Ou quand on vient visiter du virtuel !

Publié le par Jérôme Voyageur

Cluny, Avril 2007

 

Dernière étape de mon escapade bourguignonne. Après Guédelon et son château en chantier, après Vézelay, son village et sa basilique, direction le sud de la région pour une dernière visite architecturo-religieuse. Ma dernière visite, je l'ai réservée à l'abbaye de Cluny, plutôt connue de nom, mais certainement peu connu dans la réalité.

Pour s'y rendre, il existe plusieurs solutions. La plus rapide consiste à emprunter l'autoroute, toujours la même, l'A6, jusqu'à Mâcon. Il n'y a plus alors qu'une vingtaine de kilomètres à parcourir, dont une partie sur une voie rapide pour rejoindre la ville de Cluny. J'ai pour ma part préféré les chemins de traverses. Cela est certes beaucoup plus long mais le paysage est bien plus agréable. Et puis il permet de traverser des villes au nom connues telles Château-Chinon la mitterrandienne, Le Creusot et Montceau-les-Mines les industrielles. Il y a aussi cette ascension du Mont Beuvray et son site celte de Bibracte dont je suis resté assez déçu du fait du peu d'informations fournies. Il est préférable de laisser son véhicule à l'entrée de la ville sur les parkings prévus à cet effet. La vieille ville à l'intérieure des murailles offre assez peu de places de stationnement. Faites confiance à vos petites jambes musclées pour profiter de la vieille ville.

La première chose que le visiteur découvre en arrivant à Cluny est cette muraille ponctuée de quelques tours médiévales aux toits très pointus (les spécialistes parleraient de toiture en poivrière). On plonge ainsi directement dans l'atmosphère médiévale. Il suffit de franchir ce qui sert de porte et de remonter tranquillement vers la ville. Quoi ce n'est pas si simple ! Il ne faut en effet croire que la ligne droite est le meilleur chemin, bien au contraire. Admirez le clocher qui domine mais ne vous en servez pas de destination, enfin pas tout de suite. Car il faut d'abord faire un détour par le palais Jean de Bourbon, ancienne résidence de l'abbé qui abrite désormais, en plus de somptueuses cheminées, l'accueil de l'abbaye et le point de vente des billets. On peut aussi y apercevoir une maquette de la ville qui donne une bonne vue d'ensemble, à l'époque. Pour vous y rendre, le plus naturel consisterait à suivre la rue jusqu'au bout. Mais il me semble plus agréable, à mi-chemin, de tourner à droite pour emprunter l'escalier qui se présente. Vous vous retrouverez ainsi dans les jardins, bien agréables par beau temps. Vous y obtiendrez un point de vue sur l'abbaye à travers la végétation, tout de suite plus sympathique. En chemin, vous passerez devant le palais de Jacques d'Amboise, qui servait de résidence aux hôtes importants. Il est malheureusement en chantier de restauration mais on peut néanmoins apercevoir des les fines décorations en plaques d'albâtre qui rappelle le style Renaissance. Quelques pas encore et vous serez en possession de votre passeport pour la visite pour la somme de 6€50. selon vos envies, et pour le même tarif, vous pourrez découvrir le site par vous même, ou accompagnés par un guide.

 

 

Il ne vous reste qu'à descendre les quelques marches du petit escalier situé devant le palais. Vous voilà directement sur le parvis de l'abbaye. C'est vraiment à ce moment là que vous vous rendrez compte qu'une immense partie du site a disparu. Cluny, ou comment visiter du vide !! Bien heureusement, une dalle colorée disposée là reprend le plan de l'église en y ajoutant les murs toujours debout. Le visiteur peut ainsi mieux se rendre compte de ce que pouvait être Cluny 3, la dernière et la plus majestueuse des églises élevées ici. Il se dit que ce fut le chef d'œuvre de l'art roman. En contrebas, vous apercevez ce qu'il reste des deux tours, appelées barabans, qui encadraient le portail qui permettait d'accéder au narthex dont on distingue encore la base de quelques unes des colonnes. Cluny présente la particularité et l'originalité d'être en contrebas du niveau du sol. Ainsi lorsque Cluny 3 était encore debout, les croyants descendaient littéralement les marches d'un grand degré. En levant les yeux et en regardant sur la droite, on aperçoit les restes les plus hauts de l'ancienne abbatiale, à savoir le clocher de l'Eau Bénite qui culmine à 56 mètres.

