Petite ballade dans l'estuaire de la Seine

Publié le par Jérôme Voyageur

Honfleur, Septembre 2007

 

 

Où aller pour profiter d'un beau week-end ? Quitter Paris pour me diriger vers la mer ? Allons-y ! Un rapide coup d'œil à la carte pour opter pour Honfleur, une ville dont j'avais plusieurs fois entendu parler sans jamais avoir fait le déplacement. Cette fois, c'est décidé, j'y vais. Autant dire le meilleur moyen de bien découvrir l'endroit. Après un bout d'A12 histoire de contourner la capitale, c'est le long ruban de l'A13 qui doit m'emmener jusqu'en Normandie, alternant entre épaisses couches de brouillard et belles éclaircies ensoleillées dès que la route s'élève. Rendez-vous était fixé à Pont-L'Evêque, non loin du but final. De là, je me dirige non pas directement vers Honfleur mais vers la petite commune d'Equemauville en empruntant de bucoliques petites routes à travers champs et arbres bordant le chemin.

Pourquoi ce détour ? Tout simplement pour atteindre la côte de Grâce qui surplombe l'estuaire de la Seine, offre un large panorama sur la ville du Havre et ses installations portuaires de l'autre côté des flots. Juste en dessous apparaissent les abords de la ville de Honfleur, principalement le port et les jardins installés le long de la jetée. Et sur la droite, dans la brume qui se dissipe, la silhouette du pont de Normandie et de ses haubans qui apparaît. Cette côte est couverte d'arbres qui semblent séculaires, apportant un sentiment de sérénité au visiteur. D'autant plus qu'il n'y pas trop de monde en cette fin de matinée, le silence des lieux en fait un véritable havre de paix. Un petite chapelle, Notre Dame de Grâce a été élevée en ce lieu au 17ème siècle suite à la disparition de la précédente dans un éboulement de la falaise. Elle participe principalement à la protection des marins, sous son toit d'ardoises tout en rondeurs. A l'extérieur, sur la gauche, a été installé un carillon d'une dizaine de cloches de tailles différentes.

Mais l'intérieur est encore plus surprenant : les murs de cette petite chapelle sont entièrement recouverts d'ex-votos. La vision de tous ces témoignages de gratitude est impressionnante. En y regardant de plus près, on y découvre le passage de Thérèse de Lisieux, de Samuel de Champlain (le fondateur de Québec) ou encore Bonaparte. Au bas des vitraux figurant tous ou presque des scènes maritimes, on peut apercevoir de nombreuses maquettes de bateaux. A l'extérieur, un petit autel élevé sous les arbres accueille chaque année pour la Pentecôte la procession de la fête des marins. Après ce bon bol d'air, il est temps de descendre vers la ville par la petite route qui dessert cette côte de Grâce. Mais si comme moi, vous songez à y aller le samedi, autant vous dire de suite qu'il est préférable d'éviter le centre-ville toute la matinée du fait du marché.

D'ailleurs pour patienter, il existe une excellente alternative : approcher le fameux pont de Normandie dont on dit qu'il est le long pont à haubans du monde (avant le prochain ! D'ailleurs le viaduc de Millau ne l'est il pas plus ? Mais c'est un viaduc pas un pont ; c'est peut être ça la nuance !). En sortant de la ville par l'est, des panneaux vous permettent de rejoindre un petit parking non loin de l'ouvrage. De là, divers chemins vous permettent de l'approcher, celui qui conduit sur le pont, et celui qui passe dessous.

