Rendez-vous en terre inconnue ... sur la terre de nos aïeux (6)
Udine, 21 Septembre
Cela faisait longtemps que je connaissais l'existence d'un hameau portant notre nom à flanc des Alpes Juliennes, et ce grâce au blog d'un cousin qui avait été dans la région il y a maintenant de longues années. Evidemment, je tenais absolument à aller y faire un tour en profitant de notre présence dans la région.
Ainsi, en ce début d'après-midi, nous quittons Udine vers le Nord tout en évitant de prendre l'autoroute qui aurait raccourci le parcours mais nous sommes en vacances et nous avons tout notre temps. Et puis, il est question d'une grosse demi-heure tout au plus. A mesure que nous progressons la circulation se fait plus fluide. Aujourd'hui encore, nous constatons cette géographie si particulière de la région. Peu ou prou, c'est tout plat, de très rares collines, jusqu'à aborder le pied des Alpes où, subitement, le relief s'élève brusquement, presque comme un mur.
La transition se produit après Gemona, là où nous commençons à longer le Tagliamento, ou plutôt ce qui lui sert de lit. Comme hier plus en aval, le cours d'eau n'occupe qu'une infime partie de la largeur totale. C'est étonnant, et même difficile à imaginer qu'il puisse exister des situations où l'eau envahit tout l'espace, d'inimaginables volumes quand on le voit aujourd'hui.
En contournant Venzone, nous découvrons l'existence d'une cité fortifiée que je n'avais pas repérée lors de mes préparatifs. Plus tard, peut-être. A la sortie de la ville, nous commençons à bifurquer vers l'Est, abandonnant le Tagliamento pour longer désormais le Fiume Fella qui présente les mêmes caractéristiques : de vastes étendues de galets clairs et de l'eau "fantôme". C'est tout de même un comble de ne pas voir la rivière alors même que nous sommes tout proche des sources.
Enfin, notre curiosité va être satisfaite lorsque nous quittons la route "principale" pour nous engager sur une voie communale qui s'enfonce dans la vallée de l'Aupa. Avant de franchir le pont qui se présente, nous profitons du petit parking sur notre droite pour faire une pause et profiter de l'endroit. L'ouverture des portières est presque saisissante : la fraîcheur alpine contraste grandement avec la chaleur de la plaine. Depuis le tablier du pont, nous avons enfin l'opportunité d'apercevoir l'eau du torrent qui file sous nos pieds, cristalline, presque laiteuse comme souvent pour les eaux glaciaires. Au-dessus de nos têtes, le village de Moggio Udinese, planté sur son piton, nous surveille de près, je dirais même qu'il nous écrase.
Notre curiosité enfin satisfaite, nous reprenons la route à un rythme de sénateurs, non pas que la circulation nous ralentisse (bien au contraire, nous sommes seuls ou presque), mais le parcours est tortueux, parfois étroit ou sans visibilité. Les rares personnes croisées sont juchées sur leurs vélos, direction l'aval. Par chance, nous circulons sur la partie ensoleillée de la vallée, ce qui a fait immédiatement remonter la température ambiante après le coup de frais soudain quelques kilomètres plus bas. Une fois encore, le GPS brille par son ineptie, nous demandant de tourner alors même qu'il n'y a pas le début d'un sentier. Heureusement, j'avais repéré les lieux depuis belle lurette, et je finis par identifier le chemin où bifurquer, une véritable épingle mais heureusement assez large pour manoeuvrer et s'arrêter sans risque.
Nous y voici. Ce fameux panneau indicateur dont l'une des flèches affichent notre nom de famille. Jusque-là, quelle que soit la branche familiale, personne n'aurait encore fait le lien entre ce lieu-dit et notre patronyme. Et pourtant, il y a fort à parier que d'une manière ou d'une autre, il doit y avoir un rapport. Malgré l'absence "d'histoire", je dois reconnaitre que cela fait un petit quelque chose de voir son nom ainsi affiché. L'expérience est si originale qu'en dépit de nos âges respectifs nous sacrifions à la mode du selfie. Une fois n'est pas coutume! Et l'écrin est carrément agréable: pelouses piquetées de crocus aux jolies fleurs violettes, forêts bien vertes au second plan, sommets rocheux en arrière-plan pour la touche minérale et toujours un beau ciel bleu au-dessus de nos têtes. Quel moment unique, limite indescriptible!
Revenons sur terre et essayons de dénicher ce fameux hameau. Jusqu'à présent, malgré l'étude des diverses cartes disponibles en ligne, je n'ai encore pas pu déterminer sa position exacte. Désormais la route s'élève sensiblement et devient de plus en plus étroite. Par chance, nous ne croisons personne qui cherche à descendre. Sur le parking qui existe dans Bevorchians, j'aperçois ce qui ressemble à une carte détaillée. J'y distingue bien le hameau recherché mais toujours pas la moindre piste pour l'identifier avec certitude, la faute à une absence de repère. Nous reprenons donc la montée, passant encore devant deux fermes dépourvues de la moindre indication. L'ascension devient de plus en plus ardue : impossible de monter les rapports, seule la première vitesse est utilisable. Après la pâture des vaches, nous ne croisons plus âme qui vive et rapidement nous nous retrouvons en sous-bois. Qu'à cela ne tienne, nous avançons toujours. Enfin jusqu'à ce que la route bitumée prenne fin. Là, il faut devenir raisonnable et préserver ma voiture. Alors nous la stationnons sur le bord avant de nous équiper pour continuer à pied, persuadés que nous allons bien finir par tomber sur notre objectif.
