Rendez-vous en terre inconnue ... sur la terre de nos aïeux (4)

Publié le par Jérôme Voyageur

San Giovanni di Casarsa, 20 Septembre

Cette fois, il ne nous faut parcourir que deux petits kilomètres pour rejoindre l'étape suivante dans le village de San Giovanni. A défaut de dénicher des places de parking dans le centre, nous nous posons sur le stationnement déserté de la halte ferroviaire, à quelques centaines de mètres seulement. La rue que nous empruntons débouche juste en face de la cathédrale San Giovanni Battista, encore une. Je dois reconnaître qu'elle nous apparait presque disproportionnée par rapport à la taille de ce qui est administrativement considéré comme un simple hameau rattaché à Casarsa.

 

Au débouché de la via Runcis, elle imposte toute sa majesté tant par sa largeur qui prend tout l'espace que par son élancement vers le ciel. Son style néogothique et ses matériaux nous donnent le sentiment qu'elle ne doit pas être très ancienne. A l'arrière gauche, un grand campanile vient conforter cette impression de puissance. Mais ici encore, impossible de pénétrer ni dans l'église ni dans son clocher. Décidément, nous devenons les collectionneurs de portes religieuses closes. Nous pouvons néanmoins admirer la grande rosace qui perce la façade faite de briques qui donnent à l'ensemble un dégradé de teintes orangées. Nous avons beau en faire le tour, pas un seul accès ouvert ne se révèle. Nous en sommes quittes pour l'immortaliser de l’extérieur, ce qui n'est pas une sinécure tant ses dimensions sont importantes. Il faut donc arriver à dénicher les rares endroits où nous pouvons prendre un peu de recul. En nous rapprochant du parvis, nous passons devant le monument aux morts sur lequel nous jetons machinalement un oeil. Tiens donc, notre patronyme y apparait. Mais qui est donc cet Angelo? Il va falloir que je mène l'enquête en rentrant.

Avant de quitter les lieux, nos regards s'attardent sur un bâtiment de couleur saumon, juché sur des arcades. Impossible de manquer cette loggia de San Giovanni qui vit l'écrivain et poète Pier Paolo Pasolini y afficher ses propres manifestes.

la cathédrale San Giovanni Battistala cathédrale San Giovanni Battistala cathédrale San Giovanni Battista
la cathédrale San Giovanni Battistala cathédrale San Giovanni Battistala cathédrale San Giovanni Battista
la cathédrale San Giovanni Battistala cathédrale San Giovanni Battistala cathédrale San Giovanni Battista

la cathédrale San Giovanni Battista

Direction le cimetière à quelques minutes de là. Celui-ci est implanté en pleine campagne, cerné de vignes. Une nouvelle fois depuis ce matin, cela fait remonter des souvenirs de jeunesse de Papa qui voyait Pépé tailler sa vigne très haute, contrairement à ce qui se pratiquait autour de Toulouse. Et pour cause, ici, sur sa terre natale, c'est ce qu'il avait toujours vu; il ne faisait que reproduire une façon de faire ancestrale. Quelques photos pour partager cette découverte et nous pénétrons dans les lieux. Ici non plus, nous ne trouvons ni gardien, ni registre, ni plan, mais la même architecture et la même organisation qu'à Casarsa. Cette fois, nous essayons de faire mieux, en particulier pour les plaques des murs périphériques, chacun ses rangées. Rapidement l'excitation monte (si tant est que le mot soit adapté dans un lieu de recueillement): les apparitions de notre patronyme se multiplient, environ une quinzaine au total. San Giovanni fait bien partie des villages au coeur de nos racines. Grâce à Internet, j'identifie rapidement la présence d'un arrière-grand-oncle, d'une arrière-grand-tante et des cousins germains de mon grand-père. Pour tous les autres, il faudra rechercher à quelles branches familiales ils peuvent se raccrocher. Nous dénichons même la sépulture d'une bonne soeur nommée comme nous.

