Passion spatiale en terres européennes (2)

Publié le par Jérôme Voyageur

Nous roulons quelques dizaines de minutes vers la campagne, nous éloignant nettement du centre-ville jusqu’à rejoindre le centre de la DLR, Deutsches zentrum für Luft- und Raumfahrt dans la langue de Goethe, autrement dit une agence comparable au CNES mais avec des domaines de compétences plus vastes comme l’aéronautique. Son siège se situe ici. Mais la raison de notre venue est située au cœur du complexe, à savoir les deux bâtiments de l’European Space Agency (ESA). Mais dans un premier temps, il faut patienter pour franchir le contrôle à l’entrée du complexe, non pas que les vérifications soient vraiment strictes mais surtout lentes.  Enfin dotés de nos badges visiteurs, nous pouvons remonter à bord du véhicule pour traverser le site, passant devant Envihab, l’institut médical où passent les astronautes européens au retour de leurs missions, puis ce cube tout neuf sur notre droite, le Luna Analog, une réplique de surface lunaire où nous aimerions évidemment entrer. Malheureusement l’accès en est strictement interdit. Nous aurons beau essayer, ce sera en vain. Et enfin, le plus imposant des bâtiments, juste en face, le centre européen des astronautes, l’EAC., le saint des saints si je puis dire. C’est ici que tous nos astronautes sont entrainés pendant de longues années, qu’ils y ont leurs bureaux, pour les courtes périodes où ils sont de passage. Une série de mâts devant le bâtiment pour autant d’étendards rappelle le caractère international de l’agence ainsi que ses partenariats, un contraste certain avec la situation géopolitique actuelle du chacun pour soi. Nous pouvons ainsi y apercevoir la bannière étoilée des Etats-Unis voisinant le drapeau russe. Sur la pelouse qui sépare le bâtiment de l’allée, un alignement de petits érables témoigne d’une tradition récente (inspirée de celle, plus ancienne, des cosmonautes) consistant pour chaque astronaute à planter un arbre. Une affichette y est suspendue pour rappeler son identité et le nom de sa mission. Laura fait durer le plaisir en faisant trainer en longueur la présentation. A croire qu’elle veut faire monter l’impatience. Nous apprenons tout de même qu’elle a été instructrice dans le centre et qu’elle a aussi participé à la mise au point des procédures opérationnelles de l’ancien vaisseau cargo européen, ATV. Rien que ça ! Nous n’avons pas devant nous une simple guide mais quelqu’un « de la maison ». Direction l’entrée ce qui nous fait passer devant un buste de Youri Gagarine, un incontournable évidemment, lui le premier de cette prestigieuse confrérie. Cette fois, nous allons pousser les portes.

Centre européen des astronautes (EAC)Centre européen des astronautes (EAC)Centre européen des astronautes (EAC)
Centre européen des astronautes (EAC)Centre européen des astronautes (EAC)Centre européen des astronautes (EAC)
Centre européen des astronautes (EAC)Centre européen des astronautes (EAC)Centre européen des astronautes (EAC)

Centre européen des astronautes (EAC)

Dès les premiers pas dans le hall, c’est un moment d’émerveillement pour grands enfants, fans de spatial que nous sommes toutes et tous, quels que soient nos âges. Ici et là, au sol ou suspendues à la passerelle ou au plafond se multiplient les maquettes de bonne taille, l’ISS y tenant une bonne place, évidemment, ainsi que le module Columbus. D’ailleurs, le grand écran en haut à droite retransmet en direct les images prises par les caméras de la station, pas moins de neuf signaux différents. Sur notre gauche, c’est une collection de combinaisons spatiales qui nous accueille derrière des vitrines, Le mur d’honneur leur succède : les photos de tous les astronautes y sont accrochées, ainsi que leurs missions. Il reste encore des places ; avis aux amateurs … N’oublions pas un échantillon de pierre lunaire exposé sous verre, visible de tous. Juste au-dessus, au premier étage, sont affichés les patches des missions auxquelles ont participé des européens. Nous en prenons plein les yeux … et nous buvons ses paroles. Quel plaisir de l’entendre vanter par l’exemple les bienfaits de la coopération internationale, la vie de cette institution indispensable au bon déroulement de chaque mission d’un européen dans l’espace ! Quel bonheur de partager sa passion ! Quel privilège de partager les anecdotes qu’elle nous distille, captées au fil des ses années en tant que formatrice dans ces murs. Elle connait tout autant que les astronautes les diverses procédures. D’ailleurs, elle nous explique avoir candidaté à la sélection pour la dernière promotion d’astronautes de l’ESA, ainsi qu’à une sélection purement allemande, en figurant bien dans le classement. Rien que ça ! Qui plus est, désormais, elle est devenue pilote d’hélicoptère et instructrice. Mais comment font ces gens ?

