Rendez-vous en terre inconnue ... sur la terre de nos aïeux (3)
Spilimbergo, 20 Septembre
Cette fois, c'est plus d'une quinzaine de kilomètres qu'il nous faut parcourir pour aller de San Daniele à Spilimbergo. Durant ce parcours bucolique, nous franchissons la rivière Tagliamento. Au premier regard, nous pourrions penser que ce large cours est totalement à sec tant nous n'apercevons que des galets pâles. Ce n'est qu'à proximité de la rive opposée qu'un quasi filet d'eau se montre. Sa couleur est typique des eaux de montagne, pure, claire, limite laiteuse. Nous faisons temporairement une infidélité à l'itinéraire familial pour une découverte du patrimoine dans cette cité se trouvant sur le chemin. A la base, je ne la connaissais que de nom l'ayant vu apparaitre il y a quelques années dans mes recherches. Mais j'ignorais ce que nous pouvions y voir. Et je ne soupçonnais pas ce qui nous attendait.
D'autant plus que la première impression n'est pas des plus positives. Sans adresse de destination à saisir, le GPS nous conduit au centre du village, en l'occurrence, la partie moderne. Aucun monument digne d'intérêt à l'horizon, pas une place pour stationner, des horodateurs à tout bout de champ. J'en viens à penser que nous n'allons pas trainer longtemps ici. En tournant au hasard dans l'espoir de nous éloigner de cette zone payante, nous finissons par passer près d'anciennes murailles puis devant une ancienne église. Il semblerait bien que sans le savoir nous nous soyons retrouvés dans le centre historique. Comme quoi, il faut faire confiance à la providence. Quelques centaines de mètres, je déniche une place en zone bleue. en jouant un peu avec le disque et en misant sur des contrôles légers, cela devrait le faire pour quelques heures. Maintenant que la matinée est avancée, la météo est devenue plus qu’estivale: il ferait presque chaud. Après seulement quelques dizaines de pas, nous remarquons deux maisons arborant encore d'anciennes fresques colorées à hauteur du premier étage.
Puis nous rejoignons la Piazza del Duomo, une vaste esplanade essentiellement caladée. De tous côtés ou presque se dressent des édifices patrimoniaux. Le premier qui s'offre à notre regard est une façade très sombre aux teintes blond pâle, percée d'une petite porte en bois et sept ouvertures circulaires au premier niveau. Sans la présence de trois modestes croix sur les pans du toit principal, nous n'aurions pas soupçonné qu'il s'agissait d'un bâtiment religieux, encore moins d'une cathédrale. Il est vrai qu'en la contournant, son ampleur est plus visible, mais toujours dans la sobriété avec seulement une seconde porte de dimensions toutes aussi modestes et un campanile bien peu vertigineux à l'arrière. Voyant les portes closes, nous n'essayons même pas de les ouvrir, les pensant verrouillées comme pour les précédentes églises ce matin.
Alors nous traversons la vaste esplanade en direction du petit pont qui permet de rejoindre le château. Il faut oublier l'imaginaire médiéval habituel. Ici, nous sommes plutôt devant une importante "maison forte". Une étroite arche conduit à la cour intérieure. Notre premier coup d'oeil s'accroche immédiatement sur la façade opposée qui est largement recouverte de fresques colorées sur ses trois niveaux. Les autres sont plus discrètes, soit enduites de peinture blanche, soir carrément en pierres et briques apparentes pour celle dans notre dos. Quelle n'est pas notre surprise de voir une grande banderole aux couleurs du Tour de France sur une des parois. Il n'est pourtant pas passé par ici l'été dernier. En approchant, nous comprenons qu'une exposition lui est consacré mais nous ne saurons pas de quoi était constituée la collection: il aurait fallu attendre midi que l'accès ouvre. Après quelques clichés sous tous les angles possibles, nous franchissons à nouveau le "tunnel" d'accès pour rejoindre la place. Nous passons devant la loggia de la Macia, désormais convertie en office du tourisme, dont le pilier d'angle de l'arcature recèle une ancienne mesure servant au commerce, la Macia.
Son apparence presque trop contemporaine nous la fait délaisser pour l'autre loggia, dite del Daziario, installée sur le côté ouest. Elle aussi dispose d'une série d'arcades qui dissimulent, ici et là, fresques et peintures de charpente. La façade vers le château laisse apparaitre les vestiges d'une fresque ainsi qu'une partie de la structure de pierres qui la constitue. Quelques dizaines de mètres plus loin, nous passons sous la tour orientale flanquée d'une horloge au dessus du passage et couronnée par une petite cloche En chemin, nous nous attardons près d'une Fiat 500, le modèle d'origine, qui me parait encore plus petit que dans mon souvenir. Je suis donc monté dans un véhicule aussi petit!
