu'il prépare sa valise (météo, durée), le tout avec la complicité de longue date de ma mère. Inutile de partir trop tôt: j'ai prévu de faire le voyage en deux fois, environ six cent kilomètres pour chaque étape. Autant dire qu'en partant en milieu de matinée, nous devrions arriver à destination au coeur de l'après-midi, ni trop tôt, ni trop tard. C'est ainsi que nous démarrons notre périple plein est, dans un premier temps en direction de la Méditerranée avant de la contourner, longtemps, longtemps. Au mitan de la journée, alors que nos estomacs commencent à grogner, faute de trouver enseigne à nos goûts sur les rares aires d'autoroute du secteur, nous quittons temporairement l'itinéraire près de Salon-de-Provence pour dénicher un restaurant. Ce sera finalement une adresse asiatique en version buffet. Voici de quoi repartir le ventre plein pour le reste du trajet.

L'arrivée au terme de notre première étape se fait sous une fine pluie dont je pâtis le temps de refaire le plein. Quelle galère pour traverser la ville de Menton! A se demander si le GPS a réellement proposé le chemin le plus efficace. Ce ne sont que tours et contours, montées et descentes pour traverser la cité de part en part quasi jusqu'à l'ancien poste de douanes avant d'enfin apercevoir l'hôtel. Là, j'apprends qu'il va falloir trouver une place de stationnement sur l'avenue, à défaut de disponibilité dans le parking de l''établissement. Il faut donc s'éloigner un peu, faire demi-tour et revenir sur ses pas, avant de dénicher un emplacement; Attention à ne pas oublier le disque: tout l'axe est en zone bleue. Bigre! Vu l'heure, cela devrait être bon jusqu'à la nuit, et donc par extension, jusqu'à demain matin, huit heures.

Après ce contretemps, nous pouvons enfin poser nos affaires, récupérer nos appareils avant de sortir. Ces petites chambres ne sont pas faites pour y rester, mais idéales pour une étape éclair. Délestés de nos valises, mais équipés pour la photo, nous rejoignons le front de mer de l'autre côté de l'avenue. La couverture nuageuse discontinue nous offre un éclairage très particulier, tout en nous préservant, a priori, d'une averse qui serait bien déplaisante. Trop tard, je me rends compte que mon appareil était resté allumé vidant ainsi sa batterie. Vive le téléphone.

La mer et la plage sont plutôt désertées: seul un véliplanchiste apparait sur l'eau, sans compter ce bateau de croisière qui semble faire des ronds dans l'eau au large. Mieux vaut lever les yeux vers la vieille ville dont les murs ont remplacé les façades modernes au fil de notre progression sur la promenade récemment aménagée en arrière de la plage, en contrebas de l'avenue. Le contraste est soudainement saisissant : chaque habitation arbore une couleur différente. Le centre ancien semble presque vertical, adossé aux falaises. Un étonnant escalier attire notre attention à la verticale du clocher. Il est temps pour nous de remonter pour aller voir cet étrange passage de plus près.  Derrière ces murs jaunes orangés se dissimulent six volées de basses et longues marches faites de galets agglomérés (ici, ils appellent ça en calade), trois volées dans chaque sens. Par cette rampe Saint Michel, nous débouchons sur la place qui accueille non pas un mais deux édifices religieux. Face à nous, au sommet d'un nouvel escalier, plus classique, la plus petite est la chapelle des Pénitents-Blancs qui, malgré son appellation, est déjà assez grande avec son clocher culminant à une quarantaine de mètre et sa façade baroque à double élévation dont le second niveau est composé d'un fronton tout en rondeurs.