J'opte pour la ballade champêtre sous le pont. Elle commence par un chemin à travers les buissons qui mériterait d'être nettoyé et débroussaillé pour être plus agréable. Rapidement on atteint la clôture d'une voie ferrée qui semble bien peu utilisée. Quelques mètres plus loin, un portail permet aux promeneurs de traverser les deux paires de rails avant de poursuivre le long de la route qui s'élève lentement pour passer sur le pont. Petit à petit le clac des roues passant sur le pont s'assourdit au fur et à mesure que nous passons sous le tablier. En levant les yeux tout en avançant (encore qu'il soit préférable d'éviter de faire les deux en même temps), je me rends compte de l'énormité de l'ouvrage. Je me sens tout petit là en dessous. Et assez mystérieusement, je n'entends presque plus le bruit de la circulation. Dommage que quelques motocross perturbent un peu cet agréable silence. Tranquillement, profitant de ce chaud soleil bien inattendu à cette période de l'année, je finis par atteindre la dernière pile du pont, celle sur laquelle sont fixés tous les haubans. Je suis sur la rive de la Seine dont le niveau baisse en même temps que la marée. Des senteurs marines s'élèvent des flots. Qu'il est bon de flâner là dans le silence relatif des lieux à deviser sur diverses choses.

Il est temps de rebrousser chemin. Il faut dire que les estomacs commencent à grogner. Mais avant de partir je m'approche du port pour apercevoir le pont sous un autre angle et refaire de nouveaux clichés. Désormais, il est temps de retourner vers le centre-ville. Enfin pas directement. Pourquoi se ruer en centre ville et payer une table très cher, certes peut être avec une belle vue (qui ne nourrit pas !) alors qu'il existe une excellente adresse bien agréable sur le chemin. Cherchez l'enseigne « Les pieds dans l'herbe » et vous ne serez pas déçus. Cette crêperie est installée dans un ancien bâtiment de briques rouges, visiblement une ancienne écurie, avec un immense jardin bien vert, à la pelouse épaisse et parsemée de pommiers et autres arbres et massifs. J'apprécie le calme de l'endroit alors que l'avenue n'est finalement pas très loin. J'apprécie aussi avec ce temps estival d'être installé dans l'herbe à l'ombre du gros pommier. Pour les douillets, il y a toujours la terrasse voir la petite salle intérieure. L'endroit est idéal pour les familles : les petits enfants profitent à fond du jardin, et ce, sans risques.

Côté carte, j'ai eu la surprise de découvrir des tarifs tout à fait raisonnables, il est vrai en dehors du centre-ville. Les galettes sont nombreuses et copieusement garnies. Mais ce n'est rien à côté des salades. Méfiance ! Elles sont sacrément copieuses, quasiment un plat à elles seules. En tout cas, il y a là une bonne idée pour la pause déjeuner, au calme et avec un agréable aspect gastronomique.

Le début d'après-midi étant venu et le marché ayant dû disparaître, je me remets en route pour rejoindre la centre-ville. C'est là que la présence d'une connaisseuse se révèle très utile. Comme d'autres cités sur la côte normande, Honfleur est une destination très prisée et la municipalité ne s'y est pas trompée en rendant l'immense majorité des places de stationnement payantes. Il faut tourner un long moment ou connaître pour pouvoir se garer tranquillement et sans frais. Il est temps de faire marcher les « pattes ». Les premières rues parcourues laissent apparaître des habitations typiques à colombages, souvent colorées. Petit à petit, empruntant des rues pavées, j'aperçois un clocher. En approchant encore, je découvre l'église Sainte-Catherine. Elle est originale à plus d'un titre. Elle est construite tout en bois à la façon d'un navire ancien qu'on aurait retourné sur la place. Tandis que le toit est recouvert d'ardoises, les façades sont couvertes de bardeaux de bois. J'ai été très surpris de retrouver ce détail architectural que je n'avais jusqu'alors vu qu'au Chili sur l'archipel de Chiloé. L'intérieur ressemble à une coque inversée, malheureusement, deux offices successifs nous auront empêchés de la découvrir plus avant.

