Expédition au nord Mozambique (4)

Publié le par Jérôme Voyageur

Vendredi 27 octobre 2006, Pangane

 

 

Dernier réveil au bord de l’océan indien. Nous quittons aujourd’hui ce « petit coin de paradis » pour entamer notre trajet de retour vers le Malawi. Celui-ci se fera en plusieurs étapes. Pour l’heure, nous reprenons la piste sablonneuse qui nous ramène à Mucojo. Nous faisons une halte au bord de l’étang peu avant le village. Nous y apercevons quelques jacanas pratiquant leur activité favorite : marcher sur l’eau. a la lisière des joncs, un héron à dos noir semble être à l’affût, il ne bouge pas d’un pouce. Un peu plus sur la droite, c’est un ibis sacré qui pêche tandis qu’un petit cormoran reste dubitatif au bord de l’eau. Enfin, nous parvenons à Mucojo ; un bon groupe de femmes accompagnées de très jeunes enfants attendent devant le dispensaire.

 

C’est de là que nous reprenons la piste de latérite. Toujours pas d’éléphants, même plus de trace. En revanche, nous apercevons quelques vervets qui détalent lorsque nous stoppons le véhicule. Mais, nous verrons surtout des oiseaux. Cela commence avec un touraco à huppe splendide : en vol, il est immanquable avec ses ailes rouges. Malheureusement, il se cache immédiatement dans le feuillage dense. Ca n’aura été qu’un aperçu. De même que pour le merle à dos pourpre (ou spréo améthyste si on suit la taxinomie française) qui nous coupe la route. Son dos pourpre au-dessus de son corps blanc en font un bien bel oiseau. Quant aux petits guêpiers, ils sont bien trop mobiles pour qu’on puisse faire mieux que les apercevoir. Ainsi sans y faire attention, nous atteignons Macomia qui signifie la fin de la piste et le retour sur le bitume. Nous reprenons ainsi le chemin parcouru quelques jours plutôt. Arrivés à Sunate, nous prenons vers l’ouest jusqu’à Metore où enfin nous empruntons une nouvelle route, celle de Montepuez. En route, nous apercevons deux babouins profitant de l’absence des villageois pour dérober quelque chose à leur goût. Reconnaissons que sur une bonne partie du trajet, on n'entend pas une mouche voler dans le 4*4. Hormis Fred, tout le monde somnole, comme bercés !

 

Ce n’est qu’à la pause pique-nique que tout le monde émerge. Un vieux manguier nous offre son ombre protectrice. En attendant que le repas se prépare, nous entamons avec Nadine et Nelly un semblant de pétanque à l’aide de petites mangues, le tout sous l’œil mi-amusé, mi-intrigué des villageois voisins. Pour eux, notre pique-nique est une véritable attraction. Ils n’en louperont pas une seconde. Montepuez, dernière ville digne de ce nom avant la piste, sert à faire le plein des véhicules. Dès la sortie de la ville, fin du bitume et de la bonne route.

 

Nous sommes désormais sur une piste bien rouge. Les villages semblent d’ailleurs préférer les habitations en dur à celles en torchis. Mais comme partout ailleurs, les toits de chaume sont en réfection. La végétation change un peu : les anacardiers ont disparu. Quelques bananeraies au début, mais surtout de nouvelles essences. Rapidement, en bordure du ruban rouge, nous voyons apparaître des champs de coton. Nous finissons même par croiser des camions chargés au maximum de ballots de la blanche fibre. Les montagnes rocheuses ont aussi refait leur apparition mais elles paraissent plus douces. Peut être s’intègrent-elles mieux dans le paysage ? La piste nous réserve aussi quelques surprises. A deux reprises, nous sommes amenés à passer à côté du petit pont, celui-ci étant dans un sale état. A Balama, c’est un agent de police qui nous arrête : nous roulions à droite suite à un petit chantier alors que la conduite est à gauche dans ce pays. Plaidant l’origine française et le caractère touriste, et présentant nos plus plates excuses, il finit par nous laisser partir sans la moindre amende, nous souhaitant même un bon voyage. Plus tard, c’est la piste elle-même qui nous joue des tours. La piste principale dévie de la direction ouest que nous devons suivre. Plusieurs fois, nous sommes obligés de nous faire confirmer la direction de Marrupa par des locaux.

