Pachacutec, panorama andin (8)

Publié le par Jérôme Voyageur

Lundi 25 Mai 2015, Cusco

 

Tout le monde est levé avant l’heure. Nous partons avec nos sacs allégés. Direction les hauteurs de la ville. La première halte est le site de Saqsaywaman. Ce temple du soleil se révèle à nous dans la brume qui se lève et prend de plus en plus d’éclat à mesure que les rayons du soleil percent les nuages. Ce premier vrai contact avec les constructions incas nous ébahit tous tant les pierres sont énormes mais parfaitement découpées et ajustées. L’inteerogation est générale : comment ont ils réussi un tel prodige ? Mystère et surtout plaisir des yeux ! La vue est encore meilleure depuis le tertre en face. Panorama complet sur le temple et ses majestueux murs. En fait, nous percevons mieux l’architecture qui présente trois murs différents, tous sur le même modèle mais répartis sur trois niveaux, un peu à la façon de terrasses. C’est aussi dans ce cadre qu’est célébré chaque année la fête du soleil lors de l’Inti Raymi, le 21 juin. Derrière ce tertre apparait une structure ovale de grande taille. Il s’agirait d’un ancien lac qui aurait servi de miroir pour les observations astronomiques. Partout autour de nous on peut distinguer des rochers taillés, formant en particulier des sortes de trône. Par endroits ce sont des murets de pierres moins bien ajustées, ou encore des genres de bassins.

Nous remontons dans le véhicule pour quelques minutes à peine. Nous redescendons à Qenq’o. A première vue, je ne distingue pas la moindre pierre taillée. En approchant, nous nous retrouvons au cœur d’un hémicycle. Il s’agissait d’un cadran solaire agricole géant. Il permettait d’identifier les périodes adéquates pour chaque étape des cultures. De cette petite esplanade, nous descendons quelques marches comme pour s’enfoncer sous terre. C’est un étroit labyrinthe qui nous fait sinuer jusqu’à une grotte aménagée avec un autel qui servait à des cérémonies religieuses au cours desquelles se pratiquaient des offrandes animales comme en témoigne les ossements retrouvés dans le semblant de fossé creusé derrière l’autel. En petite taille, ce site pourrait presque faire penser au Siq de Petra.

Nous zappons le site suivant de Puka Pukara, une sorte de tour de guet géante aux teintes rougeâtres qui contrôlait les accès de Cusco côté Antisuyo, perché au sommet de sa butte. Nous le dépassons de cinq cents mètres environ pour faire halte à Tambomachay, le quatrième et dernier grand site sur les hauteurs de la capitale impériale. Il faut marcher un peu pour rejoindre l’édifice. Ici encore la construction avait une vocation religieuse : elle était dédiée à la divinité de l’eau, élément essentiel à la vie pour les incas aussi. Deux fontaines successives viennent casser le débit. En arrière-plan a résisté une partie du mur où sont visibles  quatre loges a priori occupées par un garde de chacune des quatre régions de l’empire. Sur la droite, deux autres apparaissent d’un autre style. Ici aussi la terrasse aménagée en face et en surplomb donne encore plus de majesté au lieu. Et grâce aux premiers rayons du soleil, Puka Pukara nous apparait enfin dans toute sa splendeur.

Cette fois nous quittons vraiment la « capitale ». la route s’élève nettement. Nous ne faisons plus de halte toutes les cinq minutes. Et pour cause, nous nous dirigeons vers la vallée sacrée, ou vallée de l’Urubamba. Le petit ruisseau que nous avons longtemps suivi hier et qui s’appelait Viltanota, s’est transformé en une importante rivière rebaptisée Urubamba. Du haut d’un belvédère, nous commençons à prendre mesure de l’ampleur de cette vallée qui s’ouvre face à nous. Les champs en contrebas forment un patchwork coloré allant du jaune au rouge en passant par le vert. Après moult virages nous parvenons en fond de vallée à la ville de Pisaq que nous ne faisons que traverser avant de remonter de plus belle. Pendant plusieurs kilomètres s’étirent des tas de lieux à vocation « touristico-commerciale ». Aucun intérêt si ce n’est que toutes ces bâtisses construites en adobe (briques locales faites d’argile) arborent quasi toutes des façades en relief, la plupart du temps des animaux modelés en surimpression. Au hasard d’un énième virage apparaissent de belles terrasses sur la falaise opposée. Difficile de les immortaliser en roulant. Nous ignorions que bien mieux nous attendait. Encore quelques kilomètres sont nécessaires pour grimper jusqu’aux abords du site antique de Pisaq.

