Pachacutec, panorama andin (6)

Publié le par Jérôme Voyageur

A Juliaca, nous sommes un peu surpris de traverser la ville sans récupérer un nouveau guide assistant comme c’était prévu. Après la ville, nous commençons à apercevoir au loin quelques miettes d’un autre lac autrement plus connu et important. Désormais, nous avons bifurqué vers le sud-est pour nous enfoncer dans la péninsule de Capachica alors que le soleil commence à disparaître derrière l’horizon. La dernière demi-heure se fait sur une piste particulièrement défoncée. Nous sommes bien secoués dans le minibus. Nous finissons par déboucher à la nuit sur la petite place du village de Llachon. Heidé nous répartit dans les familles sans que nous sachions trop où elles résident. C’est ainsi que nous choisissons avec Sylvie et Lili de suivre Hyppolito. Nous découvrons quelques minutes plus tard qu’il n’habite pas dans le village mais à l’extérieur. Il faut charger nos sacs sur l’âne ce qui n’est pas si simple que ça. Il faut bien trois personnes pour arriver à maitriser la bête, tenir les bagages et tirer sur les cordes. Une fois le chargement effectué et arrimé, nous partons dans la nuit suivant notre hôte et le halo de sa lampe torche. Nous marchons un petit moment avec une dernière petite montée avant d’atteindre notre gîte pour les deux nuits à venir. Impossible de refaire le chemin seul, la nuit ne permet pas de prendre le moindre repère surtout qu’il n’y a aucun éclairage dans le village. Nous sommes accueillis avec un grand sourire par la femme d’Hyppolito. Tous deux sont vêtus de tenues traditionnelles de tous les jours, lui avec son bonnet et son chapeau par-dessus, elle avec son ample robe et ses nattes. Nous découvrons des chambres simples mais vastes. J’ai même le choix de mon lit. En fait de lit, il s’agit d’une base en béton, recouverte d’une couche de totoras (les roseaux du lac) en guise de sommier et enfin un bon matelas recouvert de suffisamment de couvertures. Sur la table nous attendent des feuilles de coca, de l’eau chaude et une tasse, histoire de nous préparer un maté. Nous sommes tout de même à plus de 3800 mètres d’altitude. Les toilettes sont sur le palier entre les deux chambres mais sans chasse. Il faut aller chercher un seau d’eau dans la cour. Nous avons une petite heure devant nous pour nous poser avant de ressortir. Les repas sont prévus en commun dans la maison du « chef ». Petit détail, elle est à l’autre bout du village.

Cela ne pose pas trop de problèmes pour y aller, il suffit de bien se couvrir pour se protéger du froid et de descendre. L’appétit n’est pas totalement revenu et j’ai un peu de mal à avaler tout mon repas ce soir. Tout le monde semble avoir hâte de finir la journée et d’aller se coucher. Malheureusement pour ça, il faut désormais affronter une montée pour repartir de la salle commune et rejoindre la piste principale. Dans la nuit et le froid, c’est une nouvelle épreuve pour moi. Quel pays hostile tout de même ! Ce serait si simple si c’était plat ! Malgré tout, en serrant les dents, j’arrive à suivre le mouvement jusqu’à me glisser sous les couvertures.

 

Samedi 23 Mai 2015, Llachon

Réveil plutôt tardif et tranquille ce matin puisque nous émergeons à 7h15. J’ai parfaitement dormi au contraire des filles qui ont souffert du froid dans la chambre voisine. Notre hôte nous a préparé une bassine d’eau chaude pour que nous puissions faire quelques ablutions sans nous geler. Nous passons ensuite dans un des bâtiments qui borde la cour pour prendre notre petit-déjeuner. Allez comprendre pourquoi, le café passe mieux que les pommes de terre et les œufs qui arrivent en fin de petit-déjeuner. C’est tout le contraire de notre hôte qui lui s’en régale pour ce qu’on peut voir. La communication n’est pas évidente entre nous mais nous arrivons à nous comprendre sur l’essentiel. Par contre nous quittons la maison à l’heure où nous avions rendez-vous au village. De jour, nous devinons enfin où nous sommes installés, un grand champ nous sépare du centre du village. De son propre chef, Hyppolito prend l’initiative de changer le rendez-vous. Nous laissons passer le chemin qui aurait dû nous mener à la salle commune pour continuer sur la piste principale. En fait, il nous mène directement à l’embarcadère : un long escalier abrupt y descend. Arrivés sur le quai, nous avons comme un doute en l’absence du groupe. Comment être sûrs qu’ils savent que nous sommes là ? Finalement, après plusieurs minutes d’attente, nous les apercevons qui arrivent le long de la berge. Tout va rentrer dans l’ordre. Nous constatons que la guide assistante, une jeune femme prénommée Mariella, est en fait à bord du bateau qui nous attend à quai. Il semble bien confortable pour nous promener sur le lac Titicaca.

