Que vois je du haut de ce donjon parisien ?

Publié le par Jérôme Voyageur

Paris, 6 Mai 2006

 

Ce week-end, je me suis enfin décidé à découvrir le seul château-fort de Paris. Du moin,s c'est le seul qui soit encore debout quasi intégralement car du château de Philippe Auguste, il ne reste que quelques fragments d'enceinte dans le sous-sol du Louvre. Mais à l'est de Paris, au nord du bois éponyme où se massent les nombreux promeneurs du dimanche se tient toujours fièrement celui qui est un des châteaux-forts les mieux conservés et les plus vastes d'Europe. Tout ça aux portes de Paris, à quelques pas du périphérique en lisière de bois.

Vous y parviendrez très facilement en empruntant la ligne 1 du métro qui vous déposera juste à l'entrée nord du château. Le RER A peut aussi constituer une alternative en transport en commun. Sinon, sachez que vous pourrez trouver de nombreux parkings tout autour et aux abords du bois au cas où vous viendriez en voiture. Dans ce cas, vous avez le choix entre l'accès par le périphérique à l'ouest, l'A86 puis l'A4 pour un accès par le sud du bois. Bien sûr, si vous avez l'âme sportive, vous pouvez toujours venir à pied depuis Paris et profiter ensuite des ballades dans le bois. Vous êtes donc ici à Vincennes dans ce qui fut jadis un palais royal mais désormais quartier militaire ! L'essentiel des bâtiments sont occupés par les archives des différentes composantes de l'armée française. Parmi les bâtiments modernes, seul le bâtiment d'accueil dit accueil Charles V est ouvert au public pour la billetterie et la boutique.

Mais si on remonte dans le temps, au moins jusqu'au 12ème siècle, il s'agissait dès le début d'une résidence royale. Pour être précis, Louis VII puis Philippe Auguste en firent une résidence de chasse. L'air du Paris de l'époque est tellement vicié qu'il faisait bien meilleur de respirer l'air frais de la forêt (quoi qu'aujourd'hui, ce serait presque pareil !). C'est ainsi que les rois ont commencé à installer du côté de Vincennes pour y chasser dans un premier temps le lapin de Garenne. Plus tard, après la mise en place de clôtures, le roi fera introduire du gibier un peu plus conséquent. Mais le réel changement apparaît sous le règne du grand Saint Louis. Sous son règne, Vincennes devient un lieu de pouvoir où sont prises de nombreuses décisions politiques. C'est ici aussi qu'il prépare ces deux croisades. D'ailleurs, il conservera quelques épines de la couronne du Christ ainsi qu'un morceau de la croix à Vincennes. Un chêne planté à la place du manoir rappelle ce bon roi. Néanmoins, il n'est là qu'à titre symbolique. En effet, les historiens s'accordent à dire que Saint Louis rendait la justice dans les bois séparant l'église de Montreuil de son manoir de Vincennes, en revenant de la messe. Il s'avère qu'il s'agissait d'une forêt de chênes. D'où l'image qui est restée de Saint Louis rendant la justice sous un chêne. C'est aussi lui qui transforme Vincennes de pavillon de chasse en résidence familiale.

 

C'est Philippe VI, en 1337, qui décide la construction du donjon et de son enceinte fortifiée. La guerre de Cent ans n'est pas étrangère à cette fortification. Et ce n'est qu'en 1370 que le chantier s'achève avant d'être réouvert pour construire la grande enceinte, construite sous Charles V, qu'on observe aujourd'hui. En visitant les lieux, vous aurez la surprise de constater que le plan de ce château ne correspond pas du tout à ce qu'on à l'habitude de voir. En effet, le donjon a été déplacé de sa classique position centrale vers le bord de l'enceinte afin de laisser un large espace libre au centre de l'enceinte : la basse-cour telle que l'avait imaginé Charles V pour accueillir toute sa cour à ses pieds ! Une muraille rectangulaire de 378 mètres sur 175 parsemée de neuf tours d'une quarantaine de mètres de haut, sur trois côtés protégeait alors le manoir royal. Désormais ces tours sont bien moins impressionnantes après avoir été écrêtées sous Napoléon alors qu'elles menaçaient de s'écrouler. Seule la tour dite du Village, au centre du mur nord est restée intacte. Le large fossé protégeant l'enceinte a quant à lui résisté au passage du temps. Mais contrairement au cliché classique, il n'a jamais été rempli d'eau. A peine a-t-il été utilisé pour faire s'écouler les égouts !!! Aujourd'hui, les pelouses qui tapissent son fond accueillent quelques symboles commémoratifs des gens qui y ont été fusillés dont quelques communards, des résistants en 1944, et le duc d'Enghien dont craignait qu'il tente de rétablir la monarchie au moment du règne de Napoléon, en 1804.

En revanche le donjon, avec sa cinquantaine de mètres domine toujours le lieu. Une telle taille en fait le plus haut édifice médiéval fortifié d'Europe. Malheureusement, il est encore en travaux de rénovation pour encore quelques mois (dix en principe, soit le mois de mars 2007) après dix ans de chantier : il n'est ainsi pas possible de monter dans les salles intérieures, ni même sur la terrasse ; il faut se contenter de l'enceinte du donjon et de son chemin de ronde. Il faut dire que cette réhabilitation était devenue indispensable. En effet, au début du siècle précédent, le creusement de la première ligne de métro parisien avait rendu nécessaire l'assèchement de la nappe phréatique qui avait toujours garantit un approvisionnement en eau au château. Malheureusement, ceci a conduit à une contraction de l'argile en sous sol, fragilisant ainsi toutes les fondations de ce lourd donjon. A l'origine, Charles V en avait fait sa résidence, tandis que sa femme résidait au manoir !!! Mais à partir du 16ème siècle, le donjon est délaissé par les souverains ; les prisonniers prennent leur place. On dit qu'il s'agissait d'une prison très confortable où on était incarcéré avec son personnel de maison voir même sa famille !! Parmi les détenus les plus connus du lieu, on peut citer Fouquet, Mirabeau, et le célèbre Marquis de Sade.

