Pistes de Zambie et du Malawi (6)

Publié le par Jérôme Voyageur

Mardi 26 juillet 2005, Nkhotakota, Njobvu Safari Lodge

 

Dernier réveil au bord du lac. Le soleil levant ne sera pas parfait, la faute à quelques nuages. Un bon petit déjeuner dans le ventre et nous prenons la route plein sud. Quelques kilomètres après le lodge, nous nous arrêtons sur le pont qui sépare le lac du lagon Chia. A la base, nous espérions apercevoir des pêcheurs à l’épervier, manque de bol, ils utilisent un filet classique tendu en travers du chenal. Mais la chance est avec nous ce matin. Fred pousse soudain un cri en pointant la lagune : des loutres, des loutres ! C’est alors l’attroupement tant des touristes que des autochtones. Tout le monde observe ces trois loutres du Cap qui batifolent joyeusement. Une quatrième est visible au loin : elle semble pêcher. Après avoir bien joué, les trois premières choisissent de passer quelques minutes au soleil sur un rocher. Elles finiront par disparaître dans les roseaux. Quant à nous, nous ne cessons de courir du pont au véhicule : une fois pour l’appareil photo, puis pour les jumelles ! Une bonne petite mise en jambe. Nous reprenons ensuite la route ponctuée de nombreux barrages de police (comme partout au Malawi) : cela peut n’être rien qu’un simple bonjour comme cela peut être compliqué (un d’entre eux exigera de voir nos deux triangles de sécurité alors que nous n’en avons qu’un seul !). Pour résumer, il faut être patient et un rien baratineur ! Et cette exigence des triangles est plutôt comique quand on voit que la plupart des véhicules en panne sur les routes n’indiquent le danger qu’avec deux branches d’arbres, une devant, une derrière !!

 

Bon gré, mal gré, nous arrivons à Salima où nous faisons une petite pause. L’endroit est très animé par diverses échoppes directement sur la route : on y fabrique des récipients en fer blanc, on revend de la chambre à air débitée en fines bandelettes, on y propose aussi de la viande à l’étal d’un pseudo boucher (la carcasse est pendue à l’air libre, dans la rue !!). Peu avant Bakala, nous faisons la pause déjeuner près d’anciens séchoirs à tabac construits en brique mais désormais en ruines depuis que le Zimbabwe de Mugabe n’achète plus de tabac. Comme cela est déjà arrivé, un petit groupe d’enfants, des garçons, nous regarde pendant le repas, mais très sagement, sans même quémander. Ils doivent être surpris de voir les hommes travailler (la vaisselle était faite par Fred et Inno) alors que chez eux, ce sont surtout les femmes qui travaillent. Cette petite assemblée s’excite en revanche dès que nous partons.

 

Après avoir franchi, avec quelques difficultés, le dernier barrage, celui de Liwonde, nous franchissons la rivière Shire qui fait s’écouler le lac Malawi vers le Zambèze. Nous voici aux portes du parc national de Liwonde, le principal parc naturel du Malawi. Après avoir franchi l’entrée sud, trente kilomètres de piste nous attendent avant de rejoindre le lieu de notre campement. La végétation, très sèche, surprend après la verdoyance de la Luangwa : nous découvrons de nombreux figuiers étrangleurs, des baobabs de toutes tailles, des euphorbes arborescentes (ressemblant un peu à des grands cactus), des acacias jaunes et même des ébènes blancs. Nous apercevons néanmoins quelques antilopes (les classiques impalas, cobes et koudous). Peu à peu apparaissent palmiers, hautes herbes et verdure : nous approchons de la rivière. Cela semble être un paradis pour les ruminants. Nous longeons un instant la clôture de l’enclos des rhinocéros : depuis quelques années a été lancé un programme de réintroduction ; actuellement, ils en sont à la phase d’acclimatation des rhinocéros avec le reste de la faune avec l’espoir de supprimer dans quelques temps la séparation et laisser les rhinocéros parcourir l’intégralité du parc. Nous arrivons vers 14h30 au camp de Mwuu (qui signifie hippopotame en chichewa) qui propose à la fois un lodge en chalets et un terrain de camping sur les rives de la Shire. Encore un endroit sympa pour camper bien que très aménagé et fréquenté par rapport aux bivouacs que nous avons déjà connu.

 

Après un montage de tente de plus en plus rapide, nous explorons le lieu rencontrant, entre autres, un phacochère  énorme en train de brouter la pelouse entre les chalets. Finalement, vers 16h30, nous repartons faire un petit tour dans le parc, histoire de nous imprégner de l’endroit. Dès la sortie du camp, nous nous rendons compte que les animaux ne sont pas farouches ici. Les impalas sont très proches des véhicules. Au bord de la rivière, nous observons principalement des oiseaux. D’abord un palmiste africain ou aigle des palmiers qui vient se désaltérer pendant que sa moitié niche dans un des palmiers tout proche. Contrairement à ce qu’on pourrait croire en l’observant, il ne s’agit pas là d’un aigle mais d’un vautour. Plus loin, c’est un couple de bécassines peintes qui nous retient : Madame est bien plus élégante que Monsieur avec sa livrée grisée. Et puis c’est au tour d’un martin pêcheur de réussir à prendre un poisson. Le cérémonial qui suit est assez comique. Saisi par la queue, le poisson est assommé une bonne trentaine de fois sur la branche qui sert de perchoir. Quelle énergie ! Ce n’est qu’après de longues minutes qu’il se décide enfin à l’avaler. Pour cela, il faut qu’il l’attrape dans le sens de la longueur. Ce n’est pas le moment de le tomber ! Mais il s’agit d’un gros morceau : tout finit tout de même par rentrer ! Pendant ce temps, derrière nous, un hippopotame solitaire broute de l’herbe pourtant déjà bien rase.