EAC - hall du centreEAC - hall du centreEAC - hall du centre
EAC - hall du centreEAC - hall du centreEAC - hall du centre
EAC - hall du centreEAC - hall du centreEAC - hall du centre

EAC - hall du centre

Nous pourrions passer des heures à l’écouter ainsi mais d’autres aspects passionnants nous attendent encore. Via l’escalier du hall, nous rejoignons la passerelle du premier étage où nous faisons une première halte devant les patches de mission, le temps d’apprendre quelques spécificités de certains. Puis nous nous dirigeons vers une coursive en surplomb de la « piscine ». Néanmoins la présence de multiples maquettes de tous les véhicules pionniers dans les vitrines du couloir nous fait marquer un temps d’arrêt : tout y est. Du Spoutnik à l’ATV/HTV, en passant par Pioneer, Voskhod, Vostok, Soyouz, les américaines Mercury, Gemini et Apollo, sans oublier la mission conjointe Apollo-Soyouz. Une vraie caverne d’Ali Baba pour grands enfants. C’est à cet instant que Laura comprend vraiment les passionnés que nous sommes. J’imagine qu’habituellement les visiteurs passent, jetant simplement un œil. Elle nous attend donc devant les parois vitrées qui permettent d’apercevoir la vaste salle où est installé le bassin destiné aux entrainements pour les sorties extravéhiculaires (EVA dans le jargon). Malgré la présence d’un grillage derrière le verre, je ne peux m’empêcher de prendre des photos de ce lieu si particulier, si unique sur notre continent. Et que dire des mensurations : vingt mètres de large pour vingt mètres de long et dix mètres de profondeur, pour une température fixée à vingt-neuf degrés. Il faut bien cela pour pouvoir immerger la réplique du module Columbus. Ce soir, il est posé au sec sur la berge, juste sous le pont roulant qui permet de le manipuler. Depuis ce « perchoir », elle nous explique toutes les particularités et difficultés de cette partie de l’entrainement. Malheureusement pour nous, il ne sera pas possible d’approcher plus près, même en insistant. Derrière nous, une riche collection de photos dédicacées des nombreux entrainements s’étant déroulés ici recouvre une bonne partie des parois du couloir en T où nous nous trouvons.

EAC - vitrine aux maquettesEAC - vitrine aux maquettesEAC - vitrine aux maquettes
EAC - vitrine aux maquettesEAC - vitrine aux maquettesEAC - vitrine aux maquettes
EAC - vitrine aux maquettesEAC - vitrine aux maquettesEAC - vitrine aux maquettes

EAC - vitrine aux maquettes

EAC - piscine d'entrainement aux EVAEAC - piscine d'entrainement aux EVA
EAC - piscine d'entrainement aux EVAEAC - piscine d'entrainement aux EVA

EAC - piscine d'entrainement aux EVA

A l’extrémité, nous aboutissons dans une nouvelle galerie vitrée et grillagée offrant, elle, un point de vue sur une autre immense salle, de dimensions comparables au hall de la piscine. Mais ici, point d’eau. Diverses répliques de modules européens sur lesquels les astronautes doivent absolument être formés. Juste à nos pieds nous reconnaissons un premier module Columbus, puis un deuxième au fond à droite. Sur la gauche, c’est un ATV qui est couplé à une reproduction simplifiée du modèle russe Zvezda auquel il s’amarrait lors des opérations. Sur le mur opposé, nous retrouvons l’illustration de la coopération avec les drapeaux de toutes les agences spatiales impliquées dans l’ISS, à savoir celui de la Nasa, de Roscosmos, de la Jaxa (Japon), du CSA (Canada) et celui de l’ESA au centre, illustrant s’il était nécessaire, le rôle central que joue cette agence. Quant aux parois latérales, elles sont occupées par des salles de formation. Laura nous explique entre autres choses que le Columbus a été déployé en double pour des raisons de préservation. Le plus proche de nous est électriquement actif, fonctionnant à l’identique de celui flottant au dessus de nos têtes, l’apesanteur en moins, tandis que le second à l’opposé est plus destiné aux visiteurs, susceptibles de toucher à tout ... Pendant cette présentation, je finis par intégrer que nous devrons nous contenter de cette vision à distance, comme pour le bassin.

