Pérégrinations chiliennes (6)

Publié le par Jérôme Voyageur

Dimanche 18 février 2007, Parc National Torres del Paine, camp Pingo

 

 

Nouvelle bonne nuit au bord de la rivière Pingo. Ce matin, nous pouvons prendre notre temps. Le véhicule ne sera au parking que vers 11 heures. Nous reculons donc l’heure du petit-déjeuner, puis nous prenons notre temps pour plier le campement. Thomas, le porteur, part devant nous, chargé comme un mulet : l’harnachement est réellement impressionnant. A se demander comment il arrive à avancer. Nous partons moins chargés ! Seule la tente vient s’ajouter à nos sacs à dos. Et c’est reparti pour trente minutes jusqu’au poste de garde. Là nous retrouvons Pepe et son véhicule. Nous retrouvons aussi nos sacs de voyage. Une fois tout le matériel de camping chargé, nous partons vers le camp Pehoé pour prendre le pique-nique. L’endroit est idéal au bord du lac, face aux Cuernos sans nuages. Même le vent semble s’être calmé un petit peu ! Après cette excellente salade de riz, nous partons faire un peu d’exercice. Pour cela, Pepe nous dépose quelques kilomètres plus au nord, juste au dessus de l’embarcadère du catamaran qui assure les transferts sur le lac Pehoé.

 

Cinq cent mètres après le parking, par un chemin large comme un boulevard, nous entendons gronder. Nous approchons du Salto Grande, une impressionnante cascade qui déverse le lac Nordjensköld dans le Pehoé. En cette période estivale, la fonte des neiges ayant fait son office, le débit est maximum. Cela mousse sur toute la largeur de la cascade. L’eau remonte presque aussi haut que la cascade faisant apparaître un arc en ciel au moindre rayon de soleil. En revanche, le site est particulièrement venté, orienté qu’il est face aux vents dominants. Nous continuons le chemin désormais plus étroit vers le mirador des « cuernos ». Il ne présente aucune difficulté, juste quelques courtes montées. Il sinue à travers une végétation peu variée, pour l’essentiel des petits buissons très épineux : gare aux écarts ! Régulièrement, quelques fleurs donnent une peu de couleur jaune. Après une petite heure de marche souvent ventée, nous parvenons enfin au mirador. Il domine la lac Nordjensköld et fait face aux fameuses cornes. De ce point, la vue est vraiment imprenable sur ces formations si particulières. Seule la pointe des « cuernos », celle qui a échappé à l’érosion de la dernière glaciation, composée de roches sédimentaires, est de couleur sombre presque noire. La majeure partie des pointes arbore une couleur grise, granitique. Il serait dommage de manquer cette petite ballade qui offre un tel point de vue. En plus, il y a un banc à l’arrivée pour se poser. Après avoir fait crépité les appareils, nous rebroussons chemin pour retourner au parking où nous attend le véhicule. Surprise ! Il y a nos affaires mais le van (quasi identique) et le chauffeur ont changé !

 

Nous quittons définitivement le secteur de Pehoé pour un autre secteur du parc, au nord-est, non loin des fameuses « torres ». Il faut compter une bonne heure et demie pour faire le trajet. En chemin, nous retrouvons les guanacos, toujours aussi peu farouches. Puis nous apercevons la laguna Amarga sur la droite. l’arrivée au pont sur la rivière Paine est folklorique. Le pont est étroit pour limiter le trafic et obliger les plus possible à utiliser les navettes. Notre van passe juste ; le chauffeur est bon ! Finalement, nous parvenons au camping Las Torres, non loin de l’Hosteria. Ce soir, c’est à nous de monter les tentes. Cette tâche simple se révèle bien plus ardue avec la présence de ce vent soutenu. Tant bien que mal nous parvenons à les dresser. Il y a beaucoup de place dans ce camp et nous avons l’embarras du choix pour nous placer. Ce n’est que tentes-igloos de tous les côtés. Seuls les randonneurs viennent ici. C’est aussi l’occasion de profiter enfin d’une bonne douche après cet intermède camping « sauvage ». Nous disposons même de bois et de barbecue. Ce soir, ce sera saumon en papillotes sur le gril et riz. Un vrai régal, à déguster à l’abri. La chaleur du sac de couchage sera elle-aussi la bienvenue sous la tente. Une bonne nuit de sommeil et de repos est nécessaire pour le morceau de choix de demain.

 

 

Lundi 19 février, Parc Torres del Paine, camping Torres

 

 

Aujourd’hui commence la journée que j’appréhende le plus de tout le circuit étant donné mon entraînement !  Le réveil est assez tardif vu que nous avons prévu de démarrer seulement à 9 heures. Nous profitons bien du petit déjeuner pour prendre des forces. Et c’est parti pour une longue journée de marche direction l’attraction principale du parc, à savoir les fameuses « Torres ». Jusqu’à présent, nous n’avons fait qu’en apercevoir les sommets mais rien de plus. Ces « tours » savent se faire désirer et il faut les mériter. Nous nous mettons donc en marche depuis le camping pour une portion de plat qui nous mène jusque derrière l’Hosteria (où la chambre monte à 90000 pesos soit 900 francs !!!). Un pont suspendu bien mouvant permet de traverser la rivière Ascencio. Au loin apparaît très nettement le glacier Balmaceda que nous apercevions depuis Natales.