San Vito Al Tagliamento, 20 Septembre

Après cette étape tellement prenante, nous poursuivons sur quelques kilomètres vers la dernière destination du jour. San Vito tient une place un peu particulière, non pas que nos aïeux les plus proches y aient vécu, mais parce cette petite ville est une sorte de fil rouge depuis des décennies. Quant à la fin des années 80, en nous rendant au camping où nous devions passer nos vacances, nous avons aperçu notre nom sur un bord de route dans le Gard, c'est ce nom de ville qui est ressorti quant nous sommes allés voir les artisans qui avaient planté ce panneau. C'est ce nom qui à l'époque nous avait convaincu que nous étions cousins sans trop savoir à quel degré. Il aura fallu une quinzaine d'années de plus, une passion dévorante pour la généalogie, pour enfin dénouer tous les fils et comprendre les liens familiaux qui existaient. Voici pourquoi terminer la journée à San Vito est une manière de boucler la boucle.

Contrairement aux précédents villages, nous dénichons assez rapidement une solution de stationnement gratuit sans trop galérer (sous disque néanmoins). Seulement quelques centaines de mètres nous séparent du centre. Nous ne sommes pas dépaysés en découvrant une nouvelle fois des fresques sur certaines façades ainsi que dans cette petite chapelle Santa Maria di Castello detta l'Annunciata que nous dénichons par hasard en remontant la via Marconi (malgré tout, elles y ont subi les affres du temps; elles sont tachetées de pastilles blanches qui ressemblent à des retouches de plâtre). Quelques mètres plus loin, nous nous engageons dans ce qui était la cour du château. Sans indication, nous ne soupçonnerions pas qu'il pouvait s'en dresser un ici. Ses vestiges sont finalement assez communs et passent inaperçus dans un environnement ancien. De là, nous traversons sous un passage couvert bien sombre qui devrait nous permettre d'approcher le campanile que nous avons aperçu au-dessus des toits depuis l'ancienne cour.

Le passage de l'ombre à la lumière, certes voilée, est écrasant: il faut dire que nous débouchons presque sous l'intimidant campanile, tout de briques dressé. Dans un premier temps , nous parcourons la grande piazza del Popolo sur notre gauche jusqu'à la tour Raimonda. La plupart des bâtiments qui la ceinturent reposent sur des arcades tandis que nombre de façades affichent, ici aussi, des fresques colorées d'inspiration végétale. En miroir du clocher, la tour se présente sous une forme qui rappelle le Moyen-Age avec ses créneaux au sommet et son arche pour la traverser, le tout construit en briques rouges.

De retour au sein de la place, nous la longeons par le nord, passant devant le palais Altan-Rota, son jardin et ses palmiers, qui abrite la mairie, avant de  traverser jusqu'au glacier. Nous avons bien mérité une petite glace avant de continuer. La météo qui a tourné à la grisaille présente un avantage: nos glaces ne fondent pas à vue d'oeil avant que nous ayons pu les déguster. Une fois cette gourmandise satisfaite, nous nous dirigeons droit vers la cathédrale (oui encore une!) Modesto e Crescenzia dont les portes sont ouvertes (miracle!). Si sa façade pourrait presque passer inaperçu, seulement rehaussée d'un encadrement à colonnes et fronton, son intérieur est en total contraste. Nous y retrouvons l'exubérance du baroque sur les deux murs de la nef. Quant aux voûtes, elles sont entièrement recouvertes de fresques, elles-aussi bien chargées. De la même manière, les chapelles latérales sont entièrement tapissées de peintures.

au centre de San Vitoau centre de San Vitoau centre de San Vito
au centre de San Vitoau centre de San Vitoau centre de San Vito
au centre de San Vitoau centre de San Vitoau centre de San Vito

au centre de San Vito

cathédrale Modesto e Crescenziacathédrale Modesto e Crescenziacathédrale Modesto e Crescenzia
cathédrale Modesto e Crescenziacathédrale Modesto e Crescenziacathédrale Modesto e Crescenzia