Quelle n’est pas ma surprise (notre surprise) quand elle nous invite à la suivre jusqu’à l’intérieur de ce hall. Wouaouw ! Si la réplique fidèle est inaccessible pour nous simples passionnés, il en va différemment pour les deux autres installations. Nous pouvons y entrer (ou plutôt monter à bord) et essayer d’imaginer à quoi ressemble l’intérieur d’une partie de l’ISS, tout en gardant les pieds sur terre. Impossible de flotter ! Je m’amuse même à essayer la « capsule » de nuit qui permet de s’isoler et de se fixer à la paroi pour dormir. Originale chambre, loin des standards terriens, quoi que plus vaste que ce que j’aurais pu imaginer. Je passerais des heures dans ces maquettes grandeur nature, à détailler chaque centimètre carré des modules. Non loin de l’ATV, nous découvrons la présence d’une maquette en modèle réduit du futur module Orion qui doit participer aux missions Artemis vers la Lune, si toutefois le programme est maintenu. Quelle surprise de découvrir une reproduction d’un module lunaire époque Apollo sous l’ATV. Que fait il là, c’est un mystère. A l’intérieur du cargo européen, nous pouvons appréhender son volume de chargement et la manière dont il venait s’amarrer au module russe. A l’intérieur de celui-ci je découvre la présence d’un purificateur de fluides. Eh oui, rien ne se perd à bord, pas même les liquides. Il est bien appréciable de pouvoir prendre le temps que nous voulons pour profiter à fond de ce moment privilégié dans ce lieu unique. Mais toutes les bonnes choses ont une fin et Laura ne veut pas nous laisser nous faire enfermer. Vu l’heure, c’est même elle qui assurera la fermeture du centre derrière nous.

EAC - hall d'entrainement sur les modules européensEAC - hall d'entrainement sur les modules européensEAC - hall d'entrainement sur les modules européens
EAC - hall d'entrainement sur les modules européensEAC - hall d'entrainement sur les modules européensEAC - hall d'entrainement sur les modules européens
EAC - hall d'entrainement sur les modules européensEAC - hall d'entrainement sur les modules européensEAC - hall d'entrainement sur les modules européens

EAC - hall d'entrainement sur les modules européens

EAC - hall d'entrainement sur les modules européens et extérieurEAC - hall d'entrainement sur les modules européens et extérieurEAC - hall d'entrainement sur les modules européens et extérieur
EAC - hall d'entrainement sur les modules européens et extérieurEAC - hall d'entrainement sur les modules européens et extérieurEAC - hall d'entrainement sur les modules européens et extérieur
EAC - hall d'entrainement sur les modules européens et extérieurEAC - hall d'entrainement sur les modules européens et extérieurEAC - hall d'entrainement sur les modules européens et extérieur

EAC - hall d'entrainement sur les modules européens et extérieur

Après ce premier clou du voyage, nous retrouvons notre autobus devant le bâtiment alors que la nuit est tombée. Nous rejoignons directement le centre de Cologne, pour le restaurant du soir sans même passer par l’hôtel. Au moment de passer commande, nous avons la bonne surprise de pouvoir utiliser le français avec la serveuse qui maitrise parfaitement notre langue. Voilà qui va simplifier les questions. Sans qu’il soit particulièrement tard, la fatigue commence à me gagner. Il faut dire que la journée a commencé tôt. Aussi, je ne vais pas faire de vieux os. Morphée m’appelle. J’ai quand même le temps de détailler cette chambre au design si particulier avec une douche vitrée directement à la tête du lit et un plafond laissé brut de béton et de métal. Etonnant !

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