Passion spatiale en terres européennes (3)
Mardi 25 Mars, Cologne
Ce matin, j’ai un poil haï le téléphone lorsqu’il a osé me réveiller, à ma demande, certes. Il faut dire que j’ai dû m’éveiller trop tôt, avant de replonger allègrement. Rapidement prêt, je rejoins le dernier étage. Une fois qu’on a compris le fonctionnement du badge dans l’ascenseur, c’est beaucoup plus simple. J’y retrouve Carine, toute seule pour l’instant. Et encore, elle a dû parlementer pour entrer, son nom n’étant pas sur la liste. Les arrivées se succèdent petit à petit. Bizarrement, deux personnes sur douze n’ont pas été inscrites pour les petits déjeuners. Le « boss » se charge de régler ce léger accroc tandis que nous nous restaurons. Une fois le ventre plein, nous pouvons quitter l’hôtel non sans une photo de circonstance devant le photomontage d’un astronaute en pleine EVA. Des enfants je vous dis ! Ce matin, le froid se fait mordant, d’autant plus qu’il faut attendre une dizaine de minutes notre autobus sur l’avenue voisine. Cette pause forcée est l’occasion d’une bonne rigolade lorsque nous apercevons de l’autre côté des voies un sosie de Karl Marx sortant d’un immeuble dont l’enseigne affiche Capitol. A une lettre près … ! A l’arrivée du véhicule, il ne faut que quelques minutes pour rejoindre une nouvelle fois, la dernière, la gare centrale de Cologne.
Largement en avance, heureusement ! Faute de voir notre train déjà affiché, nous nous installons dans une travée latérale pour attendre que les panneaux se mettent à jour. Malgré tout, Fabrice, en bon guide avisé et prévoyant, part se renseigner pour anticiper le quai où nous devrons monter. Bien lui en a pris. Nous n’étions pas dans la bonne gare. Direction le niveau supérieur où se situent les quais d’un S-Bahn, le RER local. Cette ligne devrait nous permettre de rejoindre le bon endroit à seulement une station de là. Cette autre gare est desservie par les ICE, les TGV allemands, qui circulent sur un axe nord-sud. La blague n’étant pas terminée, en montant dans la précipitation, nous avons oublié quelqu’un en bas. Quelques secondes de plus et nous partions sans elle. Nous en sommes quittes pour laisser passer la rame suivante le temps d’être au complet. Malgré ce contretemps, nous atteignons le bon quai au bon endroit pour attendre notre train vers Mannheim largement à l’avance. Etonnante cette ligne à grande vitesse où le plus long tronçon ne fut que d’une grosse demi-heure. Pour autant, entre deux arrêts, le train faisait de bonne pointe. Il faut quand même reconnaitre que cette version germanique est en avance sur nous pour tout ce qui est information à bord, les écrans fournissant les arrivées en temps réel ainsi que les correspondances tous mode de transport, et surtout la place disponible au-dessus des sièges pour ranger sa valise format cabine. Nous pourrions en prendre de la graine pour améliorer l’expérience passager.
Trois escales et une heure trente de trajet plus tard, nous parvenons à destination. Le nouveau défi consiste à dénicher les deux taxis qui ont été réservés pour nous. Ce n’est pas la foule qui nous gêne dans le hall de la gare de Mannheim, loin de là. Vive le téléphone qui, malgré quelques difficultés en anglais pour les chauffeurs, nous permet de les repérer après un moment de flottement, de l’autre côté des voies de tramway. Nous nous serrons au sens propre du terme dans le minivan et la Mercedes à disposition. Heureusement que le trajet ne dure qu’une vingtaine de minutes et qu’il ne fait pas trop chaud. C’est l’occasion pour moi d’échanger un peu avec « Pif », collé-serré ! Peu avant la mi-journée, nous approchons du musée des techniques de Speyer. Difficile de le manquer avec son Boeing littéralement perché au-dessus du site. Mais dans un premier temps, nous contournons le site pour rejoindre l’hôtel. Après les formalités d’usage, un peu longues et servies par un réceptionniste semblant un poil dérangé par notre arrivée, nous récupérons nos chambres de même que nos billets d’accès pour le musée. Juste le temps de poser la valise dans une pièce moitié moins grande que celle de la nuit dernière, et de sélectionner le strict nécessaire pour l’après-midi. Ayant expédié cette tâche, je profite du petit temps mort qui suit pour aller faire une photo du Transall installé sur la pelouse en bordure du grand parking voisin de l’établissement.