A la base, je n'avais pas envisagé une partie randonnée pour cette journée. Place à l'improvisation! Le cadre forestier n'est pas désagréable. Seuls les sons de la nature parviennent à nos oreilles. Ici et là, nous apercevons quelques fleurs dont quelques "amours en cage", scientifiquement parlant des physalis. Mais de hameau, il n'y en a trace. Alors, après une grosse demi-heure, nous décidons de faire demi-tour. Ce n'est qu'en redescendant que Papa se rend compte que nous avons autant grimpé. Comment dire .... La redescente en voiture est vertigineuse. J'essaie de faire le plus attention possible : ce serait dommage de se mettre dans le décor. Avec un certain soulagement, nous rejoignons les premières maisons et une pente moins prononcée.
A posteriori, le hameau tant recherché doit probablement correspondre à l'avant dernière ferme mais jusqu'à plus ample information, nous ne saurons pas avec certitude. Une dernière halte devant la carte pour que Papa la prenne en photo et nous reprenons la route, tout aussi tranquillement, profitant de l'environnement paisible et ressourçant.
Après le pont, nous rejoignons la civilisation en retrouvant quelques voitures, mais rien d'oppressant. Lorsque les fortifications de Venzone apparaissent au loin, étant donné que nous avons encore largement le temps, je propose d'y faire une pause, ce que Papa accepte immédiatement.
Venzone, 21 Septembre
Entre la volonté et la réalisation, il y a un pas. Et je m'en rends vite compte dès que nous quittons la route. Les remparts défilent sur notre gauche mais rien concernant le stationnement. Les minutes passent me laissant craindre que nous allons faire le tour de la cité sans pouvoir nous y arrêter. Heureusement, après en avoir quasiment fait le tour, nous dégotons enfin une place. Le hasard fait que nous sommes à quelques centaines de mètres seulement de la porte Nord, enfin plus exactement de son emplacement, car il n'en reste plus rien de nos jours. La ville fortifiée est entièrement piétonnière (à l'exception des véhicules des résidents) ce qui permet de flâner sereinement et de profiter des lieux. Rapidement, nous constatons que beaucoup des passants sont coiffés d'un chapeau de feutre rehaussé par une plume, ressemblant de loin à un chapeau bavarois.
Sur la place centrale, cette impression se confirme. Nous finissons par comprendre que Venzone accueille aujourd'hui un rassemblement d'anciens soldats d'un régiment d'infanterie de montagne qu'on appelle les Alpini. Nous restons là quelques minutes le temps de profiter de la mairie, un édifice en pierres grises, percé de fenêtres gothiques, agrémenté d'un modeste campanile et posé sur une loggia qui semble être le point de rassemblement des anciens soldats.
Mais nous ne nous attardons pas pour continuer jusqu'à la cathédrale Sant Andrea Apostolo édifiée quasiment à l'autre bout de la vieille ville. Nous apercevons d'abord son clocher avant que l'église elle-même se révèle, étant donnée qu'elle nous est en partie dissimulée par les habitations. Si un portail perce cette première façade, il faut néanmoins la contourner sur la droite pour rejoindre le parvis. Nous avons la surprise d'y découvrir ce qui pourrait ressembler à une tour ronde isolée ou bien à un moulin. Il n'en est rien : nous sommes devant le baptistère, ancienne chapelle Saint-Michel, dont les murs abritent désormais les momies de la ville. Après l'avoir immortalisé, nous tournons les talons vers la façade dépouillée de l'église où un sobre portail roman n'attend que notre entrée (si, si, les portes sont ouvertes). Dès les premiers pas dans la nef, nous découvrons une architecture gothique à peine moins dépouillée que celle de l'extérieur.
En revanche, nous arrivons au moment où les anciens militaires sont en train de chanter sur les marches du choeur. Cette chorale masculine, dopée par l'acoustique des lieux, nous offre un spectacle aussi inattendu que plaisant. A quelques minutes près, nous n'aurions passé que quelques minutes sous les voûtes avant de continuer notre visite de la cité. Le hasard a bien fait les choses en cette fin d'après-midi.
Dehors, nous essayons de prendre en photo la façade Sud-Ouest, ce qui n'est pas facilité par la proximité de la muraille à cet endroit. Puis nous longeons ces murs de pierres sèches jusqu'à la porte di Sotto qui nous permet d'aller jeter un oeil aux fortifications depuis l'extérieur de la ville, juste en surplomb de l'ancien fossé. Du fait de destructions (sûrement dues au séisme de 1976), certains murs permettent de voir de larges portions de la cathédrale. Dans notre dos, je remarque aussi que les premiers sommets des Alpes forment comme une seconde enceinte autour de la ville fortifiée.
Réflexion faite, nous préférons revenir à l'intérieur des murs pour continuer notre promenade. Celle-ci nous mène jusqu'à la porte San Genosio, celle du flanc Est où un pont de pierre nous permet de franchir les anciennes douves et ainsi rejoindre notre véhicule. Cette fois, il est temps de nous remettre en route pour Udine, un parcours sans encombre, une fois n'est pas coutume, sans conseil étrange du GPS.