Toujours sous le règne de Charles V, le château de Vincennes s'est enrichi d'une Sainte-Chapelle. La tradition veut qu'on nomme ainsi tout édifice religieux abritant des reliques de la Passion du Christ. En réalité, sa construction s'est étalée de 1380 à 1552. Elle fait face au massif donjon, juste en vis à vis, le chœur côté est de l'enceinte. D'ailleurs le contraste est particulièrement marqué entre la tour, militaire et donc austère, et la chapelle à l'architecture fine et travaillée de style gothique flamboyant. On notera que les façades des deux bâtiments sont bien claires par la suite des restaurations des façades. Le plan de la chapelle est assez simple avec une nef unique terminée par le chœur, et deux oratoires de part et d'autre, au nord celui du roi désormais occupé par le tombeau du duc d'Enghien, au sud celui de la reine, actuellement utilisé pour entrer. L'oratoire nord est aussi flanquée d'une sacristie qui sert aujourd'hui de salle de musée pour exposer pièces archéologiques, panneaux explicatifs et maquette du site. Mais si on revient au chœur, on y aperçoit un statue colorée de Saint Louis au fond, Henri II sur la gauche et sa femme sur la droite. Les vitraux du chœur sont quasiment d'époque avec leurs couleurs plutôt flamboyantes. Néanmoins, les spécialistes se sont rendus compte qu'ils avaient été remonté dans le désordre comme par exemple ce roi au bas du vitrail central composé du corps de François 1er surmonté du buste et de la tête de son fils !! Mais ce n'est rien à côté des vitraux de la nef : ils apparaissent plutôt tristes avec leurs teintes grisâtres. C'est la conséquence de la rénovation de Viollet le Duc, et ensuite de la tempête de 1999 qui avait balayée l'intégralité de ces vitraux ! Cette événement a d'ailleurs eu pour conséquence de fragiliser la voûte. Ceci explique qu'on ne puisse plus pénétrer par la porte principale ni même déambuler dans la nef. La visite se limite aux oratoires, à la sacristie et au chœur. Mais il faut se dépêcher car la Sainte Chapelle fermera à nouveau ses portes en septembre 2006 pour de nouveaux travaux de consolidation.

L'aspect du château prend un nouveau tour au 15ème siècle sous le règne de Louis XI qui ne trouve plus le donjon à son goût, plus à la mode ! Il décide alors de se faire bâtir un pavillon au sud-ouest de l'enceinte. Tour à tour, François 1er puis Catherine de Médicis le modifie. Cette dernière projette même la construction d'un second en vis à vis, à l'est de l'enceinte. Mais les travaux sont loin d'être finis puisque Marie de Médicis, suite à l'assassinat de son mari Henri IV, lance la reconstruction du pavillon de Louis XI. C'est enfin sous Louis XIV que Le Vau donne enfin son aspect définitif à ce qui deviendra le pavillon du Roi à l'ouest et le Pavillon de la Reine à l'est. Entre les deux, une cour royale est créée en fermant l'espace au nord par un portique et au sud en remplaçant l'ancienne tour du Bois par un arc de Triomphe. C'est ce spectacle que vous découvrirez en accédant au château par le bois de Vincennes. Malheureusement, vous n'aurez aucun accès à ces deux pavillons, domaine militaire oblige. Seules deux visites sont possibles, soit pour les journées du Patrimoine, soit à l'occasion de la seule visite conférencière organisée par l'armée. Quoi qu'il en soit, suite à divers incendies au fil des siècles, l'intérieur est finalement assez pauvre. Il semblerait que le clou de la visite soit une carte des chasses nationales.

A partir de l'installation de la cour de Louis XIV à Versailles, Vincennes va tout doucement être déserté et même laissé l'abandon. Avant qu'une garnison y soit installée au sortir de la révolution française. Jusqu'à l'installation progressive après guerre des archives militaires. Mais peut être que cela pourrait changer dans les prochaines années : il est en effet envisagé de transférer toutes ces archives dans le Fort Neuf tout proche, laissant ainsi libre l'ensemble du château de Vincennes ; quelques années de restauration en perspective ! En attendant, vous aurez pu constater que la visite est encore très limitée. Je vous invite ainsi à patienter jusqu'à la réouverture complète du donjon. Quoi qu'il en soit, cette visite est l'occasion d'une ballade à travers quelques siècles de l'histoire de France, le tout servi par des guides particulièrement intéressants et compétents !

Et puis vous pourrez poursuivre en vous oxygénant au milieu du bois, ou près des différents lacs.

Terminons sur quelques détails pratiques. Le château est ouvert toute l'année sauf quelques rares jours fériés. Deux circuits de visite vous sont proposés d'une durée de 45 minutes ou 1h15. Ils partent à heure fixe que vous pourrez retrouver sur le site web du château : www.chateau-vincennes.fr . Côté tarif, il fallait compter 5 euros en plein tarif pour le premier circuit et 6€50 pour le second mais il existe diverses réductions qui, assez étrangement, vous sont énumérées lors de l'achat de vos billets ! On fait vraiment tout pour vous satisfaire !

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Publié dans Europe, France

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