 

Enfin, au deuxième essai, nous finissons par trouver un bivouac sur un ancien brûlis assez « propre ». A peine installés, nous avons une vingtaine de spectateurs sortis de nulle part. notre installation de tentes et nos comportements semblent les amuser au plus au point. Ce n’est qu’à la nuit tombante qu’ils daigneront repartir ; ils auront néanmoins tout le temps garder le distance, un homme semblant jouer le rôle de chef. Nous sommes très surpris de sa surprise lorsqu’il découvre les allumettes que lui offre Fred pour allumer sa cigarette. C’est visiblement les premières qu’il voit. On peut imaginer ce que ressentirait un animal au zoo, la cage en moins. Enfin seuls, nous pouvons passer aux choses sérieuses : après la soupe vient la dégustation de la spécialité African Escapades : la potée. A reprendre trois fois : chaque fois avec un goût différent de l’assiette précédente !

 

 

Samedi 28 octobre, quelques kilomètres à l’ouest de Balama

 

 

Cette nuit fut apparemment profitable pour tout le monde : le sommeil était au rendez-vous pour chacun. Comme c’était prévisible, les villageois voisins ne tardent pas à revenir dès que nous plions nos tentes et prenons notre petit-déjeuner. Nous sommes décidément le centre d’animation du coin. Il y a fort à parier qu’ils n’ont jamais vu de blancs installer leur « village ambulant » dans leur champ. Cela risque de rester longtemps dans leur mémoire.

 

Nous reprenons donc notre progression vers l’ouest. Le rythme est particulièrement lent. Il faut dire que c’est la vraie piste africaine sinueuse à souhait, et ravinée la plupart du temps. Authentique au possible ! Souvent de nouveaux bouts de piste ont été ouverts pour contourner les obstacles. Je me demande s’il n’y a pas plus de contournements que de piste « normale » ! Du coup, nous plafonnons à une moyenne de 15-20 km/h (et ce, durant toute la matinée !!). Dans les quelques villages que nous traversons, c’est à chaque fois la grande animation : tout le monde sort au bord de la piste ; c’est particulièrement vivant.

 

Il y a même un endroit où, apercevant des femmes piler, nous décidons de nous arrêter pour les regarder faire. Manque de chance, tout le monde détale dès que nous posons le pied par terre. Finalement, au bout de quelques minutes, le mouvement s’inverse, en plus des explications de Fred disant que nous aimerions les regarder faire. C’est en les voyant  de près que nous nous rendons compte de l’effort qu’elles doivent fournir pour lever ces pilons qui paraissent bien lourds. Les muscles des bras saillent à chaque mouvement. Sur le plus gros mortier, elles se mettent même à deux pour réduire le manioc en une fine farine. C’est finalement la plus grande partie du village qui finit par se regrouper là. Il est assez sidérant de constater que le bébé continue à dormir dans le dos de sa mère malgré le bruit et le mouvement.

 

C’est ensuite l’épisode des ponts, ou plutôt de ce qui fait office de pont. Divers passages de ruisseaux ou de rivières sont réalisés à base de troncs et de branches jetés sur le vide en travers du cours d’eau. Autant le premier semble solide et il n’y a qu’à guider les véhicules pour passer au mieux, autant le second est inquiétant. Toute la partie droite semble pourrie et branlante. Par ailleurs, des trous un peu trop béants le percent. Avec Inno, nous descendons donc sous le pont pour récupérer des matériaux afin de colmater les brèches. Nous tendons les bouts de bois au reste de l’équipe resté sur le pont. Ainsi, après quelques minutes de bricolage et une nouvelle séance de guidage, nous franchissons le second obstacle. Le troisième paraissant plus résistant sera passé sans même s’arrêter. Ajoutons à ces trois passages ce long pont dont les bandes de roulement sont constituées de planches qui se soulèvent au moindre passage. Vu d’en dessous, c’est encore plus impressionnant, surtout lorsque nous constatons que les piles sont simplement constituées d’un entrecroisement de rondins. Et ne parlons pas au passage du second véhicule : en tant que spectateur, c’est encore plus impressionnant ! Plus loin, nous constaterons aussi l’état de l’ancienne piste : par endroits, c’est devenu un lit de rivière formant un mini-canyon de 1m50 de profondeur en lieu et place de l’ancienne piste. Nous n’osons à peine imaginer l’état  de la piste en période des pluies.

 

Malgré tout, nous essayons de nous intéresser à ce qui nous entoure : un touraco à huppe splendide vole de nouveau devant nous sans qu’on puisse le mettre dans l’objectif ; quelques babouins détalent, sauf les gros mâles. La végétation aussi a changé : toute la matinée ou presque, la piste se déroule dans forêts aux teintes multiples allant du vert des combretums au rouge des miombos. C’est vraiment la piste africaine authentique. Inno inaugure aussi la première et unique crevaison de l’expédition après onze jours de voyage : pas mal ! C’est d’ailleurs à ce moment-là que nous croiserons le seul véhicule à moteur sur cette piste. Bien évidemment, je ne compte pas les vélos (quoi que moins nombreux dans ce coin) qui sont le seul véhicule indispensable pour toutes les charges que ce soit du bois, des sacs de charbon, des fagots de chaumes, de longues perches de bois, des volailles ou tout simplement la famille.