Nous repartons rapidement à pied jusqu’à l’entrée du site. Les premiers pas dans le hall sont synonymes d’une petite déception : l’IMAX où devait être diffusé, entre autres un film sur la mission Apollo, est en maintenance pour une semaine. Ce n’est vraiment pas de chance. Chacun notre tour, nous présentons notre billet avant de nous avancer vers les tourniquets situés juste après la boutique. C’est là que nous constatons avec Pif que nous avons eu droit à une employée de caisse peu douée. Nos billets répondent négativement à la lecture optique. Et pour cause, cette dernière a juste oublié de nous donner en retour un bon d’accès, préférant nous rendre notre billet … Trois loupés sur douze ! Après ce contretemps, nous franchissons enfin les portes de la première salle d’exposition … que nous traversons d’un pas pressé, notre priorité immédiate étant ailleurs. Sur le tarmac où nous arrivons se trouve le restaurant, au pied d’une série d’avions de chasse, tel ce F15, ce F101 Voodo et deux F4 Phantom dont l’un arbore les couleurs de la patrouille des Blue Angels, sans oublier l’imposant Boeing 747 perché à plusieurs dizaines de mètres de haut. Quelle impressionnante mise en scène pour un tel paquebot des airs. Mais l’estomac commence à se plaindre. J’avais presque faim … tellement que je vide mon assiette de spaghetti en un claquement de doigts. Après un expresso, je me sens paré pour affronter le plat de résistance.
Le second hall d’exposition est presque exclusivement consacré à la conquête spatiale. Bien évidemment, la muséographique foutraque fait qu’on peut aussi y trouver des motos, camions et autres tracteurs … Mais rien n’arrive à la cheville, ou plutôt devrais-je écrire au train de la pièce la plus prestigieuse, à savoir Buran, la navette spatiale soviétique, qui ne vola qu’une seule fois. Nous avons devant nous le seul exemplaire qui existe hors de Russie, un modèle de vol atmosphérique. Néanmoins, pour faire monter l’attente et titiller notre impatience, nous la gardons pour la fin même si elle est toujours là au coin de l’œil, à tout instant. Depuis la fin du déjeuner, Pif a pris les rênes du groupe, partageant avec nous toutes ses connaissances et anecdotes, un véritable puits sans fond d’information, tant côté russe, qu’américain ou européen. Chronologiquement nous commençons par la réplique du vaisseau de Gagarine, le Vostok, avant de changer de camp pour passer du temps sur les programmes Mercury et Gemini qui ont permis de préparer le summum de l’aventure spatiale. Nous longeons ensuite un nouveau module Columbus, tout de même le troisième en moins de vingt quatre heures, que nous snobons au profit du Spacelab voisin, le programme allemand de laboratoire spatial qui était embarqué dans la soute de la navette spatiale américaine.