La seconde particularité de cette édifice réside dans son clocher. Contrairement à l'habitude, celui-ci n'est pas « déposé » sur l'église, mais en face de l'entrée, à quelques mètres. Posé sur un petit bâtiment mêlant pierre et architecture traditionnelle à colombages, il reprend le même revêtement de bois. on remarque aussi les béquilles de chêne qui le maintiennent bien droit et fier. je poursuis mes flâneries dans les ruelles toutes proches du vieux centre. Les maisons anciennes abritent alternativement commerces touristiques, restaurants et galeries d'art. Il faut dire que Honfleur est depuis longtemps une ville d'art, celle des poètes dont Baudelaire, et aussi celle des peintres, le berceau de l'impressionnisme. Boudin, Monet et Courbet l'ont immortalisée. Le premier a même un musée à son nom en ville.

Je finis par déboucher non loin du Vieux Bassin, le cœur de la ville, son point d'attrait et de convergence. Mais c'est d'abord le bâtiment de la Lieutenance qui s'impose à moi. Comme à l'époque, elle surveille l'entrée du bassin. Voici donc ce pittoresque vieux port cerné de toutes parts par ces hautes maisons de marins, très étroites, dont une bonne partie de la façade de certaines est recouverte d'ardoises. On peut regretter la présence massive des terrasses de restaurants qui dénature un peu trop le lieu. L'entrelacs de mâts dans le bassin est bien plus agréable ; les bateaux récents y côtoient de vieux gréements de bois à la voile rouge. Je vous conseille de faire le tour du bassin, non pas au pied des maisons mais sur le quai : vous pourrez ainsi mieux apprécier les façades tout en regardant dans les eaux du port les poissons des plus petits aux plus gros.

De l'autre côté du bassin, le lieu semble plus agréable avec moins de terrasses. On peut y observer des artistes amateurs immortaliser le cadre. Il faut dire que d'ici, le point de vue est encore meilleur sur les hautes demeures, avec le port et ses voiliers au premier plan. C'est aussi sur cette partie du bassin que s'élève la vieille église désormais convertie en musée de la marine. Il ne faut pas hésiter à emprunter les ruelles de part et d'autre ; on découvre ici d'anciennes maisons qui ont gardé tout leur cachet, avec leurs structures en bois et leurs enseignes en fer forgé. Par ce chemin, je débouche devant les greniers à sel, impossibles à visiter du fait de la présence d'un festival. Retour sur le bassin pour en finir le tour et rejoindre la Lieutenance. C'est là que je découvreur que Samuel de Champlain, le fondateur de Québec, est parti de Honfleur.

Il faut dire que les enfants et habitants célèbres de Honfleur sont nombreux : on y compte Baudelaire qui y séjourna régulièrement, l'écrivain Alphonse Allais, le pianiste Erik Satie et Michel Serrault. De là, nous empruntons la digue qui longe les différents bassins jusqu'à la mer. La promenade est ponctuée de bancs qui permettent de se reposer à l'ombre, face à la Seine, ou plus exactement aux quelques navires à quai sur le port. Je passe non loin d'une énorme écluse qui sépare les bassins du vieux port de l'estuaire. Environ une fois par heure, on peut observer le manège des différents esquifs qui se pressent de part et d'autre pour franchir l'écluse. En particulier, les bateaux qui emmènent les touristes sous le pont de Normandie.

Je poursuis un peu plus loin, longeant ainsi les jardins aménagés dans cette partie de la ville. La marée montante nous offre le spectacle des cargos qui remontent la Seine à la queue leu leu. En levant les yeux vers le large, je constate qu'il y en a encore beaucoup au large du Havre. C'est là, accoudés au muret, que je profite du moment, chauffé par le soleil, bercé par les flots, et « parfumé » par les senteurs marines. Ainsi se terminait cette ballade normande à Honfleur. Il était de reprendre la route et rejoindre la capitale, cette fois sans brouillard mais avec les traditionnels embouteillages.

 

Petite ballade dans l'estuaire de la SeinePetite ballade dans l'estuaire de la Seine
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Publié dans Carnet de voyage, Europe, France

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