Le mémorial du Général

Publié le par Jérôme Voyageur

Suresnes, 18 Septembre 2022

Depuis le sommet de l'enceinte sud de la forteresse du Mont-Valérien, on ne distingue rien du mémorial juste sous nos pieds. Seules l'esplanade du mémorial de la France combattante et la place de l'abbé Frantz Stock sont visibles, l'exploitation de la seconde en aire de stationnement contrastant avec le vide de la première (même les piétons semblent rester sur les côtés). Parvenus à l'extrémité de cette portion de l'enceinte, nous effectuons un quasi demi-tour pour rejoindre la crypte via un escalier qui s'enfonce dans la muraille. Le silence se fait assez naturellement même si certains ne peuvent s'empêcher de parler encore un peu trop fort.

Nous débouchons donc dans cette fameuse crypte en forme de demi-cercle qui se révèle finalement plus petite que ce que j'imaginais.  Derrière la colonnade ont été déposés dix-sept cénotaphes tous recouverts du drapeau tricolore. Les cercueils des 16 morts pour la France et du dernier compagnon de la libération sont déposés sous la pierre. De lourdes chaines relient les massifs piliers. Sur la partie supérieure, je retrouve la même inscription que celle que nous avons peiné à déchiffrer sur la crypte initiale, à savoir "Nous sommes ici pour témoigner devant l'histoire que de 1939 à 1945 ses fils ont lutté pour que la France vive libre". Dans notre dos, au centre du demi-cercle est installée une flamme métallique qui sert d'urne contenant des cendres recueillies dans quelques-uns des camps de concentration du régime nazi. Dans ce lieu de mémoire consacré à la France Combattante, c'est toute la variété des combats qui a été illustré, avec des soldats morts sur les différents champs de bataille, y compris les territoires des anciennes colonies, des militaires comme des résistants et des FFI, des hommes comme des femmes (seulement deux néanmoins). Au centre de ces seize tombeaux a été déposé il y a environ un an le dernier occupant de la crypte. Comme l'avait souhaité le général de Gaulle, le dernier des compagnons de la Libération serait honoré en reposant pour l'éternité au coeur du mémorial, au milieu de la crypte, symboliquement dans un axe reliant la flamme éternelle sur l'esplanade, la croix de Lorraine et l'urne.

Ce dernier "arrivant" se nomme Hubert Germain. Il a rejoint en novembre 2021 Diasso Kal Boutie, Edmond Grethen, Raymond Anne, Maboulkede, Berty Albrecht, Maurice Debout, Pierre Ulmer, Georges Brière, Alfred Touny, Jean Charrier, Mohamed Amar Hedhili Ben Salem Ben Hadj, Henri Arnaud, Maurice Duport, Antonin Mourgues et Renée Levy.

La crypte de la France combattanteLa crypte de la France combattanteLa crypte de la France combattante

La crypte de la France combattante

Après cette immersion dans la crypte, nous remontons à l'air libre par le même escalier et la même allée, jusqu'à retrouver ce qui faisait office de chemin de ronde. Là, nous retrouvons un second médiateur, non loin d'un pas cavalier par lequel ressortaient les camions bâchés allemands. Il commence à nous expliquer ce qui se passait au Mont-Valérien pendant la seconde guerre mondiale. Et cela n'est pas inutile. La forteresse, grâce à situation à l'écart de la ville et ses hauts murs, permettait d'exécuter les sentences de mort prononcées par la justice de l'occupant, ainsi que des otages raflés après les attentats commis par la résistance. Les condamnés étaient donc extraits de leurs prisons, en particulier de celle de Fresnes, conduits par camions bâchés jusqu'au Mont-Valérien où ils étaient fusillés par l'armée régulière, c'est-à-dire la Wehrmacht puis les dépouilles étaient chargées dans les mêmes camions avant d'être inhumés discrètement dans un certain nombre de cimetières de la région parisienne. Ainsi, le Mont-Valérien n'était ni une prison ni un camp, "simplement" un lieu d'exécution. Nous découvrons aussi un point commun de tous les fusillés de ce lieu: seulement des hommes. La raison est assez simple: on ne fusillait que les combattants, sous-entendu seulement les hommes. Les femmes quant à elles étaient envoyées en Allemagne où elles étaient alors condamnées à la décapitation ...