 

Enfin, après cinq heures de piste et seulement une centaine de kilomètres parcourus, nous atteignons Marrupa. Hormis le fait qu’on y trouve un petit marché permettant de trouver quelques rares denrées périssables, cette ville est surtout l’extrémité est de la route bitumée. Ce petit marché est tout de même pittoresque. Autour d’étals faits de bric et de broc se sont installées des petites boutiques en dur : on y trouve de tout, souvent sous une bonne couche de poussière, et en particulier de la lessive en sachet, un peu comme nos échantillons. Au cœur du marché sont mis en vente les produits agricoles : l’œil est inévitablement attiré par les petits tas de petites tomates, toujours par cinq, c’est la portion de référence. Dans un coin, une masse sanguinolente dans une bassine fait peu envie. Dans le hall en dur, ce sont les odeurs de poisson séché qui dominent, mais le passage est obligé pour acheter des petits pains. Jusque là, nous avons longé de nombreux chantiers  dont le but est de réaliser une piste digne de ce nom pour désenclaver la région du Niassa au nord-ouest du pays. A partir de là, le parcours sera plus rapide mais en contre partie plus monotone. Les dormeurs s’en donnent à cœur joie !

 

Cette monotonie est tout de même rompue avec la réapparition bien nette de ces massifs rocheux, genre pains de sucre, dans le paysage. Depuis le matin, nous avons peu à peu pris de l’altitude mais ce n’est qu’à partir de Litunde que nous changeons drastiquement de paysage. La route s’élève dans de superbes forêts de plus en plus denses, aux couleurs très variées : l’éventail de teintes est superbe. Le bord de la route est d’un vert digne de l’Europe. Le climat se rafraîchit un tantinet. L’habitat aussi change : les cases sont ici toutes en dur, souvent décorées de frises, et systématiquement surélevées comme sur une terrasse (probablement pour éviter les effets de pluies trop importantes). Nous avons vraiment l’impression de changer de pays. De 500-600 mètres, nous sommes passés à presque 1400 mètres d’altitude. En approchant de Lichinga, capitale de cette province du Niassa, nous découvrons même des conifères sur le plateau. Arrivés dans cette ville, nous nous dirigeons de suite vers une ferme camping en espérant qu’elle est toujours ouverte. Pour l’atteindre, il faut emprunter un chemin de terre sous les conifères en pleine ville. A l’arrivée, nous découvrons une ferme, qu’on pourrait imaginer dans les alpages en France ! Enfin, une bonne douche qui fait le plus grand bien. La nuit en revanche devrait être plus fraîche et va m’obliger à sortir pour la première (et peut-être la dernière) fois mon sac de couchage. Celle-ci aura des touches montagnardes, presque alpestres !!

 

 

Dimanche 29 octobre, Lichinga

 

 

Dernier réveil au Mozambique dans les alpages de la Quinta Pesseiguerro. Pour la première fois, le sac de couchage était appréciable autrement qu’en coussin. Le réveil est frais sans être froid : idéal en somme ! Pendant que le camp finit de se plier, un couple de touracos à huppe splendide nous offre un beau spectacle, à commencer par leur véritable couleur révélée par les premiers rayons de soleil : leur vol est magnifique avec ce plumage vert et le dessous des ailes rouges. Ils font des aller-retour entre les eucalyptus voisins et leur arbre où doit probablement se trouver un nid en construction, à en voir les brindilles qu’ils rapportent. Voici assurément une belle image pour quitter le camp.

 