Pour le visiteur actuel, il faut essayer de faire appel à son imagination pour essayer de visualiser ce qui pouvait se trouver au-dessus de ces pierres qu'il est en train de traverser. Par le guide ou par le petit plan fourni, il est invité à avancer dans l'ex-narthex, tel le pèlerin de la belle époque. Sur la droite, un escalier permet de remonter sur la placette qui fait face à l'ancien palais dit du Pape Gélase. Celui-ci, reconnaissable par sa façade gothique percée de nombreuses fenêtres et ouvertures, abrite désormais l'ENSAM, une grande école. Un fléchage vous permettra de trouver la suite de la visite qui s'est pour l'instant déroulée en ville. Un petit hall à l'entrée de l'école vous attend pour patienter ; vous pouvez d'ailleurs y découvrir deux nouvelles maquettes qui permettent une fois encore de visualiser ce que pouvait être l'abbaye. Ces deux maquettes permettent aussi de visualiser les parties toujours debout, de celles disparues. Dans le pire des cas, vous aurez à patienter une dizaine de minutes, pour continuer la visite, à moins, bien sûr, que l'étape à venir ne vous intéresse pas.

Pourtant celle-ci mérite vraiment le détour. « Maior Ecclesia » est une réalisation d'ingénieurs d'un des laboratoires de l'école. Sur neuf minutes, elle reconstitue numériquement l'église abbatiale de Cluny telle qu'elle était au 13ème siècle, et ce d'après les recherches archéologiques réalisées sur place. Grâce à des lunettes spéciales qui vous sont prêtées le temps de la séance, vous visitez virtuellement l'édifice comme l'aurait fait un pèlerin de l'époque, vous découvrez les lumières telles qu'elles ont dû exister, le tout dans une ambiance musicale créée pour l'occasion. Après les maquettes, somme toute assez petite, cette reconstitution vidéo en 3D et à l'échelle une donne encore plus le sentiment de grandeur du lieu. Il faut dire que jusqu'à la construction de Saint-Pierre de Rome, Cluny 3 fut longtemps la plus vaste église de la chrétienté avec ses 187 mètres de longueur, onze travées, des couloirs collatéraux doubles ! Il fallait bien cet immense vaisseau roman et ses vastes dépendances pour abriter un ordre clunisien qui compta jusqu'à 1000 monastères, 10000 moines à travers l'Europe Occidentale. Parmi les abbés les plus connus, on compte Hugues de Semur, Richelieu, ou encore Mazarin. Fondée en 910, l'abbaye bénédictine de Cluny atteindra son apogée au 13ème siècle avant de tomber dans l'oubli jusqu'à servir de carrière de pierre au moment de la Révolution Française, alors qu'elle avait été décrétée bien national. Voici la raison pour laquelle il ne reste que quelques miettes de cet ensemble médiéval.