Je profite de la proximité d’une salle voisine plongée dans la pénombre pour aller explorer : j’y découvre la présence d’une reproduction du module russe Zvezda, élément du segment russe de la station spatiale internationale qui permet de se faire une idée de l’aménagement intérieur, qui va jusqu’au détail des images systématiquement affichées dans les stations russes, à savoir celles de Gagarine, Korolev, Tsiolkovsky et une icône orthodoxe. Mais je rejoins rapidement le reste du groupe désormais avancé juste sous les moteurs de Buran, mais toujours focalisé sur les missions des Spacelabs. Peu de temps en fait, à croire que je suis dissipé. Il faut dire que cet étroit escalier dans mon dos a tout pour être tentant : il permet de « s’immerger » dans le compartiment des moteurs de la navette, une opportunité peu commune de découvrir l’envers du décor, véritablement entrelacs de tubulures et de câbles en tous genres. Revenu auprès des autres nous poursuivons la visite en longeant le mur du fond jusqu’au secteur Apollo qui se déploie autour d’une reproduction de sol lunaire où trônent la reproduction du LEM d’Apollo 15 et de son Luna Rover. Dans un des angles, une cloche de verre protège une pierre lunaire rapportée par cette même mission. A quelques pas de là, une vitrine présente une copie de chacune des plaques commémoratives qui étaient fixées sur un des pieds de chaque module lunaire. Etonnant de les voir ainsi rassemblées ! Après avoir tourné longtemps autour du pot noir et blanc qu’est Buran, nous nous approchons enfin de l’escalier qui permet de rejoindre sa soute. Impressionnant d’avoir cette chance tant ces objets spatiaux sont rares ! Après l’avoir immortalisée sous tous les angles, j’ai dû mal à quitter cette passerelle « magique ». Pourtant il faut bien se résoudre à laisser place aux autres visiteurs. De retour au sol, nous découvrons l’existence du Bor-5, un modèle réduit de Buran qui a servi à mettre au point les formes finales de la navette. Son apparence confirme qu’il s’agit d’une pièce originale qui a un vécu. De cet endroit, nous voyons de près ces deux voitures qui sont bien étrangement installées sous le ventre du véhicule spatial. Malgré toute notre imagination collective, aucune raison valable n’émerge. Je note par ailleurs une différence par rapport à sa cousine américaine : le nez de Buran se prolonge avec une longue tige dont la finalité m’échappe.
Après ce clou de l’exposition, nous rejoignons les coursives du premier niveau où se poursuit la présentation des collections relatives à l’exploration spatiale. Dans l’angle près des motos, c’est tout ce qui est relatif au côté soviético-russe, depuis Korolev, l’ingénieur en chef aux missions Mir, en passant évidemment par les illustres premiers que furent Gagarine, Terechkova et Leonov. Les multiples vitrines offrent à nos regards passionnés de multiples artefacts illustrant cette formidable aventure, dont des tenues de vols et même une écoutille ayant subi le feu du retour dans l’atmosphère. Une nouvelle fois, j’abandonne ce qui reste du groupe pour rejoindre momentanément le toit du hall où une terrasse permet d’admirer le Boeing 747 presqu’à hauteur d’homme, le tarmac en contrebas, et l’église de Speyer en arrière-plan. De retour à l’intérieur, je poursuis sur la coursive, mais dans l’angle opposé, consacrée aux navettes américaines. Dans le prolongement, il est aussi fait mention de la mission Apollo-Soyouz de 1975, première pierre de la collaboration internationale dans les étoiles. J’ai même la bonne surprise d’y découvrir la combinaison de vol de l’illustre Alexei Leonov, premier marcheur de l’espace et membre de cette mission. Plus loin encore, quelques maquettes rappellent la contribution de l’Europe par le biais de sa série de fusées Ariane. Je comprends aussi à ce moment-là à quoi correspond ce cylindre que je voyais suspendu depuis notre entrée dans le hall : il s’agissait du bloc propulsif de l’étage supérieur d’Ariane 5. Il faudrait peut-être que je rejoigne Pif et les derniers « survivants ». Personnellement, je pourrais rester des heures à l’écouter nous raconter ce que nous voyons, et surtout de l’histoire qui peut exister derrière. Néanmoins, l’heure a tourné et nous sommes quasiment les derniers dans le musée. L’heure de la fermeture approche à grands pas. Nous n’avons d’autre choix que de rebrousser chemin, tout en passant un petit moment dans la boutique largement pourvue, dans le hall d’accueil.
De retour à l’hôtel, autant pour nous réhydrater que pour tuer le temps, nous nous installons à quatre au bar et nous continuons à parler de notre passion commune autour d’une bonne bière. Ce n’est qu’à dix huit heures quarante cinq que nous retrouvons l’intégralité du groupe pour partir manger à pied. Rapidement, nous rejoignons le chemin qui longe le Rhin et nous mène jusqu’au restaurant du soir, proposant des spécialités de la région, le Palatinat. Là encore, les discussions tournent essentiellement autour de l’espace, mais aussi, un peu, d’expérience de voyages.