Notre première étape consiste à dénicher le bureau de poste ce qui n’a rien d’évident en suivant les indications des passants ; ce sera finalement la police qui nous guidera ! Malgré tout, en ce dimanche matin, la ville est plutôt déserte, et ce sont les églises qui se remplissent. Après quelques achats à la boulangerie bondée, nous reprenons la route-piste. En effet, la piste de terre alterne régulièrement avec des sections expérimentales bitumées (dixit les panneaux sur le bas-côté). C’est d’ailleurs au départ de cette piste, juste à la sortie de Lichinga, que nous sommes contrôlés pour la première et dernière fois au Mozambique : nous avons le droit à la fois à la police et à la douane. Nous croisons de nombreux vélos toujours aussi lourdement chargés qui convergent tous vers la capitale régionale. L’effort doit être encore plus rude avec le vent et le relief particulièrement vallonné. En revanche, nous constatons que pour la plupart, les gens ont sorti leurs habits … du dimanche. Au moment d’une pause, nous voyons même passer une femme portant carrément un lit sur sa tête, et pieds nus, tandis que son mari suit les mains dans les poches, chaussé et accompagné de leur fils !! Les ponts ont changé d’apparence dans ce paysage montagneux : ici, ce sont de ponts provisoires (qui vont durer !!) mais métalliques, apparemment d’origine européenne. Aucune crainte à avoir lorsque nous les franchissons. Les villages semblent complètement indifférents à notre passage : les enfants ne disent rien et continuent à vaquer à leur occupation. Cela nous change de ce que nous avions pu voir jusqu’à présent.

 

En quelques heures, nous rejoignons la ville frontière de Mandimba. Et là, nous tombons sur un agent de l’immigration retors, et surtout avide d’argent. Sur nos sept passeports, il  considère que celui de Fred est en fraude car il est resté plus de dix jours (là où nous en avions demandé quinze sur la fiche d’entrée, avec un visa de trente jours). Les négociations ne donnent rien, le ton monte et il ne reste plus qu’à payer l’amende exigée pour pouvoir récupérer le passeport et franchir la frontière. Les banques mobiles sont elles toujours là. Quant au contrôle de passage de la frontière par les locaux, il est particulièrement comique. De temps en temps, un agent sort du poste et hèle quelques vélos qui passent pour les contrôler ; mais pour un contrôlé, il doit en passer plus de dix ! Côté Malawi de la frontière, cela se passe bien plus tranquillement mais au final, nous aurons passé pas loin d’une heure à la franchir. Je crois que c’est la première fois que je passe autant de temps à franchir une frontière.

 

Le pique-nique est un peu animé. En effet, nous trouvons un endroit à l’ombre, non loin d’un village. Mais rapidement, des enfants s’approchent tout en restant à bonne distance. Jusqu’à ce que nous leur donnions les fruits et le restant de salade : là c’est l’effervescence, voir même l’émeute ! Ca court dans tous les sens, à la poursuite de celui qui a attrapé un morceau. Bien heureusement, tout le monde finit par se calmer et partager. Ils semblent visiblement ravis. Dommage que ce jeune homme pas bien malin frime de trop devant les autres, empêchant des contacts qui auraient pu être sympas avec les autres, enfants et jeunes femmes. Nous reprenons ensuite la route pour redescendre vers le lac. C’est d’abord la rivière Malombe que nous franchissons à hauteur de Mangochi. Les restes du vieux pont qui ressemble désormais à un tremplin sont toujours là. La tour érigée en l’honneur de la reine Victoria est d’un esthétisme rare ! Surtout quand on rajoute à la décoration l’armement récupéré sur un navire anglais ayant fait naufrage sur le lac il y a quelques décennies ! Nous finissons la journée quelques dizaines de kilomètres plus au nord, à Monkey Bay, dans le même lodge qu’à l’aller, le Nkhudzi Lodge.

 

Nous arrivons très tôt dans l’après-midi. Ainsi, une fois la tente montée sur l’épaisse pelouse, à l’ombre du centenaire flamboyant pas encore en fleur, je me précipite dans la grande piscine que constitue le lac. Cela fait un bien fou. Ca délasse, ça rafraîchit, et en plus, c’est de l’eau douce. Après cet intermède relaxant, je pars me promener le long de la plage en remontant la baie vers le nord. Les quelques lodges voisins ont tous une superbe végétation (il faut dire qu’il suffit de pomper de l’eau dans le lac pour assurer un arrosage idéal). Les flamboyants offrent leur plus belle couleur de feu. Quelques pêcheurs tirent leur filet vers le rivage en ramenant pas mal de petits poissons. Dans les joncs, c’est le repaire des oiseaux. J’immortalise ainsi un guêpier nain accroché sur la tige d’un jonc dans sa livrée jaune et verte ainsi qu’un tisserin jaune. Il faut être patient pour parvenir à les voir sans les effrayer. Du rocher voisin, j’observe les gamins s’amuser avec leur pirogue et leur barque. Le relief s’accentuant un petit peu, et n’étant pas chaussé en conséquence, je finis par rebrousser chemin et rentrer tranquillement au lodge. Pour profiter encore un peu du lac, nous mangeons ce soir un filet de poisson pêché dans les eaux claires du lac Malawi, toujours aussi bon ! Nous pouvons aller dormir tranquille dans cette douce nuit.

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