Saint Clément la triple

Publié le par Jérôme Voyageur

3 Novembre 2007, Rome

 

Il est des sites totalement méconnus qu'on découvre sur place au hasard des flâneries. C'est souvent comme cela que les découvertes les plus marquantes se font. Ce genre de lieux sont aussi bien moins fréquentés et on en profite plus sereinement et plus tranquillement. En l'occurrence, Saint Clément m'est apparu en consultant le plan du quartier en quittant Saint-Jean de Latran. Non loin de là, une croix indiqué la présence d'un site religieux. La consultation de mon guide touristique a suffi à me convaincre de faire un léger détour.

Pour la rejoindre, il suffit de suivre la Via San Giovanni in Laterano en quittant l'église éponyme. Il est facile de la repérer : elle mène au Colisée qui s'élève tout au bout. En chemin, on aperçoit ici et là quelques habitations aux origines très anciennes à en voir l'aspect de leurs structures. Après quelques minutes, un petit clocher attire l'attention sur la droite de la rue. On pourrait presque passer à côté sans s'en rendre compte. C'est une chose assez peu commune à Rome pour être signalée.

Il existe un accès donnant directement sur la rue, mais il me semble préférable de le réserver à la sortie. En empruntant la ruelle sur la droite, on peut accéder à la façade de l'église. Quelques marches permettent de descendre vers la cour intérieure en franchissant le portail percé au milieu d'un haut mur blanc. On se retrouve dans une toute petite cour champêtre au sol irrégulier, fait de pavés pris dans le mortier de manière un peu désordonnée. Face à nous s'élève une très classique façade de style baroque, à ceci près qu'il n'y a quasiment pas de décoration, juste l'enduit blanc. Au rez-de-chaussée, quelques fines colonnes grises ouvrent sur une arcade. Celle-ci se poursuit sur les deux côtés de la cour dans un style plus sobre. Quelques palmiers apportent une note de verdure qui contribue à la sérénité du lieu. Au centre de la cour tente de s'élever un mince filet d'eau au-dessus d'une sobre fontaine de taille modeste. Une bonne partie de l'eau finit d'ailleurs sur le pavement et non dans le bassin.

L'unique porte percée au centre de la façade permet d'accéder à l'église qui date du 12ème siècle. On pénètre ainsi dans un édifice plus sobre que les autres. Tout est relatif bien sûr, tant certaines églises sont chargées. Il y a bien ce plafond avec ses profonds caissons qui encerclent une peinture religieuse ; il y a bien ces peintures à l'étage entre chaque fenêtre ; il y a bien ce chœur intégralement décoré avec des fresques tandis que la voûte est couverte de mosaïques dorées qui figurent de manière éblouissante le Triomphe de la Croix. Mais au sol, point d'excès. L'autel à baldaquin reste tout aussi sobre que la balustrade de marbre qui marque un espace réservé au centre du chœur et de la nef. On peut y apercevoir sur la gauche un original candélabre pascal datant du 12ème siècle, entièrement torsadée et orné de mosaïques (de style cosmatèque). A gauche de l'entrée, un petite chapelle dite de Sainte-Catherine, abrite des fresques du 15ème siècle illustrant la vie de la sainte mais les photos en sont interdites.

Si il n'y avait que cela, la visite pourrait sembler bien sommaire. En fait, Saint-Clément est un véritable raccourci de l'histoire de Rome. Mais pour s'en rendre compte, il faut visiter les excavations dont l'accès est payant. Il faut entrer dans la boutique sur la droite pour obtenir un ticket (de l'ordre de 5 euros) et trouver la porte d'accès. Une fois celle-ci passé, toute photo est interdite, et il y a même quelques caméras de surveillance. Néanmoins, les lieux étant sombres, les opportunités sont limitées.

Donc après quelques marches dans les sous-sols de l'église, on accède à une basilique datant du 4ème siècle qui fut ravagée par les envahisseurs Normands en 1084. Elle était déjà consacrée à Saint Clément. D'ailleurs, on peut apercevoir quelques fresques qui illustrent sa vie et son martyre, lui le troisième successeur de Saint-Pierre qui aurait été jeté dans la mer Noire attaché à une ancre. Au sol, on peut distinguer ici et là quelques portions de mosaïques au fil des pas dans les trois nefs qui constituent ce niveau. Les lieux sont encore assez clairs et semblent encore servir pour des offices si on s'en réfère à la présence de cet autel au fond de la nef centrale. Dans celle opposée à l'escalier d'accès, on distingue une ancienne « piscine », reste probable d'un baptistère qui désormais se remplit de pièces.

Au hasard de vos déambulations, vous allez trouver quelques escaliers qui vous entraient plus loin dans les profondeur. Il y a en effet un troisième niveau à Saint-Clément. Sous la basilique du 4ème siècle persistent des restes de constructions et d'un temple des 1er et 2ème siècles. Il s'agit d'un sanctuaire privé, le « titulus Clementis », où aurait résidé le saint, et d'une maison où on vouait un culte à Mithra, une divinité iranienne, concurrente pendant un temps du christianisme. D'ailleurs un autel de Mithra constitue le clou de la visite de ce dernier niveau. Il est situé au fond de l'édifice dans une ancienne salle de banquets juste sous l'abside de l'église supérieure.

A ce niveau, tout est sombre et les quelques appliques lumineuses sont les bienvenues même avec leur chiche éclairage. Il n'y a quasiment pas d'indications et ce n'est pas plus mal. C'est en se perdant dans ce dédale sombre qu'on découvre diverses pièces de la maison. En tendant l'oreille, on retrouve la source de ce bruit aquatique : une canalisation irrigue différentes pièces de l'ancien logis. La visite est assez surprenante : cette ambiance souterraine y contribue pour beaucoup, d'autant plus que rares sont les visiteurs qui descendent au dernier niveau. Ici ou là, on devine quelques restes de décorations antiques. Dans un coin de l'édifice, c'est même une catacombe qu'on peut apercevoir : elle abrite seize tombes rupestres. Bien évidemment, le lieu est parfait quand la chaleur règne à l'extérieur : un vrai bain de fraîcheur et surtout une découverte originale pour une église. Malgré l'absence de fléchage, on finit assez rapidement par retrouver un escalier qui nous ramène plus haut.

Saint-Clément n'est certes pas un chef d'œuvre architectural ni un monument incontournable mais elle mérite une visite en passant pour découvrir cet empilage de constructions. D'ailleurs, cela montre combien le niveau du sol a varié au centre de la ville.


Sur le chemin jusqu'au prochain site, je vous invite à jeter un œil à l'église Santo Stefano Rotondo, une originale église ronde, malheureusement difficilement visible de l'extérieur ou encore au parc de la Villa Celimontana.

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Publié dans Italie, Europe, Carnet de voyage

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