Néanmoins, celle-ci ne peut pas voler la vedette à sa spacieuse voisine qui occupe la quasi intégralité de la bordure sud de la place. Celle-ci est une basilique consacrée à Saint-Michel-Archange. Sa large façade est flanquée de deux clochers, de teinte jaune pour celui de gauche et orangée à droite. La partie centrale, de style baroque, tire sur le vert. Etonnant mélange de teintes tout de même. Après avoir essayé d'immortaliser les lieux (l'étroitesse de l'endroit limite les angles), nous nous engageons à droite de la chapelle dans la montée du souvenir. Cette rue conduit jusqu'au cimetière vieux juché sur les hauteurs de la vieille ville. Et dans ces lieux est inhumé un personnage important relié à mon sport préféré. La première difficulté consiste à trouver la seule grille ouverte. Une fois franchi l'accès, il faut encore repérer la tombe en l'absence du moindre plan et du moindre gardien. Les sépultures sont hétéroclites dans leur style (formes et volumes des plus variés) et dans leurs origines (on y voit de l'anglais, du russe, du français, ....). Si les parapets offrent de jolis points de vue en contrebas sur la cité, la baie, la mer et la montagne, point d'indice concernant ma recherche. Nous finissons par quitter les lieux bredouilles. C'est en rebroussant chemin que nous apercevons une grille secondaire, certes cadenassée, mais qui arbore une statue et une plaque commémorative. Voici donc la section recherchée: fermée. Il faudra se contenter de la statue de William Webb Ellis, considéré par la légende comme l'inventeur du rugby, insensé qui ramassa le ballon à la main au cours d'une rencontre de football qui se déroulait dans la ville de ... Rugby.

La statue de Webb Ellis

De retour près des églises, nous décidons de flâner au hasard des ruelles qui sinuent entre les façades toujours aussi colorées. A l'approche des axes plus touristiques, nous retrouvons immédiatement des touristes, en quantité acceptable vu la saison, des boutiques de souvenirs, inévitablement consacrées massivement au citron sous toutes ses formes. Les gouttes menacent, ce qui nous incite à nous assoir dans un bistrot pour un apéritif bien mérité. C'est là que nous remarquons une  première fois que les commerçants semblent être massivement italiens. Si les serveurs s'adressent aux clients en français, c'est bien l'italien  qu'on entend derrière le comptoir. Déroutant la première fois. Quand bien même la frontière est toute proche, nous sommes néanmoins encore en France. Après cette entrée en matière vespérale, il est temps de satisfaire nos estomacs. En ce mercredi soir, les terrasses sont plutôt clairsemées. J'aurais bien tenté cette adresse sarde mais elle est fermée. Alors nous nous rabattons sur la pizzéria voisine au fond de la place du Cap. La liste est longue ne facilitant pas le choix mais le résultat est plus que probant. Repus, nous retournons par le même chemin, l'occasion de refaire quelques photos supplémentaires avec les éclairages nocturnes, en particulier la grande roue, bien que déserte mais éclairée et projetant le reflet de ses lumières sur les eaux de la baie. Un quart d'heure plus tard, nous sommes de retour dans notre chambre, histoire de récupérer pour terminer la route demain. J'interroge aussi mon père pour savoir s'il a deviné notre destination finale. Sans hésitation, il vise juste et ajoute qu'il s'en doutait depuis que je lui ai annoncé que nous ne partions que tous les deux. Perspicace!

Menton, le front de merMenton, le front de mer
Menton, le front de merMenton, le front de mer

Menton, le front de mer

La rampe Saint-Michel, la basilique et la chapelle des Pénitents-BlancsLa rampe Saint-Michel, la basilique et la chapelle des Pénitents-Blancs
La rampe Saint-Michel, la basilique et la chapelle des Pénitents-BlancsLa rampe Saint-Michel, la basilique et la chapelle des Pénitents-Blancs
La rampe Saint-Michel, la basilique et la chapelle des Pénitents-BlancsLa rampe Saint-Michel, la basilique et la chapelle des Pénitents-Blancs