 

Les choses sérieuses commencent peu après. Le chemin grimpe quasiment en continu pendant une bonne heure et demie, le tout à découvert. Autant dire que nous apprécions de suite la météo idéale du jour, beau temps, pas de vent, pas de chaleur ; le climat idéal pour randonner. Les choses sont claires d’entrée : il va falloir suer pour atteindre notre objectif. Cette montée semble sans fin ; il reste toujours une petite côte. Il faut écouter son corps et monter à son rythme. Enfin, le chemin s’aplanit. Nous dominons la vallée de l’Ascencio. Nous cheminons à flanc de montagne, dans un décor quasi lunaire : les flancs de la montagne sont couverts d’un sable gris-noir. Après tant d’efforts, la première descente est presque malvenue ! Une seconde arrive un peu plus tard, après un nouveau plat, pour nous ramener au bord de la rivière, là où est installé le refuge Chileno. Au besoin, il dispose de commodités.

 

A partir de là commence une longue partie vallonnée bien moins éprouvante (quoi que !) qui sinue la plupart du temps dans les sous-bois pendant 1h30 à 2 heures. De temps à autre, nous traversons une clairière. Une autre fois, c’est un torrent en travers duquel est jeté un pont de bois très sommaire. Cette partie permet globalement de reprendre des forces (si on met à part quelques côtes sévères). De temps en temps, nous pouvons apercevoir un petit glacier sur les crêtes qui nous dominent. Nous finissons ainsi par arriver près de la moraine, en contrebas de laquelle est installé le campement Torres. La dernière épreuve commence là. Heureusement, les tours commencent enfin à apparaître, motivant (s’il le fallait) les plus fatigués d’entre nous. Cette moraine est fait du glacier qui existait jadis au pied des tours. La première partie (trop courte) s’effectue sur la lisière de la moraine à l’ombre des arbres. Mais rapidement, il faut affronter le pierrier. La progression est ralentie ! Aucun chemin n’est réellement tracé ; seulement quelques marques de peinture et aussi les autres randonneurs. Il faut dire que ce lieu est la randonnée la plus renommée du par cet de la région. Soit les pierres roulent sous nos pas, soit elles sont énormes à franchir. Non sans difficultés, nous parvenons tous au mirador Las Torres après une heure d’efforts sur la moraine. Il a fallu au total quatre heures pour parvenir là et quelques 800 à 900 mètres de dénivelé mais le spectacle en valait la peine.

 

Les trois « Torres » révèlent enfin toute leur majesté du haut de leur 28600 et quelques mètres (2850 pour la plus haute). Ces trois sommets issus de la formidable érosion et de l’activité tectonique sont uniques au monde en leur genre. Il faut imaginer trois immenses tours collées l’une à l’autre et qui vous surplombent de plus de 1000 mètres. Sur la droite, le Nid du Condor complète le décor. Juste au pied, il reste un petit champ de glace qu’on désigne sous le nom de Ventisquero Torres. Par sa fonte abondante en cette saison, il alimente le petit lac lové au pied des trois majestés. Jamais nous n’aurions imaginé sa présence sans grimper jusque là. Elodie nous accorde une bonne heure pour profiter du lieu. Quel meilleur endroit pour avaler son casse-croûte ? Arrivés si haut, nous ne pouvions pas ne pas descendre au bord de l’eau ! Après être remonté, au jugé à travers ce chaos rocheux, je partage le maté avec Elodie, histoire de capter quelque énergie pour le retour. Après avoir bien fonctionné, les appareils retournent dans les sac à dos. Il est temps d’attaquer la descente.

 

Ce pierrier est tout aussi compliqué à descendre qu’à gravir, voir pire. Heureusement, les torrents sont là pour nous ravitailler en eau pure. La portion centrale est, elle, avalée avec une facilité déconcertante. Ce n’est qu’après le refuge qu’il faut affronter les deux descentes bienvenues du matin désormais transformées en horribles côtes. Les difficultés sont désormais derrière nous. Seuls les genoux souffrent un peu pendant la longue descente finale. Nous aurons mis trois heures pour rejoindre le camping. Cette randonnée de sept heures se fait bien sentir dans nos corps. Il ne me tarde qu’une chose : retirer les chaussures de rando et m’affaler sur la pelouse. Après une indispensable sérié d’étirements, la douche est un vrai bonheur : cela délasse bien ! En l’absence de vent, nous optons pour le repas sur les tables en bois du camping ; les grillades d’agneau font des heureux. A croire que nous avions faim ! Dernière nuit dans le parc du Paine, direction d’autres horizons.

 

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