 

Non loin de l’entrée du camp, c’est un groupe d’éléphants qui mange dans la pénombre naissante. C’est probablement eux que nous entendrons barrir plus tard dans la soirée. Enfin, notre tour s’achève sur un guib harnaché bien placide, couché à découvert, non loin de sa femelle. Mais une fois encore, impossible de les immortaliser, la lumière manque. Parviendrai-je à les prendre en photo ?

 

Pendant notre repas, nous observons un employé du camp déposer une lampe à pétrole devant chaque tente. Ainsi vous voyez ce qui se passe si vous sortez de votre toile en pleine nuit. Le lieu est particulièrement sombre, et sans cela, nous ne verrions ni hippos ni éléphants qui pourraient traîner là ! A part ça, nous passons une bien agréable nuit ponctuée de barrissements, de cris d’hippos et de craquements non identifiés.

 

Mercredi 27 juillet, Liwonde National Park, camp de M’Vuu

 

 

Nous reprenons nos bonnes habitudes de brousse après une pause « modernité ». C’est donc sur les coups de 6h que nous avalons notre café avant de partir dans le parc. Nous nous dirigeons vers le nord en essayant de suivre au maximum la rivière. Nous faisons une halte assez rapidement près des cormorans aperçus la veille depuis la terrasse du lodge. Ils sont des centaines à nicher là au sommet des palmiers. Et cela piaille déjà gaiement malgré l’heure matinale. Cela virevolte aussi dans tous les sens, principalement pour changer de branche. En effet, nous constatons qu’ils sont particulièrement patauds. Les atterrissages sur les palmes sont plus qu’aléatoire et se concluent assez régulièrement par une nouvelle boucle autour de l’arbre ! Quant aux décollages, ils commencent par une chute libre. Certains essayent même de construire leurs nids mais les morceaux de feuille ne finissent pas tous là où il faut. Finalement, de simples cormorans nous offrent un bon moment d’observation. Sur la fin, nous avons même l’occasion de voir un de leurs prédateurs, le gymnogène, un rapace gris, les chasser de leurs nids. Il suffit qu’il approche pour que tous les nids soient évacués. Mais il ne touchera pas aux œufs. En revanche, il fait preuve d’une agilité incroyable en s’agrippant au vol sur un tronc. Petit à petit, des vols de cormorans s’envolent au dessus de la Shire vers le lac Malombe au nord : c’est vraiment un spectacle gracieux.

 

Un peu plus loin, sur les berges herbeuses, nous retrouvons les incontournables impalas ainsi qu’un certain nombre de cobes à croissant. Au hasard d’un sous-bois, nous devinons un couple de touracos à huppe splendide ou touracos pourpres sous un taillis. Contrairement son homologue gris, il est particulièrement gracieux : de couleur verte, il présente une belle crête, bleue de même que le dessus des ailes. Et lorsqu’il prend son envol, il révèle une magnifique couleur rouge sous ses ailes. Splendide, mais dommage qu’ils soient restés cachés sous les branches ou alors en plein contre-jour. Caprice de star ? Un peu plus loin, nous trouvons de gros crocodiles laissant juste apparaître le dessus de leur tête au dessus de l’eau. Souvent cela laisse présager de la taille de la bête. Il y en a même un qui nous fait le plaisir de sortir et de s’étaler sur la berge.

 

Nous reprenons ensuite la direction du nord pour atteindre la limite du parc. Sans s’en rendre compte, nous nous retrouvons à l’extérieur, vu qu’il n’y a pas de clôtures. Nous finissons par atteindre les rives du lac Malombe qui sert, en quelque sorte, de déversoir au grand voisin, le lac Malawi. L’endroit est marqué d’un énorme baobab qui est étreint par un figuier étrangleur tout aussi gros, voir plus. D’ailleurs, c’est à lui qu’appartiennent toutes ces feuilles. Juste en dessous se sont regroupés une vingtaine de villageois. En fait, ils attendent l’heure de départ de la barque qui leur permet de franchir la rivière Shire pour rejoindre les autres villages en un minimum de temps.  Nous patientons quelques minutes pour assister à l’embarquement.  Le capitaine, seul membre d’équipage, fait d’abord charger un nombre impressionnant de vélos à l’avant de sa large barque métallique, comme enfilés sur la proue. Un demi-tour plus loin, il laisse embarquer ses passagers. Ceux-ci doivent se mouiller pour monter tant bien que mal à bord. Quelques-uns restent à l’eau pour pousser. Puis six rames sont distribuées à des volontaires à qui il faut un certain temps pour être en rythme et ramer droit. Apparemment ses volontaires sont exemptés de droit de passage : leur sueur sert de paiement !

