Paris aussi a sa forteresse
Suresnes, 18 Septembre 2022
Voici plus d'un an que je songeais à venir visiter le mémorial de la France Combattante au Mont-Valérien. Pour être précis, cela remonte à l'inhumation dans la crypte du dernier compagnon de la libération, Hubert Germain. Avant cela, ce nom de Mont Valérien faisait écho dans ma mémoire à un lieu d'exécution pendant la seconde guerre mondiale sans que je ne me sois jamais intéressé plus que cela au lieu. Pourtant, je suis toujours curieux de "tourisme mémoriel". Mais les mois ont passé sans que je donne suite. Il faut dire que les conditions de visite du mémorial restent contraignantes : uniquement sur réservation et à quelques rares horaires prédéfinies. Aussi à l'occasion des JEP 2022 (les journées du Patrimoine), je me suis dit que c'était la bonne occasion de faire d'une pierre deux coups en visitant la forteresse, enceinte militaire jamais accessible et en découvrant par la même occasion le mémorial.
C'est ainsi qu'en ce dimanche, profitant du tout début d'après-midi, je me mets en route. Vive le GPS pour avancer sans réfléchir, surtout qu'après avoir quitter les quais de Seine, le trajet commence à sinuer. Mais le plus surprenant m'apparait sur les tous derniers kilomètres quand les rues deviennent particulièrement pentues: les quelques vélos que je dépasse sont poussés par leurs propriétaires. Au pied du mont commence la difficulté majeure, encore lus en cette journée particulière. Le plus simple se révèle finalement de rejoindre l'esplanade devant le mémorial : elle se prolonge par un parking, certes à l'usage chaotique mais disposant de places libres. Le seul inconvénient est qu'il est situé, presque à l'opposé de l'entrée de la forteresse. Enfin presque. L'enceinte est de forme pentagonale, ou plutôt une sorte d'étoile à cinq branches. Qu'à cela ne tienne, une petite marche digestive ne fera pas de mal au pied des fortifications pour rejoindre l'entrée principale de la base militaire.
Autant de l'extérieur on ne distingue que des hauts murs sans soupçonner ce qui se cache derrière, autant à mi-pente de la voie d'accès, on a plus aucun doute. Vieux Berliet militaire stationné (souvenir, souvenir du service ... ) en travers pour bloquer toute velléité d'intrusion avec un véhicule. Juste derrière la grille, sous une première tente, on passe un contrôle de sécurité : fouille des sacs, passage au détecteur de métaux par les soldats de la base. Cent mètres plus loin, nouvelle tente, cette fois pour déposer sa pièce d'identité. Après ce double filtrage, on peut enfin franchir la porte de la forteresse.
Une dernière tente militaire attend le visiteur juste après. Il s'agit cette fois de distribuer la plaquette d'information, le plan de la visite et former les groupes pour la visite guidée, une toutes les demi-heures. Je serai guider par une jeune lieutenante du service communication du 8ème régiment de transmissions basé sur place, du moins sous forme actuelle. En attendant l'heure du départ, je découvre une bâtiment d'apparence classique de l'autre côté du passage : il s'agit d'un poste disposant d'un fronton et de quatre colonnes doriques. La construction de la forteresse remonte aux années 1840 lorsqu'Adolphe Thiers décida de doter Paris d'une ceinture fortifiée suite aux campements ennemis trop proches de la capitale dans les décennies précédentes. Le Mont Valérien était la fortification la plus imposante de toutes.
Le parcours de visite propose une première halte quelques dizaines de mètres à peine après le point de départ. Ce mur de pierres relativement irrégulières, recouvert de verdure dans sa partie supérieure, et percé d'une petite ouverture fermée par une porte en bois aurait pu passer inaperçu, laissant plutôt imaginer un ancien stockage de la forteresse historique. Pourtant, des lettres gravées attirent l'attention. Il faut se concentrer pour arriver à déchiffrer tout le message. Et lorsque ceci est fait, nous comprenons que nous sommes devant la première crypte qui hébergea les premiers cercueils (quinze pour être précis) dès 1945 avant que le mémorial actuel ne soit érigé et inauguré au début des années 1960 par le général de Gaulle, adossé à l'extérieur de la muraille sud. Cette version initiale était beaucoup plus sobre que la version définitive. plus militaire peut-être étant donné que c'est une casemate qui a été reconverti pour.
En progressant, nous apercevons ce qui ressemble à un ancien cimetière, apparemment abandonné, si j'en crois la végétation envahissante qui recouvre ou dissimule les pierres tombales. Celles-ci laissent penser une certaine opulence des défunts. C'est ce que nous confirme notre guide. Les familles fortunées de Paris cherchaient à se faire inhumer sur cette colline, entre autres une façon de s'élever plus près du divin. Il semblerait que l'archevêque y avait trouvé une source de revenus suffisante pour pouvoir se faire construire le château visible un peu loin sur le circuit.
Nous rejoignons ensuite le colombier militaire, le dernier en France et en Europe, installé sur la pointe Sud-Est de la forteresse. Le maréchal des logis en charge des pigeons nous accueille sur le parvis entre le petit musée et les divers colombiers. Les multiples cages laissent voir de fort beaux gabarits, de vrais sportifs. Certains semblent même avoir un permis de sortie : ils sont posè sur le toit à l'angle du bâtiment. Ici, ils sont choyés, entrainés et sélectionnés pour participer à des concours de pigeons voyageur, tout en maintenant la tradition de la colombophilie militaire même si aujourd'hui ils ne sont plus du tout utiliser pour transporter des messages.
Après quelques explications techniques sur les pigeons, répartis comme les athlètes en trois catégories, suivant la distance qu'ils sont capables de parcourir, nous suivons notre maréchal dans le petit musée qui retrace toute l'histoire militaire des pigeons, tout autant que l'importance du pigeons à certaines époques. On apprend ainsi que le mot pigeonnier n'est pas d'origine française mais belge; nous découvrons l'origine de l'expression "se faire pigeonner" ; et nous (re)découvrons l'existence de pigeons héros de guerre. Pour la petite histoire, dans le dessin animé Idéfix et les irréductibles, le pigeon Asmatix est une référence direct à ces deux héros à plumes de l'histoire de la première guerre mondiale.
Après cette pause particulièrement instructive, nous reprenons la progression sur le haut de l'enceinte extérieure pour nous rapprocher de la partie "civile", celle où se trouver la crypte et le parcours mémoriel. Mais avant d'y parvenir, on profite de la vue sur l'esplanade de la France Combattante en contrebas.