Nous partons pour trois quarts d’heure en direction des îles Uros Titinos. Ce sont les fameuses îles flottantes du lac, mais pas les plus connues et trop fréquentées au large de Puno. Celles-ci sont plus éloignées et au tourisme plus limité. D’ailleurs les autochtones vivent réellement sur ces îlots. Nous en apercevons plusieurs aux alentours : l’île où nous nous rendons est déjà visitée par un autre bateau. Nous accostons bord à bord avant de débarquer. Les premiers pas me surprennent. J’ai beau savoir que l’endroit est sûr, que des gens vivent là toute l’année, j’ai pourtant la furieuse impression de marcher sur un matelas d’eau qui s’enfonce sous chacun de mes pas. La sensation est tout sauf agréable. Comme si le sol allait s’ouvrir et m’engloutir. En fait j’ai la même sensation que dans le marais du Bangwelu en Zambie. Du coup, les premiers pas sont plus que prudents. Nous nous regroupons dans un coin de l’île où le chef va nous expliquer comment se passe la vie sur place et les techniques qu’utilisent les habitants des lieux pour bâtir leurs îles. Notre guide nous fait remarquer que les gens des Uros sont morphologiquement différents des terriens, plus solides. Assis sur ces boudins de totoras, je suis de suite plus à l’aise. Nous apprenons comment sont construites puis aménagées ces îles flottantes, le tout grâce à des modèles réduits. Nous poursuivons ensuite par une petite visite des lieux. Nous nous répartissons deux par deux pour ne pas être envahissants. Avec Lugdivine, nous suivons une jeune femme qui nous montre sa hutte. Ils sont quatre à vivre dans ce petit abri. Elle nous explique qu’il fait froid la nuit malgré les nombreuses couvertures. La vie doit être rude sur ces îles. Ceci explique peut être pourquoi les gens semblent si robustes. Huit familles regroupant trente sept personnes vivent sur l’île que nous visitons. Une petite fille promène Lugdivine un peu partout. Nous nous retrouvons ensuite à l’arrière de l’île pour un petit tour sur les embarcations traditionnelles faites en totora. Cela a l’air de bien flotter alors allons-y. Nous nous installons, ou plutôt nous nous vautrons tant bien que mal à bord en essayant de ne pas déstabiliser l’embarcation et nous partons pour une grosse dizaine de minutes de ballade dans le silence au milieu des eaux du Titicaca. Retour non pas sur la terre ferme mais sur le sol de l’île désormais moins inquiétant. Nous avons dû nous y habituer. Tous les habitants se sont regroupés au centre de l’îlot pour proposer toutes leurs fabrications artisanales. Finalement nous remontons à bord de notre bateau.

 

La prochaine étape est la grande île du coin, Taquile où vit une société matriarcale. Les autochtones vivent principalement du tourisme et de leurs productions de lainage et tissage. Beaucoup des femmes arborent la tenue traditionnelle avec le grand châle noir. Cette  fois nous sommes sur la terre ferme. Par contre cette île est tout simplement une petite montagne. Je vais encore affronter une épreuve, surtout que le soleil chauffe un peu. Heureusement que les paysages sont magnifiques pour me motiver à avancer. Il faut une bonne heure et demie pour atteindre le village principal installé au sommet de l’île. Je fais beaucoup de pauses pour souffler ou pour immortaliser le panorama. De temps en temps, nous passons sous des sortes de portes de pierres surmontées d’une fine arche. Encore une fois, Jean-Michel est très sympa et revient en arrière pour m’encourager tandis qu’Heidé reste à mes côtés tout le long de l’ascension. Je débouche enfin sur la place longtemps après la troupe. La coopérative qui récupère toute la production artisanale est implantée juste en face de moi. Quant à l’église, elle me surprend. Seul le clocher semble ancien, a priori les conséquences d’un tremblement de terre qui aurait fait écrouler la nef. Après quelques minutes de repos bien méritées, il faut encore bouger pour rejoindre le restaurant où nous avalons un repas traditionnel à base de quinoa pour la soupe et de truite du lac comme plat de résistance. L’après-midi est déjà bien avancé. Et pour corser le tout, il faut grimper jusqu’à la terrasse. Cette île est décidément une montée permanente ! Mais nous allons enfin nous poser un moment. Pour nous faire patienter, le patron des lieux vient nous montrer comment préparer un savon naturel simplement en broyant une plante. Et la démonstration sur une poignée de laine de mouton est impressionnante.