A partir de là s'ouvre le corso Roma qui sinue, puis s'élargit jusqu'à la porte opposée. Dans les premiers temps, la rue est étroite mais c'est aussi là qu'il faut être le plus attentif et le plus curieux, regarder partout, y compris derrière soi. Chaque bâtiment ou presque recèle un petit trésor. Parfois, il s'agit d'une petit mosaïque, comme un clin d'oeil à la spécialité de la ville, régulièrement des arcades au rez de chaussée des édifices et très souvent des fresques fort bien conservées, décorant la façade des étages, dont certaines sont percées d’élégantes fenêtres trilobées au style très particulier. Le passage s'élargit notablement lorsque nous débouchons sur la piazza Garibaldi, au fond de laquelle apparait une église aux dimensions mesurées, si bien que nous la négligeons, pour continuer sur le corso qui se resserre à nouveau, quoi que tout de même plus large que dans sa première portion. Sur notre gauche, nous profitons de l'apparence saumon de la pharmacie antique jusqu'à rejoindre la tour occidentale qui marque la sortie du centre historique. Sur sa face extérieure, il est difficile de ne pas voir l'allégeance de la cité à Venise avec la présence d'une fresque représentant le lion de Saint Marc.
Cette flânerie passionnante nous a fait oublier l'heure. Ce seraient presque nos estomacs qui nous rappelleraient à l'ordre. Autant Spilimbergo est riche en patrimoine, autant son offre gastronomique semble limitée, comme si les lieux n'étaient pas si touristiques que cela. Les adresses se font rares. Nous finissons par opter pour un petit restaurant local, devant lequel sont installés quatre anciens sous les arcades autour de verres de vin. Nous comprenons vite que les touristes ne doivent pas venir souvent: on y parle qu'italien et la carte se limite à un tableau derrière le comptoir. C'est tout à la fois un bar à vins, un traiteur, une épicerie et un petit restaurant. Sans trop de difficultés nous réussissons à passer commande. Nos plats de pâtes, tout en simplicité, se révèlent bien savoureux. Quant aux cafés, ils nous rappellent que nous sommes bien en Italie: demi-tasse pour un Expresso ;-)
Il est temps de songer à quitter les lieux. Réflexion faite, le disque que j'ai déposé derrière le pare-brise doit désormais être dépassé. Pour ce faire, nous reprenons le corso Roma jusqu'à la piazza del Duomo. Mais nos plans sont légèrement modifiés lorsque nous constatons deux touristes en train d'entrer dans la cathédrale. Il semblerait que nous nous sommes laissés égarer par cette habitude de tomber sur des églises fermées. Aussi, nous leur emboitons le pas, en utilisant nous aussi l'entrée latérale. Vue de près sa décoration, quoi que simple, nous confirme que nous sommes face à l'accès principal. Trois nefs se révèlent à nous, ce qui explique la taille si imposante de l'édifice. Tous les arcs des voûtes sont décorés de fresques au formes géométriques tandis que bon nombre de piliers sont ornés de thématiques religieuses. Dans le silence, nous nous rapprochons du choeur qui semble particulièrement "riche". Et en effet, ses trois parois sont entièrement recouvertes de fresques religieuses illustrant des textes bibliques. Les deux chapelles latérales sont tout aussi décorées. Quel contraste entre la sobriété extérieure et la richesse de la décoration intérieure. Dans le coin de la chapelle de droite, j'aperçois un escalier qui descend vers la crypte. Son accès semblant libre, nous nous y engageons. Elle est constituée d'une enfilade de petites chapelles chaulées et éclairées chichement par de modestes soupirails, et accessoirement par un éclairage électrique (encore fallait il voir l'interrupteur au bas des marches). Tandis que celle située sous le choeur propose quelques fresques, la dernière abrite un sarcophage finement sculpté juchés sur quatre pilastres couronnées de sculptures animales.
Il est temps de remonter à la surface pour faire quelques dernières photos de la cathédrale avant de rejoindre la voiture. Malgré le dépassement d'heure, aucun procès-verbal ne semble avoir été laissé. Tant mieux. il faut dire que deux heures pour visiter ce village plein de ressources, ce n'est vraiment pas suffisant. Et encore, nous avons fait l'impasse sur la facette "mosaïque".
Nous reprenons notre habitude matinale de la dizaine de kilomètres pour nous diriger plein sud jusqu'au village de Casarsa della Delizia. Ici, il n'est point de bonne surprise patrimoniale. Ce n'était pas le but. Après un rapide coup d'oeil à l'église fermée Santa Croce e della Beata Vergine del Rosario, un édifice contemporain d'inspiration baroque ... aux portes closes, nous nous mettons en quête du cimetière. En effet, le parcours traverses désormais des villages apparaissant dans notre arbre généalogique comme ayant vu naitre ou décéder des aïeux et cousins. Par chance, celui-ci est ouvert mais désert et dépourvu de gardien et de registre. Nous allons devoir inspecter les allées pour essayer de trouver des tombes affichant notre patronyme. Nous constatons une différence notable par rapport à ce que nous connaissons en France. Si le coeur du cimetière est occupé par des pierres tombales "classiques", les murs extérieurs et les contre-allées voisines sont recouverts de plaques sur quatre niveau de hauteur, dissimulant des urnes funéraires. Voilà qui facilite la recherche de noms. L'autre grosse différence est la présence quasi systématique de photos sur le sépulture: voilà un plus particulièrement intéressant quant on s'intéresse comme moi à la généalogie. Pour cette première visite, nous ne sommes pas encore au point et la méthode mérite d'être améliorer pour être plus efficace. Au final, notre "récolte" est plutôt légère avec seulement deux sépultures affichant notre nom, mais malgré tout celle d'une grand-tante de Papa. Espérons que le prochain sera plus propice.