 

Le spectacle est terminé ; quelques photos du baobab et nous retournons dans les limites du parc. Fred essaie au maximum de nous ramener sur les prairies bordant la rivière : les animaux semblent adorer ces coins-là. C’est en se dirigeant vers l’une d’elles que nous finissons par apercevoir quelques éléphants dans la forêt de mopanes, semblant se diriger vers l’eau. Nous n’hésitons pas bien longtemps à rejoindre les bords du cours d’eau. C’est alors un fabuleux spectacle qui s’offre à nous. Un défilé ininterrompu de pachydermes nous passe devant le nez, avec de très nombreux jeunes, dont certains très petits âgés d’au plus un mois. Fred en comptera une quarantaine : en ce qui nous concerne, l’œil collé au viseur, nous sommes bien incapables de les dénombrer ! Leur première destination est un bosquet d’acacias qui semble les ravir. La majorité du groupe converge là tandis que la dernière dizaine se sépare pour aller plus loin. Nous sommes d’ailleurs cernés pendant un instant. Finalement, la matriarche donne le signal et tout ce petit monde part se désaltérer mais point de baignade même pour les plus petits ! Personne ne déroge à la règle. Puis retour vers un second acacia. C’est alors que nous assistons à une superbe scène. Les mères se sentent menacées par notre 4*4. Tout d’un coup, c’est un bloc compact d’éléphants qui nous fait face : les jeunes au cœur et trois grosses femelles en première ligne, toutes oreilles déployées. Il est plus prudent de reculer un peu pour continuer à profiter du spectacle. Il était tellement prenant que nous n’avons pas vu les deux jeunes mâles derrière nous qui cherchent à s’impressionner mutuellement sans même nous prêter attention. Après plus d’une heure de « représentation » sur fond de palmiers et de rivière, nous décidons de les laisser tranquilles et de retourner au camp.

 

En chemin, nous tombons sur trois grands calaos terrestres. Dans leur déambulation, ils finissent par approcher le nid d’un pluvier à caroncule, un petit oiseau blanc et noir avec un bec et des pattes jaunes. C’est le branle-bas de combat. Se relayant, les deux pluviers (beaucoup plus petits que les calaos) attaquent en piqué les assaillants tout en poussant des cris. C’est très amusant de les voir faire ! Un peu moins pour les calaos qui finissent par s’écarter. C’était un peu David contre Goliath ! Après ce dernier intermède, nous rejoignons vraiment Béa qui a dû se battre toute la matinée avec les babouins et les vervets pour défendre le campement. Nous serons de la partie tout au long du repas. De véritables chapardeurs ceux-là ! Entre midi et deux, nous explorons les abords du lodge à la recherche de petites bêtes. Nous tombons à deux reprises sur de beaux varans mais rien de plus. Quoi que le second est en position assez acrobatique, enfoncé qu’il est dans un trou juste retenu par une de ses pattes arrières, restée à l’extérieur. Bien évidemment, il y avait les oiseaux qui nous approchent tels le guêpier de Böhm, adorable avec sa face orange, son œil noir et son corps vert, ou le petit cordon bleu !

 

L’après-midi sera beaucoup plus calme mais tout autant réussi. Nous commençons par retrouver nos éléphants du matin dans le sous-bois. Puis nous continuons plus loin sans voir beaucoup de choses nouvelles : toujours des impalas et des cobes à croissant, et surtout énormément de phacochères de toutes tailles, amusant avec leur queue dressée telle une antenne. Après plusieurs circonvolutions, nous retournons à la « prairie à éléphants » espérant les y retrouver pour le coucher de soleil. Malheureusement, ils partent dans le chemin inverse. Nous profitons donc du paysage offert par ce cadre idyllique, quand soudain Fred aperçoit deux éléphants au loin. Ni une, ni deux, nous embarquons direction cette autre prairie. Nous arrivons juste à temps pour immortaliser un de ces deux éléphants dans le soleil couchant. Désormais, nous pouvons rentrer satisfaits au camp.

 

La soirée se terminera autour d’un délicieux verre d’Amarula offert par Pierre au bar du lodge. Et en gage de sécurité ultime, nous sommes raccompagnés du bar jusqu’à nos tentes, par deux employés « éclairés », au cas où on croiserait un hippopotame dans la nuit noire.

 

 

Pistes de Zambie et du Malawi (6)Pistes de Zambie et du Malawi (6)Pistes de Zambie et du Malawi (6)
Pistes de Zambie et du Malawi (6)Pistes de Zambie et du Malawi (6)Pistes de Zambie et du Malawi (6)
Pistes de Zambie et du Malawi (6)Pistes de Zambie et du Malawi (6)Pistes de Zambie et du Malawi (6)
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article