Après ces glaçantes mais nécessaires explications, nous poursuivons notre parcours, toujours sur le haut de l'enceinte extérieure, avant de lentement nous élever pour rejoindre le niveau intermédiaire du bastion le plus éloigné de l'entrée de la forteresse. Là, nous retrouvons un nouveau médiateur sur le belvédère qui surplombe la fameuse clairière des fusillés. L'accès à celle-ci reste interdit, hors cérémonie, a priori par respect pour ce qui s'y est passé. Le mât blanc supportant notre drapeau national semble jaillir de la végétation qui enserre cet espace libre dont on peinerait à comprendre l'histoire sans quelques mots. En effet, il n'y reste plus le moindre témoin de cette histoire sombre, si ce n'est une plaque commémorative truffée de contre-vérités, parce que dictée par des considérations politiques d'après-guerre. Elle a été conservé pour rappeler que même venant d'une autorité, une information doit être vérifiée. Nous apprenons que plus d'un millier de résistants et otages ont été exécutés en contrebas, parmi lesquels quelques noms connus dont ceux de Gabriel Péri, D'Estienne d'Orves ou encore le réseau Manoukian. Cinq poteaux d'exécution étaient fichés dans le sol à la lisière droite du bois tandis qu'un peloton d'une quarantaine de soldats leur faisait face.

Par un petit miracle, trois clichés et pas un seul de plus, sont parvenus à nous et retrouvés il n'y a que quelques années à peine. Après authentification, des tirages ont été installés sur le parcours du souvenir, quelques dizaines de mères après le belvédère, à l'endroit précis où les photos ont probablement été prises. Le visiteur peut ainsi visualiser à quoi pouvait ressembler les lieux pendant les exécutions. Le chemin nous fait ensuite longer une seconde ligne de fortifications jusqu'à rejoindre la chapelle.

La clairière des fusillésLa clairière des fusillésLa clairière des fusillés
La clairière des fusillésLa clairière des fusillésLa clairière des fusillés
La clairière des fusillésLa clairière des fusillésLa clairière des fusillés

La clairière des fusillés

C'est dans ce lieu sacré assez sommaire et austère que les condamnés passaient leur derniers instants (heures parfois) après avoir été débarqués des camions. Les exécutions étant réalisées par groupe de cinq, les jours où plus de condamnés étaient conduits au Mont-Valérien, ils étaient temporairement gardés dans cet édifice, entendant parfaitement le claquement des balles avant de descendre à leur tour vers la clairière en contrebas. Ceci explique la présence de quelques graffitis qui ont été préservés sur les murs pour témoigner des derniers moments de ces gens. Désormais, l'ancienne chapelle abrite  les poteaux d'exécution qui ont été retrouvés malgré les tentatives de dissimulation des occupants au moment de quitter les lieux. De l'autre côté de la pièce, ce sont trois cercueils de transport qui ont été déposés pour rappeler comment les corps étaient évacués vers les cimetières.

Sur le petit parvis, il est impossible de manquer la cloche qui fait office de monument au fusillés  Sur tout son pourtour et sa hauteur, elle porte le nom de tous les fusillés classés par date d'exécution et par ordre alphabétique. La quantité de noms en est vertigineuse.

Au sortir de ce parcours, nous retrouvons la zone militaire. Notre lieutenant reprend les rênes de la visite.

La chapelle et la cloche du souvenirLa chapelle et la cloche du souvenirLa chapelle et la cloche du souvenir
La chapelle et la cloche du souvenirLa chapelle et la cloche du souvenirLa chapelle et la cloche du souvenir
La chapelle et la cloche du souvenirLa chapelle et la cloche du souvenirLa chapelle et la cloche du souvenir

La chapelle et la cloche du souvenir

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La chapelle et la cloche du souvenirLa chapelle et la cloche du souvenirLa chapelle et la cloche du souvenir

La chapelle et la cloche du souvenir

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J
Émouvant pour ce qu’il représente et incontournable pour la mémoire. En ces temps troublés il serait bon d’emmener la jeunesse pour que les mêmes erreurs ne soient plus commises
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