Le repas avalé, nous ne trainons pas longtemps sur place. Nous devons redescendre de l’autre côté de l’île où nous attends notre bateau. Enfin, pour changer il faut commencer par monter une bonne dizaine de minutes avant de vraiment redescendre. Il se dit qu’il y aurait environ cinq cents marches à descendre. Par contre, elles sont vraiment irrégulières ce qui rend la descente plutôt pénible mais au moins on voit toujours le bateau ce qui motive. Désormais, il nous faut une bonne heure de navigation pour retourner à Llachon. Les sièges sont rapidement inclinés pour profiter d’une bonne sieste. De retour à l’embarcadère vers 15h30, deux choix s’offrent à moi, soit remonter par l’abrupt escalier soit opter dans un premier temps par la plage. La réflexion est vite faite, je vais essayer de m’économiser. Et il le faut car, une fois la portion de plage traversée, il reste dans un premier temps à grimper jusqu’à la salle commune. Nous y retrouvons Hyppolito venu nous attendre au cas où nous ne saurions pas rentrer chez lui, puis dans un second temps il faut rejoindre la piste ; c’est là que nous récupérons Sylvie et Lili qui avaient opté pour l’escalier. Nous rentrons tranquillement jusqu’à nos chambres sous le soleil.

Nous commençons par nous poser et prendre une infusion de feuilles de coca. C’est devenu une habitude depuis que nous sommes en altitude. Comme nous avions demandé ce matin à notre hôte si nous pouvions faire des photos avec lui et sa femme, je ne suis pas spécialement surpris lorsqu’il m’appelle bien avant l’heure de redescendre. Quelle surprise quand je rentre dans la pièce du petit déjeuner et qu’il me fait comprendre que je dois enfiler des vêtements traditionnels. Pas le choix, tout le monde sera comme ça ce soir. D’abord un poncho coloré, puis une écharpe, et enfin un chapeau. Je résiste juste au bonnet péruvien. Je dois reconnaitre qu’avec cette tenue, il ne fait pas froid, même sans manteau. Une fois équipé, je vais toquer à la porte des filles pour les faire venir : je commence par récolter un cri. A leur tour : jupe bouffante, petit haut, châle sur la tête et chapeau local. Nous voici bien déguisés. Tout le monde rigole bien. Désormais nous pouvons faire des photos de tous. Sylvie fait l’erreur de vouloir danser avec madame ; elle n’avait pas prévu que celle-ci était pleine d’énergie.

A l’issue des préparatifs, il est presque l’heure de redescendre dans la nuit et le froid, mais cette fois accompagnés de nos deux hôtes. Nous constatons rapidement que leurs vêtements sont efficaces. Arrivés à la salle commune, nous en surprenons certains qui sont encore en civil. Mais petit à petit tout le monde se retrouve en tenue. Heidé se lance dans la préparation de notre Pisco Sour. Pendant ce temps, certains essaient de faire faire des vidéos du groupe au chef du village. C’est tout sauf simple. La première fois il balaye bien la salle mais a simplement oublié d’appuyer sur le bouton pour déclencher l’enregistrement. Du coup, au fil des tentatives, des verres de pisco fleurissent dans nos mains. C’est à ce moment là qu’on nous invite à sortir et nous regrouper à l’arrière du bâtiment où un feu de bois a été allumé. Trois de nos hôtes ont amené leurs instruments de musique. Nous sommes vite embarqués dans une ronde infernale autour du brasier. Ils ont bien plus d’énergie que nous. Mais difficile de s’extraire du cercle pour souffler un peu. Par miracle, j’arrive à passer mon tour pour la seconde vague de danses, cette fois en couple. Ceux qui se sont fait piégés finissent presque lessivés ! Il n’y a pas de doute, nous ne sommes pas adaptés à la vie en altitude. Après cette introduction festive, nous revenons à l’intérieur pour nous restaurer. Le retour « chez nous » est presque plus facile ce soir ; c’est juste une impression, je pense. Nous retrouvons nos lits pour une bonne nuit de sommeil, la dernière chez nos charmants hôtes.

 

Dimanche 24 Mai, Llachon

 

Réveil un peu trop matinal à mon goût. Hyppolito vient même me réveiller à 5h10, avant que le réveil n’est eu le temps de faire son office. Sac bouclé et prêt à être chargé, débarbouillage rapide dans la bassine d’eau chaude et je m’installe pour le petit-déjeuner encore une fois trop copieux : ce n’est pas un mais trois pancakes géants par personne qui arrivent après les tartines. J’aide ensuite Hyppolito et sa femme à charger l’âne. Il faut bien être trois pour y parvenir, surtout que l’animal n’est pas forcément satisfait de son sort. Nous pouvons nous mettre en marche jusqu’à la place du village où nous arrivons en avance sur l’heure. Quelques minutes plus tard, notre minibus arrive. Petit changement par rapport aux précédents, celui-ci est plus grand mais il faut charger les bagages sur le toit.

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