Le coup d’œil après les premiers bâtiments nous laisse ébahis par la beauté dégagée. Des dizaines de terrasses assez épaisses occupent tout le creux de la vallée et sur une bonne partie de sa longueur. Plus nous regardons le cadre, plus nous découvrons de nouveaux points d’intérêt : des pistes partout, des restes de constructions aux quatre coins du site. Nous commençons la visite par une zone d’ateliers avant de traverser une ruelle pour accéder à une zone plus mixte, d’habitations « sobres », seulement utiles au sommeil de la famille quand elle ne travaille pas toute la journée et bâtiments religieux dont les murs sont percés de niches pour déposer les offrandes. Nous poursuivons ensuite sur le haut des terrasses jusqu’à un certain « carrefour ». Ici nous apparaissent de nouvelles particularités. Une nécropole s’est développée dans la falaise. Les premières tombes que nous repérons sont celles qui ont été pillées laissant l’ouverture béante. C’est en y regardant de plus près que nous finissons par en distinguer beaucoup d’autres encore murées. Les chercheurs pensent que ce sont probablement les ouvriers enrôlés par l’Inca pour un des trois services d’état qui auraient été inhumés sur place. Dans notre dos se font entendre d’autres fontaines semblables à celles du début de matinée. Nous resterions plus longtemps pour profiter de l’immensité du site, mais il est plus raisonnable de se diriger vers la sortie pour de nouvelles découvertes. La sortie est épique : les conducteurs de deux bus se sont engagés dans ce sens unique et ne daignent plus bouger. Peu importe qu’une dizaine de véhicules veuille quitter les lieux et laisser place. Autant dire que notre chauffeur excédé fait tout pour débrouiller cette situation inextricable pour enfin remettre la puissance. Au moins jusqu’au cœur de Pisaq, ville moderne. Un dense marché artisanal est planté sur la place d’armes. Etrangement il manque des vendeurs, laissant les étals seuls, et ceux qui sont présents ne sont pas du tout collants comme souvent sur ce genre de marchés. C’est presque un plaisir de parcourir les allées sans prise de tête.

A midi pile ou presque nous repartons, nous qui pensions manger ici. En fait, il faut rouler un petit moment avant de s’arrêter devant ce qui ressemble à un petit jardin. Mais c’est bien un restaurant contrairement aux apparences. Nous pouvons y jouer à un jeu traditionnel, voir un élevage de cochon d’inde, apprendre comment se prépare la chicha et accessoirement y manger. C’est une carte très locale avec des choses un peu étonnantes telle cette purée de graines de lupin ou encore ce jus de maïs mauve, appelé chicha morada. C’est assez spécial comme boisson. Nous profitons aussi de cette pause pour découvrir des plantes que nous ne connaissions pas. Cet arbre à tomates nous a particulièrement intrigués.

Il est temps de poursuivre notre progression dans la vallée ou plus exactement sur les hauteurs. Direction les salines de Maras, toujours en activité depuis l’époque inca. Elles sont installées au creux d’une vallée encaissée là où surgit une source salée souterraine dont l’origine reste toujours inconnue. La vue plongeante est exceptionnelle en arrivant. Les nombreux bassins répartis sur toute la hauteur de la paroi forment une sorte de damier géant en 3D. Malgré le vent frais, nous descendons tous pour faire des photos pour ainsi dire aérienne avant de rejoindre l’entrée du site en contrebas. Depuis le guichet, il faut marcher un petit moment entre les nombreuses petites boutiques avant d’atteindre les premières salines. Grâce à Heidé, notre visite ne se limite pas à marcher au sommet de l’ensemble. Elle nous fait descendre au milieu des bassins en cheminant sur d’étroits murets de sel, où nous pouvons observer tous les détails de l’exploitation. Ici un homme prépare le fond d’une alvéole avec de l’argile, là une autre est en cours de remplissage, et plus loin un bassin est en phase de récolte du sel. Quel endroit photogénique ! J’y aurais passé des heures à essayer divers cadrages.

Mais la journée n’est pas terminée. Quelques kilomètres sur le plateau nous séparent des terrasses de Moray. En arrivant sur le site, nous ne distinguons rien d’autre que de la végétation. Et pour cause ! Ici, elles sont « enterrées » ce qui les rend encore plus exceptionnelles et spectaculaires. Elles sont au nombre de trois, les deux plus petites étant les moins bien conservées. Quant à la plus grande, elle semble avoir été édifiée dans une forme de cratère. Les terrasses circulaires se succèdent de manière concentrique. C’est visuellement très beau et impressionnant par la taille. Ici les incas faisaient des expérimentations agricoles pour adapter diverses plantes. Avec quelques uns nous nous contentons de rester sur la hauteur pendant que le reste du groupe fait le grand tour pour contourner les trois structures.