cathédrale Modesto e Crescenzia

De retour dehors, nous continuons notre exploration en longeant l'église par la rue Bellunello dont seul un trottoir peut être emprunté, la faute à un chantier de renouvellement de ses pavés. Aussi, nous sommes inévitablement incités à entrer dans la petite église dont la porte est largement ouverte. Cette chapelle Santa Maria dei Battuti, sous son apparence particulièrement austère, est un peu spéciale. Nous le constatons en y pénétrant. En effet, aucune décoration religieuse ni élément liturgique n'y apparait. Il semblerait que les lieux soient consacrés aux soldats décédés pendant la seconde guerre mondiale. C'est ce que nous déchiffrons des plaques de marbres gravées et placées sur les murs. De nouveau, nous voyons apparaitre notre nom accolé à divers prénoms, mais à défaut de date, il va être compliqué de savoir de qui il peut s'agir. Le futur nous le dira ... ou pas. De retour dans la rue, nous poursuivons jusqu'à la porte voisine dite San Nicolo, elle aussi en briques mais de taille plus modeste que la précédente et recouverte d'un toit. L'ayant franchie, nous avons la surprise de découvrir la présence d'un canal, possible vestige d'anciennes douves qui devaient ceinturer l'ancien centre historique.

Cette fois, nous avons fait le tour des principaux points d'intérêts de San Vito et une dernière visite nous attend en périphérie.

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En effet, le cimetière local fait partie des lieux susceptibles de renfermer des sépultures reliées à notre famille. L'atteindre n'est pas si simple: malgré l'adresse découverte sur un plan dans une rue, notre GPS décide de nous conduire à une impasse. Dans ces cas-là, le téléphone est le bienvenu pour avoir une carte du quartier et finir sans l'aide de la douce voix de la "blonde" qui commence à fatiguer.

Contrairement aux deux précédents, ici nous ne sommes pas seuls, mais toujours pas l'ombre d'un gardien. Au premier coup d'oeil, nous constatons qu'il est bien plus grand. Il devient inévitable de nous organiser efficacement sous peine de l'écumer jusqu'à la nuit. C'est pour les pierres tombales au sol que nous mettons au point une stratégie pour nous partager la tâche et essayer de ne rien manquer. La récolte se révèle moins fructueuse qu'à San Giovanni mais tout de même une petite poignée de probables cousins dont nous capturons les photos dans les "oculi".

Cette fois, il est temps de conclure cette journée spéciale en rentrant à Udine. Encore une fois, les annonces du GPS me déroutent à chaque fois qu'elles vont à l'opposé des panneaux indicateurs que je vois sur les rond-points. Et pourtant, il faut reconnaitre que nous arrivons bien à destination dans un délai acceptable. Lorsque le crépuscule approche, nous quittons l'hôtel pour aller au restaurant. Cette fois, nous ne partons pas à l'aventure, la sortie d'hier soir ayant servi de repérage. Nous optons pour le Campana d'Oro à la pointe sud de la vaste place du 1er Mai, mais obligatoirement à l'intérieur, tant la terrasse est bruyante du fait de la circulation à proximité. Le jeune serveur est super avenant, tentant même quelques mots de français avant de se replier sur l'anglais pour que nous puissions échanger plus en longueur. Il finit même par nous "adopter" lorsqu'à la suite de sa question sur nos noms, nous en venons à lui expliquer pourquoi nous sommes là. Immédiatement, il nous affirme que, sans aucun doute, nous sommes italiens. Côté assiette, je n'hésite pas lors du choix de ma pinsa (une pizza aux trois farines): celle au San Daniele. Un choix qui se révèle payant et copieux. J'aurais juste dû écouter le serveur à propos du pot de piment; c'était vraiment du feu.

Devant le cimetière de San VitoDevant le cimetière de San Vito

Devant le cimetière de San Vito

Publié dans Carnet de voyage, Europe, Italie

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J
j'aime beaucoup ta façon de raconter votre périple. Tu ne néglige aucun détail et meme la drôle de façon du gps! Pour votre patronyme j'imagine que tu avais des bases de données puisque vous êtes allés à coup sur repérer les tombes qui le mentionnaient. Quant aux églises je ne pensais pas qu'il y avait autant de richesses si loin de Rome :-)
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J
Tu as tout juste, certains de ces villages étaient ciblés du fait de leur présence incontournable dans notre arbre généalogique