La rampe Saint-Michel, la basilique et la chapelle des Pénitents-Blancs

Cimetière vieux et centre historiqueCimetière vieux et centre historique
Cimetière vieux et centre historiqueCimetière vieux et centre historique
Cimetière vieux et centre historiqueCimetière vieux et centre historique

Cimetière vieux et centre historique

Menton, 19 Septembre

 

Sans même mettre le réveil, nous quittons l'avenue Porte de France sur les coups de huit heures, au moment où le stationnement redevient réglementé. Par chance, le GPS ne nous oblige pas à refaire le même chemin qu'hier pour rejoindre l'autoroute. Il faut dire que la frontière est seulement à cinq cent mètres de là. D'ailleurs, ce bureau de douane n'est pas du tout inconnu. C'est là que la voiture du Corniaud est entièrement désossée, en vain. Aujourd'hui le poste a été démantelé. Seuls quelques véhicules siglés Police sont stationnés mais pas le moindre agent visible. J'appréhende un peu cette journée: c'est la première fois que je vais conduire mon propre véhicule à l'étranger, qui plus est sur une longue distance. Et la réputation des conducteurs transalpins n'est pas forcément la meilleure, à tort ou à raison d'ailleurs. Une dizaine de kilomètres de route tortueuse nous sépare de l'autoroute à Vintimille. C'est là qu'un immense chantier sur la quasi totalité des bretelles perturbe le cerveau du GPS. A deux paires d'yeux nous essayons de pallier à cet aléa pour essayer de dénicher le bon chemin jusqu'à la guérite d'entrée. Dès lors, nous voici lancés jusqu'à destination.

Mais la route n'est pas un long fleuve tranquille, loin de là. Les cent et quelques premiers kilomètres sont particulièrement pénibles jusqu'au nord de Gênes. Cette portion est très sinueuse, très "accidentée" et accessoirement très très en chantier. Les limitations de vitesse deviennent vite illisibles tant elles changent à tout bout de champ. Il faut aussi s'adapter aux spécificités locales: bretelles de sortie (vers les aires de repos ou pour quitter l'autoroute) particulièrement courtes, tant et si bien qu'on retient la leçon après la première frayeur; panneaux indicateurs souvent plantés sur le terre plein central et pas à droite comme on en a l'habitude. Ce début de matinée est usant nerveusement, et une pause se révèle indispensable une fois engagé sur l'autoroute A7 qui monte vers Milan. Il faut attendre encore avant que la route soit plus rectiligne et surtout plus plate. Désormais, il ne reste plus que les poids-lourds à surveiller, qui semblent, ici plus qu'en France, ne respecter aucune règle. En revanche, je suis très agréablement surpris par les automobilistes locaux, comme quoi les réputations .... Nous continuons de manière plus sereine jusqu'à hauteur de Tortone, avant de bifurquer vers Plaisance et Crémone. Les aires d'autoroute italiennes, toutes pourvues de restauration, se révèlent plus propices que celles tentées avant la frontière. Sans surprise, ce sont des plats de pâtes qui sont proposés, de quoi refaire le plein d'énergie. A Brescia, nous changeons une nouvelle fois d'autoroute pour filer plein Est sur l'A4. Malheureusement, sur cet axe arrivant de Milan, nous retrouvons aussi beaucoup de trafic, essentiellement des camions. Nous nous faisons la remarque que nous avons déjà vu la plupart des plaques minéralogiques qui peuvent exister en Europe, et même quelques-unes au-delà, comme un tour complet du continent en quelques centaines de kilomètres. Quant aux dénominations de ces autoroutes, il n'a donné lieu à aucune créativité: on juxtapose les noms des villes aux extrémités des tronçons. Cela évite toute ambiguïté.