Pour rejoindre la vallée au plus vite, notre chauffeur opte pour le plus court chemin, à savoir une piste certes cahoteuse mais réellement superbe au milieu des champs, la fin se déroulant même le long de la voie ferrée. Il y a bien un ou deux moments où nous avons cru rester posés sur la butte de terre bouchant le passage. C’est presque au dernier moment que nous retrouvons un bout de route carrossable, juste avant Ollantaytambo. Manque de chance, nous reprenons une piste quelques minutes plus tard, encore une fois le long de la voie ferrée, ce qui nous permet de voir le fameux train qui monte à Aguas Calientes. Quelques centaines de mètres plus loin, le chauffeur semble nous arrêter au milieu de nulle part dans un nuage de poussière. En fait derrière le mur à notre gauche se trouve notre campement de charme. Comme souvent dans ce pays, rien à l’extérieur ne le laisse présumer. Et c’est vrai qu’après quelques mètres sous les eucalyptus, nous apercevons des tentes. Ce campement éco-responsable installé sur les rives de l’Urubamba est en fait un centre de formation pour les jeunes des montagnes. De fait, nous n’y croisons que des adolescents qui s’occupent de tout. L’endroit est vraiment agréable, paisible grâce au bruit de l’eau, mais aussi sonore quand un train arrive en gare avec son puissant klaxon.

Les tentes en dur sont réparties sous les arbres, chacune disposant d’une toilette sèche et d’un point d’eau, tandis que l’éclairage est assuré par des bougies. Une grande structure en bois et en toile sert de salle commune pour les repas. Il y a même deux blocs de douche en dur alimentées en eau chaude. Dès notre installation, on nous donne rendez-vous pour assister à la préparation d’un repas traditionnel, le Pacha Manca. Un dôme de pierres a été porté à température grâce à un feu de bois. L’essentiel des braises est retiré. Des pierres sont placées au fond du trou. Puis tous les légumes sont déposés au-dessus, suivis d’une couche de pierres qui précède les différents morceaux de viande préalablement marinés. Le tout est couvert de feuilles de blettes plus un fromage et des fèves encore dans leurs cosses. Une couche de paille vient recouvrir le tout, puis une bâche et enfin une couche de terre. Quelques fleurs sont plantées par tradition au sommet du dôme. Le repas va ainsi cuire à l’étouffée dans le sol pendant une trentaine de minutes.

Nous restons sur place : un grand feu de bois a été allumé à côté. Nous nous essayons à la chansonnette pour patienter. La fin de la cuisson approche. Tout un cérémonial est nécessaire avant d’ouvrir. Cela commence par diverses offrandes à la pacha mama, puis le retrait du bouquet par deux marraines, et enfin le retrait de trois pelletées de terre et pas une de plus par deux parrains, dont je fais partie. Nous terminons par une danse autour du repas à venir. Alors les garçons interviennent pour démonter le tout, récupérer toutes les denrées et les préparer pour passer à table. Direction la salle commune pour déguster tout ça sur des planches à découper en guise d’assiette.

 

Mardi 26 Mai, Ollantaytambo

 

Aujourd’hui sera une journée tranquille. Nous attendons 7h30 pour prendre le petit déjeuner. Du coup cela m’a fait une bonne nuit de sommeil. Après avoir rassemblé tous les sacs dans la salle commune, nous commençons par nous approcher de la pierre sacrée dans l’enceinte même du campement. De par sa masse, elle avait pris une importance religieuse. Des marques y ont été sculptées et elles servaient pour des offrandes. Nous passons par les jardins et les serres du camp avant de le quitter définitivement accompagnés d’un chien qui a réussi à s’échapper malgré tous nos efforts. Nous remontons vers le village en empruntant un petit sentier au milieu des champs. Dès le départ nous apercevons sur la falaise en face quelques constructions incas. Après les champs, nous traversons une poignée de ruelles bétonnées avant de nous retrouver le long d’une piste détrempée. Finalement nous débouchons sur une placette occupée par un petit marché artisanal. En levant un peu les yeux au-dessus du grand mur sur notre gauche, je devine déjà toute l’ampleur du site archéologique d’Ollantaytambo.