Après la projection la visite se poursuit en empruntant une des ailes du cloître d'apparence bien plus moderne, probablement de l'époque 18ème comme les bâtiments conventuels rajoutés à l'arrière du site. Mais rapidement, une couloir, appelé passage Galilée, ramène le visiteur vers la partie ancienne en lui laissant admirer au passage quelques pièces archéologiques retrouvées. De nouveau dehors, en levant les yeux, on aperçoit, dominant, le clocher de l'Eau Bénite Ainsi, on parvient dans la seule élévation qui a résisté au temps : le transept sud et son clocher. Sols et parois sont encore brutes, comme laissées en l'état par les archéologues. On retrouve un peu l'architecture aperçue à Vézelay. Dans un coin, une colonne romane détonne avec son arrière-plan constitué d'une bâtisse bien plus moderne. Ici et là on distingue des restes d'époques : morceaux de mur, colonnes, arcs romans, … Il est surprenant de flâner dans la galerie déambulatoire désormais à ciel ouvert ! Grâce à elle, on parvient à ce qu'il reste du petit transept (oui dans cette église, il y avait à l'origine deux transepts). En fait, il faut l'imaginer car il n'en persiste que un pan de l'absidiole Saint-Léger avec sa parfaite voûte romane et surtout la chapelle funéraire Jean de Bourbon qui, elle, est une des rares pièces encore entière. Ses murs intérieurs proposent une décoration joliment sculpté. Ce type de décor est d'ailleurs annoncé par le linteau de la porte latérale déclinant le même style d'inspiration gothique flamboyant. D'ailleurs, cette porte prend place au cœur d'une ouverture plus ancienne et plus grande d'origine romane. A l'intérieur, on peut se croire comme dans une cathédrale miniature ; c'est l'effet donné par ses fines sculptures et ses fenêtres gothiques. Le lieu est remarquablement conservé avec ses consoles polychromes représentant les prophètes. Quelques traces de pigments persistent aussi entre deux croisées d'ogives.

En sortant de la chapelle, on peut alors observer les diverses absides et chapelles de l'extérieur. Les styles en sont finalement assez variés. On a vraiment là le sentiment d'une construction en de nombreuses étapes, chacune remplaçant ou s'accolant à la précédente. En poursuivant son chemin, le visiteur arrive dans un large espace ouvert, les jardins. Ils ne sont malheureusement pas à la hauteur : surtout de simples pelouses et quelques bosquets de-ci de-là. En revanche, depuis les jardins, on aperçoit les bâtiments conventuels aux façades très classiques, formant une sorte de U, datant du 18ème siècle. La ballade se poursuit en suivant les allées tracées entre les pelouses. On parvient ainsi jusqu'au dernier bâtiment de l'abbaye. Il s'agit d'un ancien cellier. Il ne semble pas possible de pouvoir admirer sa voûte sur croisées d'arc. En revanche, en empruntant le double escalier sur la façade, on accède, en passant sous une nouvelle glycine, au farinier qui occupe l'étage du bâtiment, tout en longueur. La première chose qui frappe, c'est cette toiture en chêne : une charpente impressionnante. Celle-ci abrite en premier lieu des maquettes qui permettent d'illustrer ce qu'a pu être Cluny du temps de sa splendeur. Mais le clou de l'exposition sont ces huit chapiteaux romans retrouvés sur place, dont certains avec leur colonne de marbre. La finesse des sculptures impressionne tout autant que la diversité des thèmes illustrés. C'est d'ailleurs là que la connaissance d'un guide se révèle utile ! La visite se termine par un dernier coup d'œil à l'autel qui a résisté, par miracle, à la destruction. La sortie se fait au pied de la tour du Moulin, qui autrefois abritait un moulin à eau.

Le visiteur se retrouve alors dans une ruelle de la vielle ville. La fin de ballade est agréable, permettant ici et là d'apercevoir quelques autres restes des bâtiments abbatiaux tels cette tour des Fromages, le plus haut édifice de la ville, qui abrite aujourd'hui l'office du Tourisme et au sommet de laquelle on peut avoir un point de vue sur la ville, ou encore quelques mètres plus loin les restes de la « Malgouverne ». Cheminant ainsi, le visiteur finit par se retrouver sur la placette face palais abritant l'école. C'est ici que certains profiteront des quelques terrasses pour se désaltérer.

Voici qui conclut ma découverte instructive de quelques coins de Bourgogne. A vous d'y aller maintenant !

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Publié dans Carnet de voyage, Europe, France

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