Nous passons à proximité de villes connues telles que Vérone, Padoue puis Venise. Plus nous avançons, plus la circulation se raréfie, ce qui n'est pas plus mal. La fatigue venant, le stress n'en est que moindre. Enfin, peu après seize heures, nous changeons une dernière fois d'autoroute pour partir plein Nord à hauteur de Palmanova. Cette A23 nous conduit jusqu'à Udine, capitale du Frioul et terme de notre périple. Je confirme alors une autre particularité: nous n'avons passé aucun péage intermédiaire. C'est le ticket délivré à Vintimille, à l'autre bout du pays, qui me sert pour régler mon parcours. C'est tout de même plus pratique, à défaut d'avoir un télépéage, la faute à une incompatibilité avec le système français. Cette dernière portion se fait sous un beau soleil de fin d'après-midi. C'est aussi le retour à la circulation urbaine dans un lieu inconnu avec un certain nombre de sens uniques et des indications du GPS parfois étranges. Tant bien que mal, après un dernier tour de pâté de maisons en supplément, nous atteignons l'hôtel. Par chance, la réceptionniste parle un parfait anglais ce qui simplifie nos échanges, étant donné que je ne parle pas l'italien, tout juste quelques mots pratiques. Après avoir déposé la voiture sur le parking privé de l'établissement à cent mètres à peine, nous pouvons nous installer dans notre chambre, bien plus spacieuse que la précédente. Ce sera parfait pour les quatre prochaines nuits. Ma valise déballée, j'ai surtout besoin de me poser un peu et de me détendre.

Après un moment de répit, nous nous préparons pour sortir, à pied cette fois. Cette première exploration n'a pas spécialement de visée touristique, plutôt de repérage, et accessoirement "restaurative". Finalement, le choix de l'hôtel n'est pas trop mal: en bordure de l'hypercentre, dans un quartier calme. Il ne nous faut qu'un petit quart d'heure pour rejoindre le coeur historique que constitue la Piazza della Liberta, superbe écrin flanqué de deux loggias, dont une est malheureusement masquée en grande  partie par un podium provisoire. Pour les photos parfaites, il faudra faire preuve d'imagination pour cadrer en évitant ces ferrailles et bâches disgracieuses. Heureusement que la seconde qui lui fait face est totalement visible, me donnant immédiatement une impression de déjà vu du côté de la Sérénissime (il faut dire que Venise a régné sur les lieux à une certaine époque). Nous n'allons guère plus loin et nous installons à la terrasse du Métropolis, dans un angle de la place, bistrot proposant quelques plats. La vue est plus qu'agréable. Elle se révèle même bienvenue lorsque le temps de service s'étire bien longuement alors que nous voulons passer de l'apéritif au repas. Nous nous occupons en détaillant tout ce qui nous entoure. A priori, nous ne devrions pas être trop confrontés à des hordes de touristes. Cette région reculée n'est pas forcément le centre des attentions. Et pour en revenir au restaurant du soir, ce n'est probablement pas l'adresse que nous recommanderons pour autre chose qu'un verre.

Cette fois, la fatigue commence à me gagner. Il est temps de retourner à notre hôtel pour prendre une bonne douche régénératrice, et se plonger dans une nuit réparatrice. Je me couche serein et rassuré quant à la conduite; la suite devrait bien se passer.

Publié dans Carnet de voyage, Europe, Italie

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Commenter cet article
J
tu as donc des origines italiennes!!! Mais tu as des idées reçues sur l'Italie!! :-) Un long voyage encombré de camions! Là tu as raison. Le transport sur route est bien trop important alors qu'on ne voit plus de trains de marchandise. C'est une des plaie de ce Pays. Udine! J'y suis allée deux fois et j'ai beaucoup aimé. Quant à Menton, où réside une de mes cousines, je connais aussi mais c'est "trop chic" à mon gout! Je vais lire la suite
Répondre
J
Eh oui, mon nom de famille est originaire du Frioul. Et même côté maternel, on trouve des italiens, mais plutôt de Campanie (Ischia, Torre del Greco, Livourne).<br /> Citoyen du monde ;-)