Une fois l’enceinte franchie, l’impression se confirme. Deux immenses séries de terrasses nous font face de part et d’autre d’une avancée rocheuse. Nous commençons par tous les coins associés à l’eau. Le temple de l’eau s’impose de lui-même avec sa structure restaurée. Le bain de la princesse s’enrichit lui d’une plaque sculptée en trois profondeurs. Dans toute cette partie, la musique de l’au qui s’écoule est toujours présente. Nous nous rendons aussi compte que la falaise en face est recouverte de sentiers et de constructions. Nous prenons notre temps pour explorer toute la partie basse parsemée de parois sculptées de détails architecturaux. Nous essayons aussi de distinguer ici bas le condor, et sur la montagne en face le profil de l’Inca ou le dieu Tupana portant sur son dos les greniers. Il faut parfois beaucoup d’imagination pour reconnaitre ces représentations. Le livre d’Heidé avec ses vues d’artistes aide beaucoup à comprendre.

Nous commençons ensuite par le petit ensemble de terrasses à droite. L’escalier est plus qu’usé ce qui a encore accentué l’irrégularité des marches. Un vrai casse-pattes ! Le dernier tronçon est directement creusé dans la roche pour rejoindre le chemin tracé au sommet des deux ensembles. Une petite pause pour reprendre mon souffle est indispensable. Nous passons ainsi au sommet de l’ensemble principal avant de poursuivre un peu plus haut jusqu’au temple du soleil jamais terminé mais tout de même parfaitement identifiable par la qualité de polissage et d’assemblage de ses murs. C’est sur ce sommet que nous affrontons à la fois un fort vent et une petite pluie. Nous résistons tant bien que mal. La redescente le long des grandes terrasses permet des prises de vues vertigineuses tant l’escalier est pentu. Nous bouclons ainsi deux bonnes heures à arpenter le site.

Nous ne faisons que quelques mètres pour rejoindre le restaurant à l’angle de la place du marché. Le service y est vraiment très long : nous nous sentons obligés, pour certains, de prendre un apéritif pour patienter. Après le repas, les quatre plus motivés et plus efficaces partent grimper jusqu’aux greniers que nous avons pu observer depuis le matin. A trois nous accompagnons Heidé pour visiter le village. L’essentiel des habitations du centre reposent sur d’anciens murs incas. Le tracé et la construction des ruelles datent aussi de cette même période. En traversant la partie plus moderne, nous croisons plusieurs groupes folkloriques qui partent à la grande fête du village. C’est ainsi jusqu’aux abords de la gare. Nous y retrouvons trois des jeunes du camp qui nous ont amené tous nos sacs. Ils sont pressés de larguer leur chargement et leur brouette pour aller festoyer eux aussi. Quoi qu’il en soit ils nous ont bien rendu service en nous évitant d’avoir à retourner au campement. Petit à petit nous récupérons des membres du groupe dans la salle d’attente alors que les trains se succèdent au départ. Petite frayeur lorsque nous découvrons qu’un billet a été perdu mais tout rentre dans l’ordre avant le départ. A l’heure dite, notre Inca Train se met en branle bruyamment tel ces vieux trains diesel brinquebalants. Comme tous les touristes, nous sommes dans la première classe, apparemment largement plus confortable que les wagons réservés aux gens du coin. Nous voyons la vallée se resserrer et la route disparaitre définitivement. Certaines lumières sur les glaciers qui nous dominent sont superbes. Le trajet durant environ une heure et quarante minutes, nous finissons par être pris par la nuit. C’est ainsi que nous entrons dans Aguas Calientes au ras d’un restaurant, l’hôtel associé étant juste de l’autre côté du train. Sinon c’est juste une collection de points lumineux que nous percevons. Difficile de se faire une meilleure idée de la cité. A la sortie de la gare, nous n’avons que quelques centaines de mètres à faire dans la rue qui longe les voies pour rejoindre notre hôtel. Qui plus est nous mangeons sur place. La douche est la bienvenue malgré cette journée plus « légère » et le lit bien moelleux. Les serviettes de toilette sont pliées de manière artistique ; mais c’est dans la chambre d’Annie et Jean-Mi que le spectacle est le plus réussi avec deux éléphants qui se font face. J’apprécie d’avoir une chambre à l’arrière du bâtiment, suffisamment loin des bruits de la gare. Seul hic, nous n’allons pas en profiter longtemps. Le réveil demain est prévu très tôt.

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